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L'asservissement des pays aux agences de notation

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 225 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 18/01/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Selon Paul De Brauwe, spécialiste de l’Union monétaire (cfr. « Le Soir » du 16 janvier 2012), l’Europe s’est faite esclave des agences de notation. L’Union monétaire réagit devant les agences de notation un peu comme le lapin devant le serpent.

    En effet, lesdites agences font, avec leurs classements, le bon et le mauvais temps. Elles poussent les Etats à prendre une série de mesures d’austérité, les entraînant davantage dans un climat de désinvestissement et de ralentissement conjoncturel. Austérité qui empêchera l’économie de rebondir, ce qui ne reste pas sans peser la stabilité des Etats, voire de l’Union monétaire.

    Selon une série de personnalités politiques allemandes, les agences de notation mèneraient une « guerre contre l’Union monétaire » ou une « guerre économique contre l’euro ». Pour ce qui me concerne, cela s’apparente effectivement de plus en plus à une guerre économique « transatlantique ».

    De quel droit les agences de notation propagent-elles actuellement un « pessimisme excessif », comme elles avaient été coresponsables d’un « optimisme excessif » avant 2008, avant la crise bancaire ? Ce sont précisément les agences de notation qui ne se sont pas fait entendre avant que la bulle spéculative n’explose, entraînant l’économie dans les difficultés que nous connaissons actuellement.

    Le fait que la cote a été baissée pour la France, dérange, outre le Président de France, les responsables allemands. En effet, l’Allemagne est la seule grande économie de l’Europe dont la cote est toujours le AAA. Voyant ainsi un des membres déstabilisés, l’Allemagne craint pour le Fonds européen de stabilité financière, et ce, d’autant plus, si – au bout de la course – l’Allemagne risque de devenir le principal pays contributeur net dans le mécanisme de solidarité intra-européenne. Ce n’est pas sans risque de susciter, au sein de l’Allemagne, des sentiments anti-européens – auquel cas, l’enjeu est de taille.

    Loin de moi l’idée de vouloir définir la politique de l’UE au départ de considérations régionales wallonnes, mais, ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment Monsieur le Ministre voit l’évolution de cette question ? Quelles sont les leçons à en tirer en termes de réduction des dépenses au niveau wallon ou en termes de politique anti-cyclique favorisant l’investissement public wallon ?
  • Réponse du 30/04/2014
    • de ANTOINE André

    Comme l’honorable Membre le sait très certainement, les agences de notation apposent un jugement sur le risque de solvabilité d’une entreprise ou d’un État, traduisant la capacité et la volonté de ce celui-ci de rembourser sa dette. Cette notation a donc un impact non négligeable sur le coût de financement d’un emprunteur.

    Le constat de l’influence notable des décisions communiquées par les agences de notation sur la confiance des investisseurs et donc sur la gestion de la dette des entités fédérées est partagé.

    Il convient néanmoins de tempérer ce propos, car la notation d’un émetteur public ne peut être considérée comme le seul déterminant dans la décision d’investissement. Ainsi, la dégradation des notes de plusieurs pays européens n’a pas toujours perturbé outre mesure les marchés financiers qui avaient probablement déjà intégré ces perspectives. Pour illustrer ce propos, prenons le cas de la France quand elle était encore notée « AAA », soit la même note que l’Allemagne, payait déjà une prime de risque plus élevée que l’Allemagne. Les investisseurs avisés sont en effet conscients à la fois de l’importance, mais également des limites de ces notations. On peut mentionner à ce sujet les inquiétudes relatives aux conflits d’intérêts, ou encore la propension à renforcer les cycles économiques (l’idée de prophétie autoréalisatrice, où la dégradation de la note induisant une augmentation des taux d’intérêt qui elle-même peut conduire à une nouvelle dégradation).

    En ce qui concerne la position anglo-saxonne sur le marché des agences de notation vis-à-vis de l’Europe, voire de l’Asie, force est de reconnaitre leur suprématie, ou à tout le moins un certain déséquilibre. Une utilisation de cette configuration à des fins de renforcement politique outre-Atlantique semble cependant limitée. Mentionnons à ce sujet la dégradation de la note de la dette américaine le 5 août 2011, soit bien avant la vague de dégradations intervenues récemment en Europe.

    La Commission européenne s’est néanmoins penchée le 15 novembre 2011 sur de nouvelles propositions sur les agences de notation centrées autour de quatre objectifs majeurs :

    1° limiter une trop forte influence des notations de crédit sur les investisseurs;
    2° accroître la fréquence et la transparence des notations de la dette souveraine;
    3° contrer les risques de conflits d’intérêts en améliorant l’indépendance et la diversité des agences de notation;
    4° renforcer la responsabilité des agences de notation par rapport à leurs décisions.

    Un règlement et une directive européenne ont été adoptées en janvier 2013 et sont applicables à toutes les agences actives en Europe, dont les trois principales, Standard and Poor's, Moody's et Fitch.

    Celles-ci devront à l'avenir expliquer leur méthodologie. Les évaluations devront intervenir à date fixe. Elles ne pourront en outre plus assortir leurs notations de recommandations sur les politiques à mener par les gouvernements. Autre avancée majeure, le règlement introduit une responsabilité civile de ces institutions. Les agences pourront ainsi faire l'objet de poursuites et de demande de dommages pour des notations infondées qui auraient porté à préjudice.