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L'adoption par le Gouvernement d'une modification législative favorisant les alternatives au chlore pour les piscines

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 396 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 18/01/2012
    • de TROTTA Graziana
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Actuellement, le chlore est très majoritairement utilisé comme désinfectant pour les piscines publiques. Celle de Louvain-la-Neuve est une des rares à être traitée au cuivre-argent, sans aucun chlore .

    Le 14 janvier dernier, la presse s'est fait l'écho d'une modification législative votée par le gouvernement au sujet de l'utilisation du chlore pour purifier l'eau des piscines, d'autres produits étant par ce biais autorisés.

    Selon la presse, il s'agit pour Monsieur le Ministre d' « une précaution environnementale qui donnera aux responsables de piscines la possibilité de travailler autrement ».

    Monsieur le Ministre peut-il me donner des précisions sur la modification dont question ? Quel est le texte concerné ? Quelles sont précisément les nouveautés ? Quelles sont les alternatives autorisées ? Quels sont les objectifs et les effets attendus de cette modification ?

    Sur le sujet, j'ai récemment questionné le collègue de Monsieur le Ministre en charge des infrastructures sportives, au sujet des alternatives au chlore dans le cadre du « Plan piscine », ainsi que son collègue en charge de l'enfance au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à propos de l'information des parents sur les effets négatifs d'une surexposition des enfants au chlore.

    En effet, même s'il est largement utilisé, le chlore présente des inconvénients sanitaires, comme l'ont montré les résultats des études du Professeur Alfred Bernard, toxicologue à l'UCL et directeur de recherche au FNRS, résultats renforcés par les conclusions d'une étude franco-canadienne portant plus particulièrement sur les nageurs de compétition.

    Ces dernières conclusions sont étonnantes. Elles révèlent chez la plupart des nageurs de compétition, qui ne présentaient aucun diagnostic ou symptôme d'asthme, des signes histologiques de lésions pulmonaires, une hyperréactivité bronchique (un indicateur utilisé pour diagnostiquer l'asthme) et une sensibilité à au moins un allergène.

    Les scientifiques franco-canadiens pointent donc du doigt le chlore (les sous-produits de chloration) comme responsable du taux très élevé d'allergiques chez les nageurs de compétition, le taux de prévalence d'asthme étant quatre fois plus élevé chez ces derniers que dans la population générale et deux fois plus élevé que chez les autres sportifs de haut niveau.

    De son côté, le Professeur Alfred Bernard avait déjà décrit des risques accrus de bronchiolite chez les jeunes enfants exposés précocement au chlore des piscines.

    Le lien causal étant avéré et les conséquences pour la santé n'étant pas négligeables, il convient de prendre les mesures nécessaires pour éviter ces problèmes sanitaires. J'espère que la modification adoptée par le gouvernement permettra un réel changement positif dans ce sens.
  • Réponse du 21/09/2012
    • de HENRY Philippe

    La réglementation, applicable aux bassins de natation, est bien en cours de modification, et des textes en seconde lecture ont été adoptés en juillet dernier par le gouvernement.

    Bien que déjà prévues, les nouvelles conditions sectorielles vont faciliter le recours à d'autres techniques de désinfection que le chlore.

    L'arrêté du Gouvernement wallon du 13 mars 2003 portant conditions sectorielles relatives aux bassins de natation ainsi que l'arrêté du Gouvernement wallon du 13 mars 2003 fixant les conditions intégrales relatives aux bassins de natation visés à la rubrique n° 92.61.01.01.01, dans le cas des petits bassins de natation - ont fait l'objet de modifications visant essentiellement à :
    - traiter de la problématique des légionelles ;
    - fixer des paramètres pour la qualité de l'air (renouvellement de l'air, taux de chloramines) ;
    - préciser les normes de rejet des eaux usées ;
    - adopter une réglementation spécifique pour les petits bassins de natation qui utilisent un système de traitement de l'eau alternatif au chlore ou en combinaison avec du chlore, dans la mesure où ces bassins sont, à l'heure actuelle, réglementés par la réglementation relative aux grands bassins, c'est-à-dire l'arrêté du Gouvernement wallon du 13 mars 2003 portant conditions sectorielles relatives aux bassins de natation.

    En ce qui concerne le volet sanitaire, plusieurs études sur les risques que présentent les substances chlorées pour les bébés nageurs, les enfants et les adolescents ont été menées en Belgique (1). La trichloramine (2) est volatile et participe à la qualité de l’air d’une piscine couverte. Elle est considérée dans des études épidémiologiques comme le principal sous-produit de désinfection responsable de l’asthme chez les nageurs. Mais d’autres dérivés du chlore sont également mis en cause : l’hypochlorite, les mono- et dichloramines (sous forme d’aérosol) et le chlore gazeux.

    Selon l’avis du Conseil supérieur de la santé rendu le 2 février 2011, une relation entre la fréquentation d’une piscine et l’asthme chez l’enfant n’est pas confirmée mais ne peut pas « encore» (dit l’avis) être exclue. En effet, au vu des données scientifiques disponibles, la relation causale semble peu problable mais il n’y a pas de données suffisamment précises pour le prouver comme celles permettant une meilleure connaissance de l’exposition et des études longitudinales (cohorte).

    Les études réalisées en Belgique sont principalement transversales et montrent une association, notamment pour les enfants atopiques – c'est-à-dire montrant une prédisposition génétique aux allergies -, mais pas de relation causale entre l’asthme et le chlore. L’étude franco-canadienne – dont les résultats ne sont pas (encore) en possession de la Cellule Permanente Environnement Santé -, suivant la relation qu’en donne la presse, constitue également une étude transversale, cette fois chez des nageurs de compétition et pas chez des enfants.

    Il faut rappeler que différentes circonstances contribuent à l’apparition ou au développement de l’asthme au cours de la vie : les facteurs génétiques, le petit poids de naissance et/ou la prématurité, le tabagisme passif, la présence et l’importance d’allergènes domestiques multiples, la pollution environnementale générale et notamment par les particules fines, et la présence de moisissures dans un environnement domestique humide. Isoler un facteur de risque comme les piscines chlorées n’est pas évident et le Conseil supérieur de la santé insiste sur la nécessité de traiter adéquatement (3) les autres facteurs de risque pour l’asthme dans l’analyse.

    Le même Conseil estime que les nets avantages de l’effort physique lors d’une séance de natation et la meilleure tolérance des patients asthmatiques à la natation par rapport à d’autres sports sont également à prendre en considération face au risque d’asthme durant l’enfance.

    L’avis du Conseil supérieur de la Santé n’aborde pas spécifiquement les bébés nageurs (de 0 à 1 an ou 2 maximum) qui doivent être distingués des « enfants » (de 0 à 12 ou 14 ans selon les études) : ces sont deux publics différents. Pour ce public vulnérable, les avantages ne sont pas considérés comme suffisants pour l’AFSSET (4) en France. Celle-ci relève que l’exposition à la trichloramine augmenterait (5) la fréquence et majorerait la gravité des maladies respiratoires (asthme, bronchites) et de l’eczéma chez les professionnels et les enfants (en particulier avant l’âge de deux ans (6)) fréquentant régulièrement les piscines chlorées, ce qui justifie la mise en place de mesures particulières pour ces deux populations.

    Sur les mesures nécessaires pour éviter ces problèmes sanitaires et la question de savoir si la modification des conditions d’exploiter les bassins de natation permettra un changement positif en ce sens.

    Bien que le lien causal ne soit pas établi entre asthme et piscine chlorée, ni les autres conséquences pour la santé, les conséquences négatives – et avérées - des maladies infectieuses dues à une désinfection insuffisante ne doivent pas être négligées dans le débat sur les méthodes de désinfection de l’eau des piscines ou la fréquentation des piscines. En France, il semble (7) que 20% des maladies liées aux eaux de piscines soient des infections gastro-intestinales, 30% des irritations cutanées et 50% des infections de la sphère ORL et oculaire.

    D’autres méthodes de traitement peuvent représenter une plus-value de par l’absence ou la moindre utilisation de chlore, mais il convient d’en évaluer les avantages et les inconvénients.

    Il est également clair que quel que soit le mode choisi, seule une bonne gestion de l’ensemble de la chaîne de traitement de l’eau, voire de l’établissement, et une hygiène correcte des nageurs, peut assurer l’obtention d’une eau de bonne qualité (8). La qualité et la température de l’eau de piscine, le renouvellement et le recyclage de l’air dans les piscines couvertes, la formation du service technique et le respect scrupuleux des prescriptions d’hygiène par les nageurs sont essentiels.

    Les conditions d’exploiter les bassins de natation, et les contrôles de leur respect, doivent viser ces différents objectifs, ce qui n’exclut pas la prise de dispositions et l’information à d’autres niveaux :
    D’une part, en cas d’inquiétude, les patients sont encouragés à consulter leur médecin qui pourra les conseiller en adaptant son message à leur situation bien particulière, et par exemple préciser s’il y a ou non contre-indication à l’activité. Par ailleurs, ainsi que le préconise l’AFSSET qui déconseille l’activité des bébés nageurs, particulièrement à défaut d’avis médical préalable, il conviendrait de réserver le bassin aux seuls bébés et personnes qui les encadrent pendant la durée de l’activité, et de prévoir le port d’une couche jetable adaptée au bain. Enfin, pour les bassins de natation utilisés dans un cadre purement familial, qui ne sont pas soumis à déclaration ou permis d’environnement, des recommandations seraient également à formuler à défaut de condition d’exploiter applicables.



    (1) Bernard et al, Pediatrics 2009 ; Nickmilder et al., Occup Envir Med 2007; Bernard et al., Envir Health Perspect 2006.
    (2) La trichloramine appartient à la famille des chloramines et se développe lors de la combinaison de produits chlorés utilisés pour la désinfection des eaux et la pollution azotée apportée par les dérivés organiques (sueur, salive, urine, bactéries, crème solaire, débris animaux ou végétaux, sève, …).
    (3) Le CSS estime que le traitement statistique des autres facteurs de risques n’est pas toujours réalisé de manière complète ou transparente. Cfr. CSS, p.9, 3.3.3.1 dernière phrase.
    (4) Agence Francaise de Sécurité Sanitaire de l'Environnement et du Travail
    (5) En l’état des connaissances, le conditionnel est utilisé. Voir avis de l’AFSSET, p.2/12, § 2.
    (6) Cependant, établir un diagnostic d’asthme est difficile chez l’enfant car avant 3 ans, on note une respiration sifflante de manière générale et les tests de fonction pulmonaire sont difficiles à réaliser avant l’âge de 6 ans. (CSS, p 9, 3.3.3.2.)
    (7) Selon le rapport de 2004 “analyse des technologies existantes en matières de désinfection des piscines et proposition d’un manuel de conseils aux gestionnaires de ces établissements », p8, point 2
    (8) Evaluation des risques sanitaires liés aux piscines. Partie I : piscines réglementées. Afsset, 2010.