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La neutralité CO2 du bois-énergie

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 398 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 19/01/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Selon Greenpeace Canada (Source : novembre 2011 - La Libre Belgique) la biomasse forestière polluerait plus que le charbon. " Plusieurs provinces canadiennes ont ouvert les forêts publiques à l'extraction à grande échelle de matière végétale pour produire de l'énergie à partir de leur combustion dans des centrales électriques….En fait, les centrales électriques nord-américaines fonctionnant à la biomasse "émettent jusqu'à 150% de plus de CO2. 400% de plus de monoxyde de carbone irritant pour les poumons et 200% de plus de particules fines qui causent l'asthme ", affirme l'ONG. Greenpeace demande donc un moratoire sur les nouveaux projets bioénergétiques.

    Outre le conflit bois-énergie contre bois-matériau, nous voilà devant un nouveau défi qui mérite d’être pris au sérieux et d’être examiné à fonds avant que – par une politique favorable à la biomasse – les faits soient accomplis et que toute correction ne soit plus possible.

    Monsieur le Ministre a-t-il connaissance des travaux de Greenpeace Canada et de leurs conclusions sur la question ? A-t-il examiné ou examinera-t-il la véracité des propos concernant les émissions de CO2, de CO et de particules fines ?

    Je dois à la vérité de dire que le dernier argument m’avait déjà été soumis par des entrepreneurs actifs dans la première transformation de bois (feuillus). Jusqu’à présent, je les avais pris pour un argument « intéressé » par le bois-matériau. Les propos de Greenpeace m’interpellent donc assez fort, surtout parce qu’on ne s’y attendait pas. Réflexion faite, le métabolisme d’un arbre fait en sorte que l’arbre grandit pendant 80 années. Les molécules se construisent donc selon un processus assez lent. Le chemin inverse, la décomposition de molécules endéans quelques instants se fait par contre à une rapidité incomparable avec le métabolisme de l’arbre. Retrouve-t-on, après le passage au feu, les mêmes composantes que ceux au départ desquels l’arbre a grandit par la photosynthèse et par son métabolisme ?

    Si jamais, les propos de Greenpeace justifient une correction de notre politique, quels seront les enseignements à en tirer ?
  • Réponse du 22/03/2012
    • de HENRY Philippe

    Concernant le fait que les centrales « émettent jusqu’à 150% de plus de CO2 », il est à noter que le second terme de la comparaison n’est pas repris dans cet article (de plus de quel type de centrale ?). Il n’est donc pas possible de confirmer de façon précise les chiffres annoncés.

    Ceci étant, la combustion de bois pose effectivement de nombreuses questions d’ordre environnemental et ceci n’est pas un élément nouveau.

    Du point de vue des émissions de CO2, pour autant que le bois utilisé soit issu d’une forêt gérée de façon durable (prélèvements inférieurs ou égaux aux accroissements), la combustion du bois, est considérée comme neutre, dans la mesure où le CO2 qui est libéré durant la combustion correspond à la quantité de CO2 prélevée par le végétal à l'atmosphère durant sa vie.

    La gestion de la forêt wallonne peut être considérée comme durable, sa superficie ayant même augmenté de plus de 21% depuis le 19e siècle. Il faut néanmoins remarquer qu’à l’heure actuelle, la Wallonie importe déjà plus de 50% de sa consommation de bois. Il faut alors s’assurer que ce bois importé soit produit à partir de forêts gérées durablement. Plusieurs types de certification existent à cet égard.

    Ceci étant, le bois présente effectivement un facteur d’émission de CO2 par unité d’énergie nettement supérieur à celui du gaz naturel ou du fuel. Le facteur d’émission du bois est de l’ordre de 92 à 95 kg CO2/GJ (Giga Joules), contre 56 kg CO2/GJ pour le gaz naturel et 73 kg CO2/GJ pour le fuel léger.

    La combustion du bois génère aussi des émissions de CH4 et N2O en faibles quantités, qui sont des gaz à effet de serre devant être comptabilisés dans le cadre de nos objectifs de réduction.

    Par contre la situation en matière d’émissions d’autres polluants atmosphériques est moins favorable. Ceci est lié à la physico-chimie de la combustion qui requiert d’une part l’utilisation d’un combustible (ici le bois), et d’un comburant, qui est l’oxygène de l’air. Plus intime est le contact entre le combustible et le comburant, meilleure sera la qualité de la combustion. C’est pour cette raison que la combustion la plus facile à réaliser est celle des combustibles gazeux car on obtient instantanément un mélange intime des molécules de carburant et d’oxygène.

    Pour que les gaz s’enflamment, une température de 700-800°C doit être atteinte. Les gaz doivent être mêlés le plus intimement possible à l’oxygène et ce pendant une durée suffisamment longue pour permettre une combustion complète de ceux-ci. En pratique, toutes les molécules d’oxygène rencontrent difficilement toutes les molécules à oxyder.

    Ce phénomène de combustion incomplète du bois est à l’origine de l’émission de différents polluants atmosphériques, en particulier de monoxyde de carbone (CO), composés organiques volatiles (COV, dont le formaldéhyde et l’acroléine), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines et furannes, ainsi que de poussières fines.

    Il est important de signaler que la qualité de la combustion, et donc le niveau d’émission de ces composés va varier très fortement en fonction de nombreux paramètres, comme le taux d’humidité du bois, le type d’essence, la présence ou non d’enduits sur le bois, le mode de conditionnement du bois (bûches, pellets, etc).

    C’est pour cela que, sans atteindre les niveaux d’émissions des combustibles gazeux conventionnels, une chaudière à pellets de bonne qualité, alimentée en continu par des granulés de bois de bonne qualité émettra les polluants atmosphériques précités en quantité très faible comparativement à une chaudière de technologie ancienne, alimentée par des bûches de qualité médiocre.

    De façon plus générale, dans les installations de combustion soumises à permis d’environnement, je veille à ce que les fonctionnaires en charge de la rédaction des avis sur les conditions particulières proposent des valeurs limites d’émissions supplémentaires pour les installations de combustion de bois. Outre des valeurs limites en CO et oxydes d’azote, comme pour les installations de combustion au gaz naturel ou au fuel, des valeurs limites en poussières (particules fines), carbone organique total (COV) et oxydes de soufre sont ainsi proposées dans les avis, afin que la qualité de l’air soit garantie à tout moment.

    Enfin, j’ai entrepris une révision globale de la réglementation wallonne relative aux installations de chauffage, étendue à l’ensemble des installations de combustion domestique, et abordant la problématique tant sous l’angle de la protection de l’environnement, que de la politique énergétique et de la sécurité, le tout dans le respect des compétences dévolues à chaque entité.

    Il s’agit d’un projet qui nécessite le recours à différents experts qui vont notamment devoir définir les nombreux critères techniques devant figurer dans une telle réglementation. C’est la raison pour laquelle j’ai chargé l’Agence wallonne de l’Air et du Climat de rédiger le cahier de charge d’une étude en plusieurs phases, et dont la première phase aura pour objectif de produire, pour le début de l’année 2013, un projet de texte législatif visant les équipements domestiques. La combustion du bois sera aussi abordée dans ce cadre, sachant que la variabilité de composition et de conditions de combustion du bois nécessitera une attention particulière en vue de proposer une réglementation adéquate.