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Le fait que 72 % des travailleurs de plus de 54 ans sont malades

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 92 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 03/02/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Trois travailleurs sur quatre arrivent malades à la pension. C'est le résultat d'une étude menée auprès de 2.474 ouvriers et employés de 55 à 64 ans suivis dans les onze mai­sons médicales du réseau Médecine pour le peuple, réseau créé par le Parti du travail de Belgique (Le Soir 8 novembre 2011). Les maisons médicales sont principalement implantées dans des (anciens) quartiers industriels ou défavorisés, comme Deurne, Hoboken, Genk, Herstal, Marcinelle, Schaerbeek ou Molenbeek. De ce fait, il faut être prudent avant de généraliser pour l’ensemble de la population.

    Le constat de médecine pour le peuple n'en est pas moins suffisamment pertinent. François Perl, Directeur général du service des indemnités à l'Inami, le confirme : « Je ne suis pas surpris. Le nombre d'invalides est en augmentation constante depuis 2004. ». De quoi souffrent ces travailleurs ? Pour 72 %, d'une maladie chronique invalidante. Pour 46%, d'une maladie du système musculo-squelettique. Pour 21 %, de problèmes mentaux.

    Il me semble que nous devons tenter de disposer de données récoltées de façon systématique et objective par nos institutions. La question de la pénibilité du travail mérite, en effet, d’être prise au sérieux. Toute tentative de faire travailler les travailleurs plus longtemps sans que l’on ne se soucie de leur état de santé nous confronte directement avec des questions éthiques.

    L’Observatoire wallon de la santé ayant fait un travail remarquable sur la santé des Wallonnes et des Wallons, il me semble que nous disposons d’un outil privilégié qui pourra nous informer de façon correcte sur l’état de santé des travailleurs plus âgés et qui sera en mesure de faire la distinction entre les difficultés causées par le travail et les difficultés pour d’autres motifs.

    Madame la Ministre est-elle donc d’accord de confier un travail de recherche sur la question à l’Observatoire wallon de la santé, avec, pour objectif bien sûr, d’intégrer les résultats dans les politiques wallonnes de l’emploi et de la santé ?
  • Réponse du 21/02/2012
    • de TILLIEUX Eliane

    Comme l'honorable membre le souligne, les maisons médicales s’adressent effectivement à un public plus précarisé, comme le précise la dernière livraison du rapport bisannuel de la Fédération des Maisons médicales et des collectifs de santé francophones parue en juin 2011.

    En effet, en 2009, près de 100 000 personnes ont participé à cette étude dans 45 maisons médicales. Par rapport à la population générale, les caractéristiques de cette population sont les suivantes :
    - une population plus jeune : 2 fois moins de patients âgés de plus de 65 ans ;
    - une population plus salariée : 3,5 fois moins d’indépendants ;
    - une population plus pauvre : 2,5 fois plus de patients bénéficiant du remboursement préférentiel des soins ;
    - une population plus malade : 1,8 fois plus d’invalides
    - une population plus précaire : 2 fois plus de patients non en ordre de mutuelle.

    Dans ce contexte, les données de l’INAMI fournissent un éclairage plus global.

    Dans les milieux défavorisés, la fréquence et la gravité des maladies chroniques est plus élevée que dans la population globale et mènent plus souvent à supporter des séquelles ou à décéder. L'enquête nationale de santé montre qu'après 65 ans 2/3 des personnes, quel que soit leur passé au travail, souffrent de maladies chroniques.

    Les problèmes ostéoarticulaires sont effectivement rarement répertoriés comme "maladies chroniques" car ils conduisent rarement à la mort mais sont, en revanche, responsables de beaucoup de souffrances.
    Les autres maladies chroniques sont des problèmes cardiovasculaires, digestifs, respiratoires, des cancers (ne perdons pas de vue les cancers liés au milieu du travail), des céphalées, des problèmes oculaires,... .

    Enfin, plutôt que parler de « problèmes mentaux » toujours un peu péjoratif, il est préférable d’utiliser le terme de « souffrance mentale » : dépression plus ou moins avérée, insomnies etc.…, toutes souffrances qui reflètent davantage les maux rencontrés dans la population par rapport à la pathologie mentale lourde comme, par exemple, la schizophrénie.

    Nous avons à notre disposition l'enquête nationale de santé et l'enquête européenne SHARE qui nous permettent d'aborder ces questions. D'autres portes sont ouvertes en matière d’information, notamment grâce à l'agence intermutualiste. Enfin, au niveau des maisons médicales, une étude vient de démarrer sur la mortalité prématurée parmi les patients des maisons médicales.

    Que les personnes soient travailleurs ou non ne change pas grand-chose : avoir un travail à l'heure actuelle est déjà un facteur protecteur pour la santé puisque parmi les sans emplois, la situation est plus grave encore. Ceci ne veut évidemment pas dire que certaines limitations, physiques par exemple, ne sont pas liées à un travail particulièrement pénible.

    Une collaboration avec les services de médecine du travail pourrait être intéressante.

    L’identification et la mesure des difficultés causées par le travail ou d’autres facteurs sur la santé des Wallons font partie intégrante des missions de l’Observatoire et ce d’autant plus qu’il existe un intérêt particulier pour les travailleurs de 54 ans et plus. Ceux-là mêmes qui sont au centre des préoccupations de l’année européenne du vieillissement actif. Ceux-là mêmes dont le maintien dans le monde du travail retient l’attention dans de nombreux débats en cours.

    L’OWS a reçu trois missions prioritaires de la part du gouvernement, parmi lesquelles le vieillissement de la population.
    Ainsi, l’OWS s’attache à la définition d’une cinquantaine d’indicateurs clés sur la santé des Wallons. Ce travail est en cours.

    En outre, la Direction générale opérationnelle des Pouvoirs locaux, de l’Action sociale et de la Santé s’intéresse à la question des collectes de données, dans le cadre du schéma directeur informatique et de la simplification du Code de l’action sociale et de la Santé. En effet, les rapports d’activités des opérateurs vont être analysés dans l’objectif de les simplifier mais aussi de les rendre cohérents. Des standards de collecte de données et des standards de référence vont être définis avec l’appui de l’Observatoire wallon de la santé : ainsi, par exemple, les tranches d’âges ou la définition des niveaux d’enseignement des usagers des différents services agréés ou subventionnés seront comparables entre elles en termes de consommation de l’offre et de définition de profils des usagers mais aussi comparables avec l’ensemble de la population wallonne, belge ou européenne, grâce à des outils de référence.

    Il n’en reste pas moins que l’un des objectifs de l’Observatoire wallon de la santé est de mettre en évidence les inégalités sociales afin de contribuer à les diminuer ; ses autres objectifs visent à produire des données permettant d’améliorer les connaissances et la compréhension de la santé des Wallons, à fournir des outils scientifiques de conception, de suivi et d’évaluation des politiques de santé publique et de rationaliser la collecte de données sur un plan méthodologique.

    La santé au travail concerne avant tout la prévention et la région wallonne n’est pas compétente pour cet aspect. En effet, la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs est une compétence du fédéral et la 6ème réforme de l’Etat ne prévoit aucun changement à ce sujet.

    En outre, l’agrément des services de médecine de travail relève de la Communauté française.

    Il existe donc une complémentarité entre les autorités à favoriser et c’est bien là le sens des initiatives wallonnes qui interviennent lorsque le travailleur est devenu un patient.
    A défaut de pouvoir engager une étude spécifique sur la situation des travailleurs âgés, il convient de s’interroger sur l’articulation entre travail et santé en Wallonie.
    L’enjeu de la santé des travailleurs est de taille. L'honorable membre le souligne à juste titre. Je peux d’emblée lui annoncer que la prochaine « semaine anti-stress » sera consacrée au stress au travail dès lors que 21 % des travailleurs souffrent de pathologies en lien avec la santé mentale. Certains parmi eux se retrouvent dans nos services de santé mentale, voire dans nos unités de traitement psychiatriques avec des pathologies souvent bien installées. Le rôle du médecin généraliste est à cet égard primordial, tout comme celui de l’entourage.

    L’accompagnement de ces patients peut se réaliser de diverses manières dans une perspective de réinsertion. Ainsi, la réforme des soins de santé mentale – le « 107 » - envisage la situation du patient non plus au travers de la prise en charge institutionnelle mais bien par l’accompagnement et l’inclusion dans la communauté, ce qui correspond bien davantage à l’objectif de réinsertion dans l’univers professionnel.