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La question de savoir si le comportement des agences de notation est éthique

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 251 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 03/02/2012
    • de EERDEKENS Claude
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Il y a quelques années, personne ne connaissait les agences de notation ...

    S & P aurait pu passer pour beaucoup de citoyens comme une succursale d'un club de football bien connu.

    Au-delà de la boutade, trois noms reviennent sans cesse sur le tapis.

    Ces agences de notation apparaissent de plus en plus comme de véritables «pères fouettards» à l'égard de l'ensemble des Etats, mais plus particulièrement des pays de la zone euro.

    La Belgique et la Wallonie n'échappent pas à la règle et sont ainsi cotées, dégradées, fustigées.

    Très curieusement, les gouvernements européens semblent être au « garde-à-vous» devant les agences de notation... comme s'il s'agissait des nouveaux oracles de la société.

    Or ces agences de notation ne sont pas nécessairement des organismes vertueux ou irréprochables.

    L'une d'entre elles aurait frauduleusement aidé la Grèce à entrer dans la zone euro.

    Il y aurait eu une certaine falsification des comptes grecs de façon à les présenter de manière plus positive que la réalité ... Vrai ou faux?

    Tout cela est troublant. ..

    Quoi qu'il en soit, le verdict de ces nouveaux juges de l'« orthodoxie financière » peut causer un tort immense à des Etats souverains et à leur population ... dans un monde où les politiques courbent l'échine tels les bourgeois de Calais, devant la dictature des marchés financiers, non autrement identifiés.

    Est apparue dans la presse italienne d'abord, puis ensuite dans d'autres quotidiens économiques une information intéressante.

    Le «Figaro Economie» du 26 janvier 2012, en page 22, y fait d'ailleurs référence.

    La justice italienne est passée à l'offensive vis-à-vis de deux agences de notation. Des perquisitions ont été réalisées chez « Fitch » et chez « Standard & Poor's » à Milan. Cet article est joint à la présente.

    Monsieur le Ministre est-il au courant de cette procédure judiciaire menée à Milan?

    Est-il envisagé par la Région wallonne de réaliser une étude juridique sur la responsabilité éventuelle des agences de notation dans l'hypothèse d'une dégradation actuelle ou future de la situation économique de la Wallonie, de l'emploi et des finances de la Région wallonne?

    Dans un monde qui évolue où la transparence dans la gouvernance constitue un principe éthique souverain, il n'est pas normal que des agences de notation puissent ainsi faire la pluie et le beau temps en Europe comme en Wallonie sans devoir répondre de l'obligation de réparer le préjudice qu'elles ont causé.

    Quand l'évolution de la jurisprudence a entraîné l'obligation de réparer la faute la plus légère et que l'on consacre de plus en plus la théorie de la responsabilité sans faute, il ne peut être concevable que des agences de notation soient à l'abri de tout contrôle et de toute responsabilité.

    La Région wallonne a-t-elle d'ores et déjà envisagé de saisir la Justice, dont l'indépendance est bien entendu consacrée par nos principes de droit constitutionnel et qui peut, dans certaines circonstances, s'avérer d'une redoutable efficacité, pour mettre fin à des situations abusives pour les finances wallonnes et le peuple de Wallonie ?

    En clair, Monsieur le Ministre est-il prêt à passer à l'offensive à l'égard des agences de notation susceptibles de causer un grave préjudice à la Wallonie?
  • Réponse du 30/04/2014
    • de ANTOINE André

    Il est vrai que la crise vécue par les émetteurs publics européens soulève de nombreuses questions autour des agences et des notations. La pluie de critiques et de mises en cause qui s’est abattue sur ces agences de notation suite notamment à leurs erreurs de jugement dans la crise des « subprimes », a eu pour conséquence de les rendre beaucoup plus sévères par la suite. Les émetteurs publics européens pris actuellement dans la crise des dettes souveraines en font actuellement les frais, car ces agences les notent sur base d’hypothèses beaucoup très conservatrices dont nous risquons à tout moment de pâtir.

    Cela étant dit, il n’a été, pour l’instant, envisagé de passer à l’offensive à l’égard des agences de notation. Une agence de notation tire sa légitimité plutôt des investisseurs et que des émetteurs. Un investisseur prendra la décision de prêter des fonds, via une obligation émise par la Région par exemple, qu’à la condition que celle-ci ait une note attribuée par au moins une des trois principales agences de notation. Le fait d’attaquer en justice les agences de notation pourrait engendrer un risque de nous couper du marché obligataire, qui est devenu ces derniers temps la principale source de financement de la Wallonie grâce notamment au programme d’émission obligataire EMTN mis en place en mai 2012.

    J’attire cependant l’attention de l’honorable Membre sur un règlement et une directive européenne qui ont été adoptés en janvier 2013 et qui sont applicables à toutes les agences actives en Europe, dont les trois principales, Standard and Poor's, Moody's et Fitch.

    Celles-ci devront à l'avenir expliquer leur méthodologie. Les évaluations devront intervenir à date fixe. Elles ne pourront en outre plus assortir leurs notations de recommandations sur les politiques à mener par les gouvernements. Autre avancée majeure, le règlement introduit une responsabilité civile de ces institutions. Les agences pourront ainsi faire l'objet de poursuites et de demandes de dommages pour des notations infondées qui auraient porté à préjudice.