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La santé des abeilles et les laboratoires pharmaceutiques

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 318 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 06/02/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    " " C'est un scandale ! " L'eurodéputée verte française Michèle Rivasi est définitivement contre la résolution sur la "santé des abeilles", votée mardi au Parlement de Strasbourg. Ce texte insiste, entre autres, sur la formation des apiculteurs et la mise au point de données statistiques fiables. A priori pas de quoi rendre une verte rouge de colère, si ce n'est que celle-ci déplore la non-remise en question des monocultures, des OGM, des 'pesticides, etc. "Le poids de certains lobbies lors des négociations" fut d'ailleurs évoqué la veille par l'eurodéputé auteur du rapport, le socialiste hongrois Csaba Sandor Tabajdi, outré que cette pression ait empêché la mention de produits phytosanitaires dangereux auxquels d'autres pourraient être substitués. "C'est un texte pro-business", conclut Michèle Rivasi, qui n'avale pas le fait que soient réclamés de nouveaux médicaments pour "soigner" les abeilles. Au bénéfice des labos pharmaceutiques. » (La Libre Belgique 16 novembre 2011).

    Monsieur le Ministre partage-t-il la réaction de l’eurodéputée française ? S’attaque-t-on dans la résolution du Parlement européen aux vraies causes du problème ? Ou s’agit-il de coller un sparadrap sur une jambe de bois ?

    Lorsque j’ai interrogé le prédécesseur de Monsieur le Ministre, il nous a répond que des recherches étaient en train d’être menées afin de déterminer la meilleure façon de protéger l’insecte. Il me semble qu’il est temps de passer à l’action et de lancer une politique ambitieuse, transparente et – au besoin – coercitive pour sauver un maximum de ruches. Il n’en dépend pas moins que la fertilisation des arbres fruitiers ... L’insecte pollinisateur nous prête main forte dans l’horticulture.

    Outre la dégradation des habitats et des sources d’alimentation, outre la prolifération d’OGM et de monocultures, outre les parasites et l’arrivée d’insectes invasives occupant la place des abeilles indigènes, l’application de pesticides – toujours abondante malgré les mesures prises en la matière – contribue à décimer les populations d’abeilles. Ne faut-il pas mener enfin une politique répressive à l’égard de certains types de pesticides et considérer leur application, leur vente et leur distribution comme une infraction environnementale ?
  • Réponse du 29/02/2012
    • de DI ANTONIO Carlo

    Une étude menée en 2008-2009 par l’équipe du Professeur Haubruge de l’Université de Liège Gembloux Agro Bio Tech, soutenue par la Wallonie, a pointé le varroa, un acarien parasite non naturel de l’abeille, comme principal responsable du dépérissement de nos colonies. Mais le facteur pesticide n’a pas pu être totalement écarté. Si peu de contaminants chimiques (notamment le fameux imidaclopride) ont été retrouvés dans les ruches examinées et qu’aucun lien n’a pu être établi entre la présence de ces contaminants et la mortalité des abeilles, il n’en reste pas moins que l’effet de ces contaminants par accumulation à des doses subléthales n’a pas été investigué.

    C’est ainsi qu’un projet de recherche, intégré dans le Plan MAYA et porté conjointement par le Centre apicole de Recherche et d’information (CARI), le Centre wallon de Recherches agronomiques (CRAW) et l’Université de Liège Gembloux Agro Bio Tech a été lancé en avril 2011 (budget de 265 350 euros) ; il vise notamment à évaluer la relation entre les insecticides du groupe des néonicotinoïdes et les mortalités inexpliquées dans les ruchers wallons. Les virus, autres intervenants possible selon les scientifiques, font également partie du champ d’investigation du projet. Les résultats sont attendus en janvier 2013.

    L'honorable membre comprendra que dans les circonstances évoquées ci-dessus et en l’absence d’informations probantes, l’urgence peut difficilement être invoquée pour prendre des mesures d’interdiction de ces produits dans le secteur agricole. Cela dépasse en outre mes compétences, cette matière étant du ressort du fédéral. Mon prédécesseur a cependant, en relation avec les compétences de la Wallonie, fait modifier l’annexe première de l’arrêté du Gouvernement wallon du 29 avril 2004 relatif à l’agrément de la méthode de production intégrée pour fruits à pépins, en y supprimant l’imidaclopride de la liste des insecticides autorisés pour ce mode de production. A noter qu’il est toujours autorisé en Flandre.

    L'honorable membre cite une autre cause du déclin des populations d’abeilles : la dégradation des habitats et des ressources alimentaires. C’est en effet un facteur incriminé par les scientifiques. Le Plan MAYA vise à améliorer la situation en Wallonie via des mesures d’encouragement à la plantation de haies mellifères, de prairies fleuries, de vergers hautes tiges, l’imposition du fauchage tardif à l’ensemble des routes régionales, etc.

    Quant aux OGM que l'honorable membre évoque, le rapport scientifique sur la mortalité et la surveillance des abeilles présenté en décembre 2009 à l’Autorité européenne pour la Sécurité des Aliments (EFSA) les place quasiment au même rang que les rayonnements électromagnétiques du point de vue de leur rôle dans le dépérissement des abeilles : la probabilité que ces facteurs aient une influence dans le phénomène est considérée comme quasi nulle.

    Le varroa est donc, en l’état actuel des connaissances, avec les virus qui y sont associés, le seul ennemi objectivement et unanimement pointé du doigt. Hélas, le manque de médicaments, de traitements efficaces, le caractère ubiquiste du parasite, rendent la lutte contre cet acarien difficile. Le fait que la mise au point de nouveaux traitements et l’amélioration de leur disponibilité soient réclamées ne résulte pas d’une pression de l’industrie pharmaceutique mais d’une demande pressante du secteur apicole lui-même, bien démuni contre le varroa. Je suis d’ailleurs avec beaucoup d’attention les discussions qui se tiennent au niveau fédéral (SPF Santé publique, AFSCA, Agence des Médicaments, Ordre des Vétérinaires) sur cette problématique délicate des traitements.

    La formation des apiculteurs est également fondamentale pour aborder les changements induits ces dernières années dans la conduite du cheptel apicole par ces problèmes de dépérissement : l’apiculture devient de plus en plus technique : suivi des populations de varroas, utilisation en alternance et / ou en combinaison de traitements adéquats, techniques de renouvellement du cheptel, adaptation de la conduite aux changements climatiques, etc. Le projet d’encadrement des apiculteurs wallons porté par le CARI et soutenu par la Wallonie a pour objectif principal d’améliorer la formation des apiculteurs. En cela, il s’inscrit bien dans la ligne de la résolution européenne.

    Enfin, l’obtention de données statistiques fiables à l’échelle européenne est évidemment nécessaire pour cerner le phénomène et s’y attaquer efficacement via l’élaboration d’une stratégie harmonisée. La Wallonie participe à la récolte de ces données à travers le monitoring réalisé par l’ULg Gembloux Agro Bio Tech au niveau national.