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La dangerosité du fluor

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 94 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 10/02/2012
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances


    Se brosser les dents deux à trois fois par jour fait partie des gestes du quotidien. Pour certains, il s’agit d’une habitude récurrente, mais pour d’autres, l’hygiène dentaire n’apparaît pas encore comme essentielle à la contribution d’une vie saine. Mais ça c’est un autre débat.

    Aujourd’hui, je souhaiterais m’attarder sur le fluorure contenu dans le dentifrice dont le principal bénéfice réside dans la lutte contre les caries.

    Cependant, le Conseil supérieur de la santé vient d’émettre un avis plutôt nuancé. En effet, à trop fortes doses, le fluorure peut s’avérer très nocif. Les cas sont relativement rares. Le principal inconvénient se traduit par des tâches blanchâtres sur l’émail.

    Le fait que le fluor peut être réellement nocif à des niveaux élevés, même s’il s’agit de cas rares, cela reste interpellant.

    Madame la Ministre peut-elle me dire quels sont les effets nocifs que pourrait provoquer le fluor à fortes doses ? Les effets ont-ils une influence uniquement sur l’émail et/ou les gencives ou cela peut-il avoir d’autres répercutions sur la santé ?

    J’évoquais plus haut l’apparition de tâches blanchâtres sur l’émail. Existe-t-il un traitement pour les faire disparaître ? Est-ce irréversible ? Y a-t-il une dangerosité plus importante sur l’émail d’une dent d’enfant plutôt que celle d’un adulte ?

    Afin de conseiller les utilisateurs, le CSS a établi un tableau de recommandations de doses en fonction de l’âge.

    Par ailleurs, toujours selon le CSS, l’utilisation récurrente de gels et de bains de bouche à base de fluor doit être soumise à des spécialistes.

    Quelles sont les conséquences que peuvent entraîner l’utilisation de ces produits sur la santé ? Pourquoi requiert-elle l’avis d’un spécialiste ?

    Quels sont les outils d’information mis à disposition pour bien conseiller sur l’usage du dentifrice ?

    Il me paraît essentiel, à l’époque où l’on insiste sur l’hygiène dentaire, de bénéficier d’une bonne information sur les produits buccaux.

    De manière générale, quel est le bilan de santé dentaire des citoyens ? Les campagnes de sensibilisation ont-elles porté leurs fruits ? Voit-on une amélioration de la qualité et des soins dentaires ou inversement un constat de négligence ?

    Le remboursement des visites chez le dentiste pour les enfants a-t-il permis une conscientisation de l’importante de soigner ses dents et d’augmenter le taux de fréquentation chez le dentiste ?
  • Réponse du 08/03/2012 | Annexe [PDF]
    • de TILLIEUX Eliane

    Cette question relève des compétences fédérales en matière de santé en ce qui concerne les produits, les soins bucco-dentaires,… et des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour ce qui concerne la prévention.

    La Wallonie n’est pas compétente pour cette matière. Le bilan de la santé bucco-dentaire attire cependant mon attention notamment sur les inégalités sociales en matière de santé.

    Le fluorure n’entre pas dans la catégorie des nutriments « essentiels » en ce sens qu’il n’est pas indispensable pour assurer la croissance ou le développement de l’organisme (EFSA, L’European Food Safety Authority, 2005). Néanmoins, il s’est avéré efficace dans la prévention des caries dentaires.

    Des études épidémiologiques ont en effet indiqué qu’il existe chez l’enfant une relation inverse entre l’incidence des caries dentaires et la consommation de fluorure (Twetman, 2009 ; Wong et al.,2011). La littérature scientifique récente préconise une application locale (de préférence via le dentifrice) plutôt que l'ingestion (comprimés et eau potable), considérée comme moins efficace (Pizzo et al., 2007) et potentiellement plus toxique.

    Enfin, il ressort d’un rapport Cochrane récent (Marinho et al., 2009) que les enfants qui se brossent les dents au moins 1 fois par jour avec un dentifrice contenant du fluorure développent moins de caries que ceux chez qui ce brossage est moins fréquent. Il n’existe donc aucun besoin physiologique en suppléments fluorés.

    Dans le cadre particulier de la prévention des caries, il n’est pas recommandé de supplémenter les femmes enceintes et les nourrissons. En effet, la perméabilité transplacentaire à l’égard de fluorure d’une part et l’effet protecteur persistant de l’administration avant l’apparition de la denture d’autre part n’ont pas été suffisamment démontrés.

    Les effets aigus de fortes doses de fluor sont divers mais concernent principalement des effets digestifs (tels que salivation, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées, gastro-entérite hémorragique), des problèmes neurologiques (tels que paresthésies, convulsions, paralysie) et des problèmes circulatoires tels que troubles du rythme ventriculaire (fibrillation) et arrêt cardiaque.

    Quant à l’intoxication chronique, le fluor retenu dans l’organisme est principalement stocké dans les os et les dents chez l’enfant.

    De plus, chez l’enfant, l’ingestion de quantité excessive de fluor pendant la période de développement des dents entraîne ultérieurement l’apparition de dents marbrées (pigmentation brune, aspect crayeux de l’émail).

    Ce phénomène n’est pas réversible et est plus fréquent chez l’enfant car la tache se forme pendant que l’émail est en construction.

    Le brossage reste l’élément principal de l’hygiène bucco–dentaire. En effet, la plaque dentaire qui se forme a la suite du métabolisme en action (transformation des produits sucrés en acide) et à la multiplication de bactéries grâce aux nutriments qu’elle trouve dans la bouche est à éliminer de manière mécanique.

    Donc, la recommandation est de se brosser les dents en mettant du dentifrice fluoré à dose adaptée (500 ppm maximum pour les enfants) mais pas plus que l’équivalent du volume d’un petit pois et effectivement de se brosser les dents deux à trois fois par jour, en rinçant bien la bouche pour éliminer ensuite le dentifrice.

    L’intoxication au fluor peut théoriquement se produire beaucoup plus aisément avec d’autres produits commercialisés à des fins thérapeutiques et qui ne sont pas en vente libre, tels gels et bains de bouche à base de fluor à concentration élevée.

    Ces gels et bains de bouche ne doivent en aucuns cas être avalés. Il y a donc plusieurs types de précautions à prendre et l’efficacité, en l’absence de brossage, de ces gels n’est d’ailleurs pas démontrée non plus.

    J’attire également l'attention sur d’autres types de produits de bains de bouche qui ne remplacent absolument en aucun cas le brossage ; il s’agit par exemple de bains de bouche destinés à éliminer, à tuer, certains types de bactéries et commercialisés dans le but d’avoir une haleine fraîche.

    En matière de prévention pour la santé bucco-dentaire deux points essentiels sont à souligner :
    1° le brossage est primordial, on se brosse les dents et les gencives deux fois par jour au moins pendant trois minutes ; l’idéal est d’utiliser un sablier pour avoir la notion des trois minutes. (on se brosse les dents dès l’émergence de la première dent et les parents aident l’enfant jusque trois à six ans environ pour s’assurer qu’il brosse même les dents de derrière, à l’intérieur et à l’extérieur) ;
    2° on veille également à ne pas consommer de manière répétée des produits sucrés qui seront très facilement transformé en acide par les bactéries de la bouche. Les boissons acides (colas ou thés glacés sont parmi les boissons les plus acides à la base déjà). L’usage le plus délétère est sans doute de boire une petite gorgée de ces boissons toutes les 5 minutes, maintenant ainsi une ambiance acide dans la bouche toute la journée.

    Je voudrais encore signaler que par rapport aux recommandations du CSS, beaucoup de mesures ont déjà été mise en œuvre dans notre pays.

    En effet, l’avis rejoint les dispositions de la directive européenne sur les produits cosmétiques qui prévoit une limite maximale en fluorure de 1 500 ppm pour les dentifrices et autres produits d'hygiène buccale.

    Cette limite a été transposée en Belgique dans l'arrêté royal du 15 octobre 1997 relatif aux produits cosmétiques et fait l'objet de contrôles par le service inspection du SPF Santé publique.

    Les dentifrices et autres produits d'hygiène buccale, comme les bains de bouche, gels ou vernis contenant plus de 1 500 ppm de fluorure ne peuvent être mis sur le marché que comme médicaments et doivent donc faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché pour des indications spécifiques.

    Ces produits ayant le statut de médicaments, ils ne peuvent être délivrés qu'en pharmacie. Leur mode de délivrance, soumis ou pas à prescription médicale, est fixé en application de la loi de 1964 sur les médicaments et sur la base de critères fixés par l'arrêté royal de 2006 relatif aux médicaments à usage humain et vétérinaire.

    En ce qui concerne les enfants jusqu'à six ans, le Conseil supérieur de la Santé recommande deux brossages par jour, avec une quantité de dentifrice de la taille d'un petit pois, et des teneurs en fluorure de 500 à 1 000 ppm jusqu'à deux ans, et de 1 000 à 1 450 ppm de deux à six ans.

    L'arrêté royal de 1997, qui transpose la directive cosmétique, impose, depuis 2010, un avertissement particulier sur les dentifrices contenant de 1 000 à 1 500 ppm de fluorure, sauf s'il est inscrit dans l'étiquetage qu'ils sont contre-indiqués pour les enfants.

    Cet avertissement précise que les enfants de six ans, et de moins de six ans, doivent utiliser une quantité de dentifrice de la taille d'un petit pois, sous la surveillance d'un adulte, afin d'en minimiser l'ingestion, et qu'en cas d'apport de fluorure, provenant d'autres sources, il y a lieu de consulter un dentiste ou un médecin.

    Par ailleurs, la réglementation des produits cosmétiques prévoit une évaluation de sécurité, spécifique pour les produits cosmétiques destinés aux enfants de moins de trois ans. Cette évaluation permet de déterminer les concentrations sûres en fluorure pour cette population, ainsi que les modalités d'utilisation particulière à mentionner dans l'étiquetage des produits.

    D’après ma collègue, Laurette Onkelinx, interrogée en Commission de la santé publique le 8 février dernier, les services d’Inspection du SPF Santé publique réaliseront cette année de nouveaux contrôles sur les dentifrices répondant au statut de produit cosmétique, en ciblant tout particulièrement les dentifrices pour jeunes enfants. Ces contrôles porteront sur les concentrations en fluor et les modalités d'utilisation renseignées dans l'étiquetage de ces produits.

    Un site web www.sourirepourtous.be donne des renseignements intéressants: ce site est celui de La FONDATION pour la SANTE DENTAIRE qui est le département PREVENTION de la Société de Médecine Dentaire ASBL, association dentaire belge francophone groupant les dentistes. Cette fondation a pour objectif d'aider la population à adopter une démarche préventive en vue de conserver ou de retrouver une bonne santé bucco-dentaire. Son objet social est la promotion de la santé dentaire intégrée dans un concept global de Santé Publique.

    Globalement la santé bucco-dentaire de la population s’est améliorée mais elle reste préoccupante voire en détérioration dans certains groupes socio-économiques. Elle est le témoin de la dualisation de notre société.

    La littérature rapporte que plus les situations de vies sont précaires plus il y a de problèmes bucco-dentaires notamment par un indicateur d’importance de soins, de soins « lourds » chez la faible proportion de jeunes qui consultent un dentiste : ce constat est interpellant.

    L’enquête nationale de santé rapporte des disparités importantes tant en matière de l’état de la denture que de la consommation de soins et surtout celle de soins préventifs en fonction du niveau socio-économique (voir pièce jointe en annexe).
    Une autre enquête interuniversitaire est actuellement en cours mais les résultats ne sont pas encore publiés. Cette enquête s’est accompagnée d’examens dentaires réalisés par des dentistes.

    Enfin on citera l’exemple des enquêtes réalisées par la Province du Hainaut et la Province du Luxembourg également avec des examens dentaires lors des visites médicales à travers le système des « réseaux des centres de santé scolaires vigies ».

    Alors que la plupart des recommandations des centres de santé publique estiment qu’il faut s’habituer à l’idée d’avoir une bouche sans caries tout au long de sa vie et qu’il faut consulter son dentiste avant d’avoir mal, on voit que ce n’est pas encore le cas dans la population.

    L’enquête réalisée en 2006 par l’Observatoire de la santé Hainaut montre par exemple qu’en Hainaut seuls 40 % des jeunes de 12 ans n’ont pas encore eu de caries. Une autre quarantaine de pourcents montrent entre une et quatre caries et enfin 20% ont plus de cinq dents cariées à l’âge de 12 ans. Les jeunes examinés ont en moyenne entre 0,5 et 1 carie active c'est-à-dire non traitée.

    Il semble que la gratuité des soins chez les jeunes jusqu'à 18 ans fait peu à peu son effet. La gratuité des soins au-delà de 15 ans à d’ailleurs été une des conséquences directes de l’enquête réalisée dans le Hainaut5 qui montrait, par exemple, qu’entre 15 et 18 ans les jeunes souffraient déjà de manière importante de problèmes parodontiques.

    Si on classe le score d’hygiène dentaire, on voit que seul 8% des jeunes de 15 à 18 ans ont des gencives saines en Hainaut, 62% sont au stade gingivite, 30% de la gingivite et du tartre.