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Les dispositifs "anti-agriculture" inclus dans les schémas de structure communaux, les règlements communaux d'urbanisme ou les plans communaux d'aménagement

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 499 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 10/02/2012
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Les outils communaux d’aménagement du territoire peuvent contenir de nombreuses dispositions à caractère environnementale qui entravent gravement le développement de l’activité agricole.

    Plusieurs exemples concrets de tels dispositifs peuvent être cités.

    1) SSC+RCU

    Dans un SSC, il est indiqué « …L’agriculture doit pouvoir se développer sur le territoire communal mais, afin de prendre en compte la sensibilité croissante des habitants face aux activités non résidentielles, il faut rechercher des formes et des activités agricoles compatibles avec le respect de la qualité du cadre de vie des habitants. Le schéma de structure propose donc un « contrat agriculteurs - population locale» appliquant des principes permettant de limiter la possibilité d’implantation d’agriculture « industrielle » en définissant des tailles acceptables d’exploitation agricole sur le territoire communal soit :
    - élevage bovin au pré et en étable pendant l’hiver jusqu’à 800 têtes maximum
    - élevage de volailles jusqu’à maximum 50.000 oiseaux
    - élevage de porcs à la ferme jusqu'à 500 animaux maximum
    ces divers types de spéculations pouvant être couplés… ».

    Bien que le schéma parle d’un « contrat social », le RCU de la commune concernée reprend l’intitulé en précisant que cela vise également les projets en zone agricole.

    2) SSC

    A. La plupart des SSC contiennent parmi les mesures liées à la protection de l’environnement : des zones agricoles au plan de secteur sont proposées en zone d’espaces verts/naturelles (par révision de plan de secteur ou PCAR ultérieurs) au motif par exemple  que : « seules les prairies humides qui subsistent çà et là dans la plaine alluviale, permettent une ouverture de vue plus importante. Elles sont à inscrire en zone d’espaces verts ou en zone naturelle afin de les préserver. Cette vallée est proposée comme zone Natura 2000 ».

    B.  « En zone agricole de plateau hors vallée, le schéma souhaite favoriser les mesures agro-environnementales, la reconstitution du bocage, la plantation d’essences indigènes et le maintien en état des prairies assurant la continuité historique du réseau écologique. ».

    Même s’il ne s’agit que d’un souhait, une demande de permis d’urbanisme pour modification de la végétation aboutira à un refus sur la seule base du SSC.

    C. « De manière générale et plus particulièrement dans les zones de ruissellement concentré à risque moyen et élevé, la commune peut imposer des mesures visant à limiter les effets du ruissellement des eaux en provenance des plateaux agricoles. Elle peut notamment imposer en bordure de parcelle la pose de tranchée d’infiltration accompagnée selon les cas de plantations de haies. »

    Un SSC est-il en mesure d’autoriser une autorité publique à imposer aux agriculteurs des travaux qui relèvent en principe d’équipements communautaires ?

    D. Un récent projet de SSC contient parmi ses mesures liées à l’agriculture : l’interdiction d’élevage intensif, l’interdiction d’importation d’effluents provenant d’autres régions, la promotion de l’agriculture biologique, l’interdiction d’épandre des produits phyto dans certaines zones, le maintien de zone tampon de 20 m le long des cours d’eau, etc… Aucune évaluation des impacts sur l’agriculture de ces mesures n’a été abordée.

    E. Plusieurs SSC prévoient qu’en zone agricole, aucune nouvelle implantation agricole ne sera possible sauf les extensions de bâtiments existants.

    F. Un SSC prévoit de reprendre comme recommandations les mesures du PCDN. Ces mesures sont reprises dans une annexe (difficile à se procurer). Rappelons ici la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considère qu’un SSC a plus qu’une valeur d’orientation. Le schéma contient explicitement : « Des mesures de protection et de gestion s’imposent pour maintenir ce milieu forestier dans son état naturel ou en reconstituer des parties (cela vise concrètement des prairies situées en zone agricole au plan de secteur et qui sont visiblement exploitées ) : …reconstitution des liserés déstructurés jusqu’aux têtes de sources des ruisseaux, par replantation d’aulnes glutineux, de frênes, etc…, délimitation d’une zone tampon non exploitée de 6m de large de part et d’autre du ruisseau. ».

    Aucune évaluation des impacts sur l’agriculture, on sait seulement que la commune est propriétaire de ces parcelles. On peut juste supposer que les terres sont soumises au bail à ferme (agriculture biologique, mesures agri-environnement ou non : aucune information).

    3) PCA

    « En zone agricole : Implantation : le projet agricole doit se trouver sur domaine de 8 ha min ».

    Le permis unique a été octroyé par la commune en dérogation au PCA (de 1951 !) au motif que « l’exploitant s’engage à prendre les contacts nécessaires pour accroître la superficie de ce terrain ».
    Un recours est néanmoins introduit par les riverains : étant donné que la jurisprudence établit qu’on ne peut pas délivrer un permis sur base de données conditionnelles, l’autorité sur recours ne pourra pas accepter la justification de la dérogation au PCA.

    4) RCU

    A. « Bâtiments agricoles à gabarit traditionnel : … le bâtiment ne dépassera pas une superficie brute au sol de 1000 m2 et d’une longueur de 50 m… ».

    Cette mesure vise clairement à interdire systématiquement des élevages mais, concrètement, elle peut aussi concerner des bâtiments de stockage de récolte.

    B  « La commune peut imposer la conservation de sujets végétaux et plantations d'arbres existants.
    Sauf en cas d’impossibilité technique, les arbres existants et les ensembles d’arbres sont préservés.
    Indépendamment des impositions légales protégeant les arbres et haies remarquables, le patrimoine végétal est protégé lorsqu’il s’agit en particulier:
    _ des arbres isolés ou bosquets remarquables de la flore régionale;
    _ des haies bocagères typiques ;
    _ des allées arborées ;
    _ des vergers ;
    _ des formations végétales riveraines et dépendantes d’un cours d’eau ;
    _ des lisières remarquables. ».

    Il s’agit donc d’élargir le régime de protection prévu au CWATUPE à d’autres éléments de la biodiversité ordinaire non repris. Conséquence : l’autorité pourra refuser le permis d’abattre ou de modifier sur la seule base du RCU.

    C.  En zone d’habitat rural : « Les implantations au sol non permanentes telles que des silos-couloir ou des dépôts de boules de préfanés ne peuvent pas s’implanter à moins de 100 m de toute habitation. » .

    Cette interdiction porte sur des installations ne nécessitant pas de permis d’urbanisme donc, il est étonnant que de telles dispositions puissent être prises dans un RCU. Par ailleurs, c’est ignorer que les fermes implantées dans les villages ne disposent pas facilement de cette distance par rapport aux voisins, ce qui les contraint à trouver d’autres solutions : dépôt de fourrage (distribué plusieurs fois par jour) à l’extérieur du village, ce qui entraîne charroi supplémentaire, à moins de pouvoir construire un nouveau bâtiment…

    Au vu des exemples concrets relatés ci-dessus, Monsieur le Ministre peut-il préciser quelle est sa politique en la matière ? Existe-t-il un inventaire des instruments communaux d’aménagement du territoire afin d’analyser ces documents en vue d’éviter des situations « anti-agricoles » ?

    Une circulaire ministérielle n’est-elle pas opportune en vue d’assainir la situation ?
  • Réponse du 04/04/2012
    • de HENRY Philippe

    Je remercie l’honorable membre pour cette question fort intéressante. Elle me permettra d’apporter une réponse qui la rassurera, j’en suis sûr.

    La question posée est illustrée d’exemples divers et précis que l’on peut parfois rencontrer dans les documents locaux d’aménagement. Cependant, dans la mesure où aucune indication n’est apportée quant aux outils d’aménagement dont elle tire ces informations précises, je ne pourrai que lui apporter une réponse globale et nuancée pour l’ensemble de la Région wallonne. Je me garderai donc bien de tirer des conclusions hâtives de quelques éléments ponctuels.

    Je commencerai ma réponse en rappelant plusieurs éléments :
    - les schémas de structure communaux, les règlements communaux d’urbanisme et les plans communaux d’aménagement sont des documents établis à l’initiative des communes et sont, seulement pour certains, soumis à mon approbation. Le choix de leurs options relève donc, en premier lieu, des communes ;
    - si les règlements communaux d’urbanisme et les plans communaux d’aménagement ont valeur règlementaire, les schémas de structure communaux sont des documents d’orientation dont il est possible, s’il le faut, de s’écarter ;
    - les plans communaux d’aménagement sont élaborés depuis l’arrêté-loi du Prince Régent, du 2 décembre 1946, tandis que les règlements communaux d’urbanisme et les schémas de structure communaux sont élaborés depuis le décret dit « de décentralisation », du 27 avril 1989. L’élaboration de ces documents est donc empreinte des conceptions urbanistiques et environnementales de l’époque de leur élaboration. Ces conceptions ont peut-être et sous certains aspects, évolué. L’honorable membre donne l’exemple d’un plan communal d’aménagement approuvé en 1951, il y a donc plus de soixante ans. Il se peut que ses options aient quelque peu « vieilli ».

    Il appartient donc aux communes d’évaluer la pertinence des options de ces documents et, au besoin, de les réviser, voire de les abroger.

    En ce qui concerne le choix des options à proprement parler et à leur rapport avec l’agriculture en particulier et au monde rural en général, je rappellerai à l’honorable membre qu’un bon aménagement du territoire implique une recherche permanente d’un équilibre entre les différentes fonctions (l’agriculture bien sûr mais aussi, la résidence, l’activité économique, les loisirs, les forêts et espaces verts…) en tenant compte des besoins en déplacements, du respect ou de la nécessité de régénération de la nature, de l’obligation de maintenir des paysages…

    Toutefois, et en cela, je partage l’avis de l’honorable membre, l’agriculture, qui est sans doute la fonction la plus soumise à pression, doit être préservée. Car, indépendamment de fournir de l’emploi à plus de 3% de la population régionale, elle permet de répondre aux besoins vitaux des Belges.

    La préservation des terres agricoles est donc indispensable et les terres cultivables ne pourront être urbanisées qu’avec parcimonie. Dans le cadre de l’élaboration des plans et schémas d’aménagement, une attention particulière est apportée à cet aspect.