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L'effet positif de la taxation financière pour la croissance

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 154 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 21/02/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    « Une taxe sur les transactions financières (TTF) européenne aurait un impact positif sur la croissance économique, selon une nouvelle étude, présentée par le groupe socialiste du Parlement européen.
    La taxe permettrait d'élever de 0,25% le potentiel du PIB, estiment les auteurs, qui remettent en question l'impact négatif projeté par la Commission européenne.

    Après s'être longuement opposée à une taxe Tobin, celle-ci a présenté en septembre une proposition de taxe sur les transactions, qui est ardemment débattue entre les Etats membres. Les opposants à la TTF, notamment le Royaume-Uni, citent fréquemment l'impact négatif sur la croissance, évalué par la Commission elle-même entre 0,2% et 0,53% du PIB selon les paramètres retenus.

    Mais d'après les économistes Stephany Griffith-Jones et Avinash D. Persaud, la Commission n'a pas correctement pris en compte les effets positifs d'une TTF. Elle n'aurait pas inclus dans son calcul la réduction du risque systémique, l'augmentation de la consommation totale et l'effet positif sur l'économie découlant de l'amélioration des finances publiques. En prenant en compte ces facteurs, une TTF aurait un impact positif sur la croissance d'au moins 0,25% du PIB. » (Trends.be du lundi 06 février 2012).

    Monsieur le Ministre partage-t-il l’analyse faite au niveau européen ? Serait-ce un moyen effectif pour alimenter les budgets publics ou serait-ce plutôt un point de départ d’une fuite de capital en dehors de l’UE, une taxe qui mobiliserait des capitaux plutôt vers l’économie réelle et réduirait – selon Monsieur le Ministre – le volume de l’économie virtuelle ? Les analyses théoriques divergent dans plusieurs sens, d’où l’intérêt de connaître la position et l’analyse de Monsieur le Ministre sur cette question.
  • Réponse du 25/04/2012
    • de MARCOURT Jean-Claude

    La taxe Tobin est une taxe destinée à s’appliquer sur les transactions financières relatives à toute transaction au comptant impliquant la présence de devises différentes.

    En effet, l’économiste Tobin avait promu l’instauration d’une telle taxe craignant une volatilité extrême des valeurs des devises consécutivement à l’abrogation du système monétaire de l’étalon d’or.

    Une taxe sur les transactions financières peut dès lors potentiellement revêtir un caractère plus général que la taxe Tobin ne visant que les échanges impliquant différentes devises. Elle peut avoir plusieurs objectifs.

    A l’aide d’une taxe proportionnelle au montant de la transaction qui permet de compenser la réalisation de profits à très court terme, la taxe poursuit l’objectif de diminuer fortement les activités purement spéculatives. Atteindre cet objectif au travers de la seule taxe Tobin tout en épargnant le développement de transactions à des fins d’investissement paraît cependant difficile.

    Il faut dans un premier temps pouvoir déterminer à quel niveau la taxe doit se placer pour viser uniquement les transactions recherchées. Ensuite, il faut une adoption au niveau international pour éviter qu’il y ait un afflux de capitaux vers les territoires au sein desquels la taxe n’existe plus afin de permettre une continuation des activités hautement spéculatives. Il y a également un risque qu’une telle taxe affecte certaines opérations à court terme qui sont nécessaires d’un point de vue économique comme celles impliquant des devises dont le poids international est faible et qui doivent obligatoirement passer par une autre devise plus représentée au niveau international comme le dollar ou l’euro pour pouvoir acquérir d’autres biens. Et finalement, il reste des marchés, notamment celui concernant les produits dérivés, qui se caractérisent par un manque de régulation manifeste que ne résoudra pas la taxe sur les transactions financières.

    Une telle taxe pourrait également chercher à réduire la libre circulation des capitaux dont le développement n’est pas similaire à celui de la circulation des biens et services et encore moins celui de la circulation des travailleurs. Cette taxe, pour qu’elle soit efficace, doit être relativement élevée et avoir une base d’imposition plus restreinte qu’une taxe Tobin classique.

    Il s’agirait aussi dans ce cas d’exclure certaines transactions comprenant notamment l’échange de devises nécessaire dans le commerce international dont le développement risquerait d’être affecté par l’application d’une taxe ayant un taux si élevé.

    En outre, une telle taxe risque d’avoir des effets néfastes pour notre économie ouverte tant au niveau du risque de représailles d’autres pays qu’au niveau de l’expansion internationale de nos entreprises. Les conventions européennes ou les engagements pris au niveau international, notamment au niveau de l’OCDE, ne nous permettent pas actuellement de réduire la liberté de circulation de capitaux de cette manière.

    Une taxe sur les transactions financière peut finalement viser à accroître les ressources de l’Etat qui la met en place. Rappelons qu’il est cependant important que cette mise en place ne concerne pas le seul pays concerné car l’avantage budgétaire global risquerait d’être réduit à néant. Une telle taxe ne doit néanmoins pas brider le développement du commerce international si important pour une petite économie ouverte comme la nôtre. Notons qu’à ce niveau, en Belgique, il existe actuellement une taxe sur les transactions financières qui a d’ailleurs vu sa base imposable élargie suite à la crise. Cette taxe frappe les opérations impliquant des achats et des ventes de titres conclues ou exécutées en Belgique. Le taux, même s’il a été récemment vu à la hausse, reste limité – largement en dessous de 1% du montant concerné – et le montant imposé est plafonné.

    Une taxe ambitieuse et vertueuse sur les transactions financières serait effectivement la bienvenue. Il faut cependant s’assurer que la Belgique ne la mette pas en place seule, qu’elle soit suffisamment raisonnable pour ne pas atteindre de manière dissuasive les investissements dans l’économie réelle à long terme, qu’elle soit établie de manière à ne pas freiner le développement du commerce international, que ses modalités d’application permettent d’atteindre des objectifs de réduction de spéculation, et qu’elle soit conçue pour contribuer de manière raisonnable et durable au financement des pouvoirs publics.

    Une telle taxe permettrait effectivement de promouvoir la croissance tant par une diminution de la spéculation dont l’apport à notre économie est nul et déstabilisateur que par un Etat bénéficiant de ressources supplémentaires ne pesant pas sur la croissance. Il ne faut pas cependant penser qu’une telle imposition est la panacée et règlera les problèmes de la crise de la dette européenne et celui lié à la finance « folle » de ces dernières années. Elle fait cependant certainement partie des solutions à mettre en œuvre pour que le monde puisse retrouver un chemin stable et durable vers la croissance.