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Les critiques du Ministre des Affaires étrangères à l'égard de la diplomatie de "représentants de commerce" qui serait menée par les régions

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 176 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 19/03/2012
    • de FOURNY Dimitri
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    Le 8 février dernier, le ministre des affaires étrangères, Didier Reynders, a critiqué l’attitude adoptée par certaines entités fédérées dans leurs relations avec des pays où se pose la question du respect des droits de l’Homme et de l’État de droit, évoquant notamment les cas de la Libye et de la Birmanie.

    Comme on le connaît, cet amateur de « petites phrases » n’en est pas resté là, allant jusqu’à traiter de « représentants de commerce » les responsables régionaux en visite à l’étranger. M. Reynders s’est ainsi dit prêt à « défendre fermement les droits de l’Homme et un certain nombre de valeurs », mais, pour lui – et je le cite – « c’est beaucoup plus difficile à faire s’il doit le faire à la suite de la visite d’un représentant de commerce régional venu proposer les services d’un certain nombre d’entreprises ». Enfin, il a aussi souhaité – et je cite à nouveau – que « les grandes envolées lyriques sur les droits de l’Homme au fédéral soient suivies d’effets lorsqu’on s’exprime dans des parlements régionaux », parlant même de « double langage », qu’il « ne pourrait pas indéfiniment accepter ».

    Plus fondamentalement, M. Reynders s’est alors dit partisan d’une approche « cohérente » en matière de politique étrangère en insistant (en citant le cas de la Birmanie) pour que l’on respecte la séquence d’une visite qui doit être d’abord « politique » (sous-entendu du chef de la diplomatie fédérale) avant celle d'un « représentant de commerce » (sous-entendu les Régions).

    Tous ces propos du ministre des affaires étrangères ne peuvent nous laisser indifférents ! Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a pas fait montre de beaucoup de diplomatie sur ce coup-là …ce qui est quelque peu paradoxal quand on prétend donner des leçons en matière de conduite des affaires étrangères !

    En tant que responsable de nos relations internationales mais aussi des relations intra-belges, qu'a pensé Monsieur le Ministre-Président de tous ces commentaires et de l’analyse qui les sous-tend ? Quelle a été sa réaction,et celle du gouvernement ? A-t-il eu des contacts avec M. Reynders à ce sujet ?

    Pour ma part, je pense ici qu’il faut bien distinguer la forme et le fond dans les commentaires du ministre des affaires étrangères.

    En effet, pour ce qui est de la forme, il me semble clair que ses propos ne sont pas acceptables et que, dans leur mépris, ils témoignent surtout d’une certaine ignorance du rôle et de la légitimité des actions régionales et communautaires au niveau international (que ce soit en termes de diplomatie, d’économie, de coopération technique, de R&D, d’enseignement ou encore de culture). Est-ce aussi l'analyse de Monsieur le Ministre-Président  ?

    Toutefois, si on fait abstraction des piques et autres petites phrases qu’affectionne M. Reynders, je crois qu’on ne peut pas lui donner vraiment tort sur le fond du dossier. En effet, pour des pays comme la Birmanie ou la Libye, qui viennent de connaître (et connaissent encore) d’importants bouleversements et qui font l’objet de stratégies européennes ou internationales complexes, il est logique d’agir prudemment et de manière concertée et cohérente. Dès lors, il faut voir comment évolue la situation sur place et comment se définit la position de la communauté internationale avant d’y mener des missions régionales de sa propre initiative. Dans de tels cas, il est donc assez pertinent de considérer qu’il faille d’abord laisser la place au politique puis seulement à l’économique. Monsieur le Ministre-Président partage-t-il ce point de vue ? Quelle est la position de la Wallonie à ce sujet ?

    D’ailleurs, si les propos de M. Reynders critiquaient tout le monde et mettaient l’ensemble des entités fédérées « dans le même sac », il faut bien dire aussi qu'il semblait surtout vouloir viser les actions de homologue flamand de Monsieur le Ministre-Président , M. Kris Peeters. En effet, celui-ci a bel et bien « court-circuité » la diplomatie belge en menant une mission commerciale strictement flamande en Libye en décembre dernier et en y devançant ainsi la visite fédérale de près de deux mois. Pourtant, les Affaires étrangères avaient bien demandé à M. Peeters de reporter cette visite à une date ultérieure, après celle prévue d’un ministre fédéral. On le voit : sans succès…

    En outre, tout cela vient aussi renforcer les propos tenus en janvier dernier par M. Philippe Suinen. Celui-ci considérait ainsi que les autorités politiques du Nord du pays agissaient de manière unilatérale, sans concertation, et qu’elles faisaient de plus en plus cavalier seul, au détriment dès lors de leurs partenaires wallons mais aussi de l’ensemble des entreprises. À cette occasion, mon collègue Alfred Gadenne avait d’ailleurs interrogé le ministre Marcourt sur cette analyse du « patron » de l’AWEx et de WBI.

    Que pense Monsieur le Ministre-Président de cette manière d’agir de M. Peeters ? Doit-on y voir une stratégie « préméditée » qui risque de perdurer ? Les critiques du Fédéral sur ce cas précis sont-elles fondées selon Monsieur le Ministre-Président ? Pour ma part, il me semble que de telles initiatives non concertées risquent de brouiller la position belge et d’apporter de la cacophonie dans nos relations (belges, wallonnes, flamandes, bruxelloises) avec les pays concernés. Personne n’y gagnerait. Et, du strict de point de vue économique, surtout pas les entreprises (et les travailleurs) de toutes les Régions du pays, qui n’ont aucun intérêt à de telles actions en ordre dispersé et parfois contradictoire.

    Par conséquent, afin de résoudre au mieux ces tensions et ces difficultés, que peut faire Monsieur le Ministre-Président afin de ramener plus de concertation et une meilleure cohérence entre le Fédéral et les diverses entités fédérées dans ce dossier ?
  • Réponse du 09/05/2012
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Depuis la loi spéciale du 13 juillet 2001, les régions sont exclusivement compétentes en matière de commerce extérieur, à l’exception des domaines portant sur l'octroi des garanties contre les risques à l'exportation, à l'importation et à l'investissement, et sur la politique commerciale multilatérale.

    Monsieur Reynders nous qualifie de « représentants de commerce » et nous le sommes à juste titre au vu de la répartition des compétences intrabelges.

    Par ailleurs, si la diplomatie économique, que notre pouvoir fédéral tend depuis quelques années à mettre au centre des relations internationales, est une démarche qui peut être soutenue, ce n’est qu’à partir du moment où elle profite à nos entreprises, et parce que les Régions l’acceptent, par pragmatisme, car c’est une compétence qui nous revient.

    L’intérêt à veiller à maintenir une collaboration, une coopération intrarégionale, qui doit être prolongée au niveau du fédéral n’est plus à démontrer, afin de promouvoir une image globale cohérente de la Belgique, ce qui se fait notamment lors des missions économiques princières à l’étranger auxquelles notre participation reste régulière et ce, en bonne intelligence avec l’ensemble des participants.

    De nombreux lieux de coordination existent actuellement, notamment la Conférence interministérielle de « Politique étrangère » qui sera prochainement réactivée suite à la mise en place du nouveau Gouvernement fédéral ou encore l’Agence pour le Commerce extérieur.

    La Wallonie d’ailleurs a toujours été particulièrement attentive à se concerter avec les autres entités fédérées.

    L'honorable membre citait, par ailleurs, la mission de la Birmanie que le Ministre-Président flamand a récemment effectuée.

    Une proposition lui a été formulée pour que nous organisions cette mission commerciale ensemble.
    Cependant, pour que celle-ci soit vraiment porteuse pour nos entreprises, il nous fallait plus de temps pour préparer les contacts de façon optimale, ce qui nous laissait trop peu de temps jusqu’au mois de mars. Par conséquent, une mission en Birmanie s’inscrit à notre agenda, en marge de la mission princière au Japon.

    Une proposition a également été récemment adressée à la Ministre de l’Innovation, Ingrid Lieten, de coordonner une mission conjointe en Turquie en mai et juin prochains de façon à apporter une plus grande visibilité à notre action.

    Quant à préjuger de l’opportunité de laisser la place au politique avant l’économique, je voudrais simplement rappeler qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les différents niveaux de pouvoir. Ensuite, il ne faut pas émettre un jugement définitif, de nombreux grands exemples historiques nous ayant ainsi démontré, à l’inverse, que l’économique était aussi un argument et un premier pas parfois vers une coopération politique.

    L'honorable membre notera cependant qu’à chaque mission à l’étranger, le Ministre des Affaires étrangères en est prévenu en temps et en heure et qu’un vif intérêt est accordé aux commentaires qu’il pourrait effectuer quant aux situations politiques sur place. Par ailleurs, toute rencontre politique à l’étranger se fait toujours en présence de l’ambassadeur belge en poste. En cela, la dimension politique est bien présente dans notre démarche à l’international.