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Le miscanthus

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 494 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 09/05/2012
    • de SENESAEL Daniel
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    En 2008, j'interrogeais le prédécesseur de Monsieur le Ministre sur le développement en Wallonie de la culture de miscanthus, une plante produisant de la matière première pour l'énergie, la construction. Elle constitue également un agrocarburant de seconde génération.

    Au-delà des questions environnementales qu'elle sous-tend, la culture des biocarburants pose, à tout le moins, un problème éthique majeur : peut-on se permettre d'utiliser des denrées alimentaires à des fins énergétiques quand une partie de l'humanité n'a pas de quoi se nourrir ?

    Pourtant, le potentiel énergétique de la biomasse ne doit pas être sous-estimé. On peut même aller plus loin, l'utilisation de la biomasse doit nous permettre de réduire notre dépendance énergétique.

    L'agriculture évolue et les missions des agriculteurs également. La production d'énergie, tant par la biométhanisation que par la production d'agrocarburant, à l'instar de la production de nourriture, peut devenir, elle aussi, une mission de l'agriculteur.

    L'utilisation d'une partie de la biomasse pose question. Néanmoins, outre la biomasse oléagineuse (colza, tournesols, …), il existe aussi la biomasse lignocellulosique comme le bois, la paille ou le fameux miscanthus. En ce qui concerne la paille, la non restitution de matières organiques sur les terres agricoles pourra, à terme, poser des problèmes de fertilité.

    Cette plante asiatique, appelée aussi "l'herbe à éléphant", ressemble un peu au bambou. Peu connue chez nous, elle est, peut-être, une alternative qui ne demande guère de travail d'entretien ni d'investissement démesuré. Elle peut se cultiver facilement sous nos latitudes et dispose d'un haut potentiel énergétique à l'hectare. Vu la simplicité de sa culture, une seule récolte/an, elle pourrait être utilisée sur de petites parcelles qui, à moyen terme vont être abandonnées par l'agriculture classique.

    Au début des années 90 déjà, la Wallonie avait financé des recherches sur cette plante par le biais de l'ASBL Sorghal, installée à l'ISI Huy. Déjà les premiers résultats étaient très prometteurs. Depuis les années 2000, c'est l'ASBL Valbiom qui est en charge du développement de cette culture à travers le projet Farwal.

    Ce végétal pourrait répondre aux nouveaux besoins de diversification de l'agriculture, aux préoccupations environnementales en matière d'énergie renouvelable et de rejet de CO2.

    Le miscanthus présente de nombreux avantages pour l'agriculture européenne : les conditions climatiques et l'environnement nécessaires à sa croissance sont similaires à ceux du maïs, donc facilement transposables chez nous. Par ailleurs, alors que le maïs demande un apport important d'azote, l'herbe à éléphant n'en a besoin qu'en quantité minime. Et quant on sait que cela pollue considérablement les nappes phréatiques, cela laisse à réfléchir. Par ailleurs, vu sa taille importante, l'utilisation d'herbicide ne se fait que lors de la première année d'installation.

    Le miscanthus est une culture pérenne de 3-4 m de hauteur, peu exigeante en intrants, la quantité d'azote optimale se trouvant entre 50 et 70 kg N/(ha*an). La plantation s'effectue à partir de plantules ou de rhizomes fragmentés. Cette dernière technique s'avère la plus économique. Le choix du site est très important : la disponibilité en eau est un paramètre important pour avoir un rendement élevé et uniforme. La récolte se réalise chaque année.

    Un problème pouvant survenir chez le Miscanthus giganteus est la sensibilité des rhizomes au froid la 1e année, si la température du sol passe en dessous de -3,5°C, les rhizomes meurent. Cependant, les feuilles restant sur le sol durant l'hiver assurent une certaine isolation.

    Son rendement est de 15 – 20 tonnes l'hectare, ceci au départ d'une plante encore non améliorée par la sélection. Un hectare de miscanthus équivaut à environ 7.000 à 10.000 litres de mazout soit l'équivalent de 20.000 à 28.600 kg de CO2.

    La coupe peut se faire soit avec une ensileuse à maïs standard soit avec une faucheuse suivie d'une balloteuse. La hauteur de coupe devant être réglée pour être la plus basse possible pour éviter les pertes de rendement. La période de récolte optimale est le printemps.

    En 2007, 6,4 ha de miscanthus ont été implantés en Wallonie. Des contrats sont envisageables avec des agriculteurs pour assurer une production régulière.

    En Angleterre : une centrale électrique d'Ely de 38 MWélec fonctionnant principalement à la paille utilise également du miscanthus (2 % soit 11 tonnes par jour). Cette centrale appartient à Energy Power resources Ltd (EPR). EPR va chercher la biomasse chez les agriculteurs dans un rayon de 70 km. La teneur en humidité de la biomasse est mesurée et elle est stockée dans un hangar avec une capacité de 2 100 tonnes. EPR paye le miscanthus 33 euros/t départ. Les agriculteurs peuvent également percevoir une aide à la plantation de 1 400 euros/ha en contrepartie, le miscanthus n'est plus payé que 16,5 euros/t départ. Les boutures coûte 1 800 euros/ha, à cela, il faut rajouter les coûts de plantation et de désherbage, cependant, cet investissement peut s'amortir sur une durée sans doute probable de 20 ans.

    En Angleterre également, le projet soEccleshall Biomass, une centrale électrique de 2 MW (2 000 ménages), est issu d'un partenariat entre Raleigh Hall Properties et Talbott's, deux compagnies locales. La centrale électrique sera alimentée par 22 000 tonnes de combustibles par an, principalement du miscanthus mais aussi des chips de bois. L'approvisionnement en miscanthus sera assuré par des contrats avec 60 fermes. 1 tonne de CO2 par heure sera économisé et les cendres résiduelles (1 100 tonnes par an) seront redistribuées aux agriculteurs pour être utilisées comme fertilisant.

    Le miscanthus peut être utilisé pour des valorisations non-énergétiques comme des litières, dans l'industrie du bâtiment ou automobile entre autres.

    Il peut également y avoir une valorisation énergétique pour le chauffage, l'électricité, le carburant

    Au niveau environnemental, le miscanthus constitue enfin un excellent abri pour la faune sauvage, et notamment les oiseaux, dont les dates de nidification ne correspondent pas avec les dates de récolte, contrairement aux céréales.

    Voici un an, une réunion sur le développement de cette plante s'était tenue entre différents représentants du Gouvernement wallon (agriculture, énergies et développement durable). Depuis nous n'avons reçu aucune nouvelle. Qu'en est-il ?

    Monsieur le Ministre peut-il nous en dire davantage sur d'éventuels projets ? Que compte-t-il faire ?

    Peut-il nous faire part de ses remarques quant au développement de ce type de culture ? N'y a-t-il pas là une filière agricole à promouvoir ? La Wallonie est-elle prête à soutenir cette culture ? Y a-t-il une possibilité d'aides au travers du nouveau pôle de compétitivité du Plan Marshall 2.vert sur les énergies vertes ?

    Cette culture présente de nombreux avantages. A-t-il déjà étudié cette question ?

    Lorsque l'on voit que la France, l'Allemagne ou l'Angleterre sont séduits par le miscanthus et mettent les moyens afin de le développer, nous ne pouvons rester sans agir. D'autant plus que la Flandre est quant à elle occupée à prendre les devants. Il est temps de prendre le train en marche et non de le regarder passer ! Il est temps de passer à l'action et non de réinventer une roue qui malheureusement ne tourne pas ! Des avancées considérables ont été effectuées. Des Wallons commencent à exporter leur savoir et savoir-faire en dehors de notre territoire sans aucune aide de la Wallonie.

    Monsieur le Ministre n'est pas sans ignorer que depuis des décennies, les industriels agro-alimentaires flamands sous-louent les terres wallonnes pour y planter des épinards (hiver et printemps), des haricots, des pois de conserverie ou encore des carottes. Toute cette production agricole est réexpédiée en Flandre, y est travaillée. L'apport de la valeur ajoutée se fait évidemment hors de notre Région. Certains planteurs hennuyers de miscanthus constatent que certains industriels flamands cherchent à organiser la même filière pour le miscanthus. La Wallonie va-t-elle une fois de plus se faire spolier ? Cette production servira tant en matière première dans la construction qu'en matière purement énergétique. Il suffit de se rendre sur certains sites web tels qu'Enerpédia, pour se rendre compte des avancées significatives de la Flandre sur la Wallonie.

    En outre, une possibilité de mieux appréhender cette culture par les agriculteurs est de créer un centre de référence. Proposition refusée en son temps par la DGO3. Monsieur le Ministre serait-il prêt à réétudier la question ? De tels centres ont été créés par le ministère de l'agriculture flamand à Audenarde depuis 2010. Actuellement, la Province du Brabant flamand a planté deux champs de démonstration à Leuven et Grammont.
  • Réponse du 30/05/2012
    • de DI ANTONIO Carlo

    Le miscanthus est effectivement une plante très intéressante. Elle est depuis longtemps un centre d’intérêt pour moi. En janvier 2008, j’interrogeais déjà mon prédécesseur sur la production de biomasse à partir de cette culture.

    C’est notamment pour cela que depuis 2003, nous soutenons financièrement l’ASBL VALBIOM, dans le cadre de la convention-cadre, qui effectue différents travaux et publie divers documents qui concernent le miscanthus.

    D’autres projets sur le développement de la biomasse énergie, s’intéressent naturellement à la culture du miscanthus. De nombreux essais sont implantés comme au Centre Wallon de Recherches Agronomiques. Les rendements mesurés à différents endroits de Wallonie offrent un aperçu des débouchés.

    Car si la plante a du potentiel, il faut qu’elle trouve ses débouchés !

    Une conférence organisée en janvier dernier a été l’occasion de confirmer le potentiel du miscanthus tant en valorisations énergétiques que non énergétiques mais a surtout permis à des industriels de présenter leur intérêt pour ce produit.

    Je souhaite, avec l’aide de Valbiom, développer une filière pilote afin de répondre au plus vite à l’intérêt témoigné par les différents utilisateurs.

    L’objectif de cette démarche sera de démontrer la faisabilité et d’évaluer les faiblesses d’une filière industrielle du miscanthus en développant une filière de taille réduite.

    Tout en accompagnant les agriculteurs soucieux de se diversifier dans des cultures énergétiques comme le miscanthus, ma volonté est d’examiner en détail toutes les pistes de déploiement de la filière biomasse agricole.