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Les rejets de l'incinérateur de Pont-de-Loup

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 747 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 16/05/2012
    • de TROTTA Graziana
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    En concertation avec la Ministre de la Santé Eliane Tillieux et les homologues de Monsieur le Ministre aux autres niveaux de pouvoir concernés, Monsieur le Ministre développe une politique environnement-santé.

    Il y a quelques mois a été mis en place un groupe de travail rassemblant les bourgmestres des Communes d'Aiseau-Presles, de Châtelet, de Farciennes et de Fleurus, en plus de lui-même et de sa collègue en charge de la Santé, afin d'étudier les relations entre la qualité de l'air dans la région et la santé des habitants. Ce groupe de travail, dont je suis les travaux, s'est réuni la première fois le 24 novembre dernier.

    La mauvaise qualité de l'air dans la région est souvent rappelée. La densité et la nature du parc automobile ainsi que l'industrie y sont logiquement pour quelque chose.

    À Pont-de-Loup, l'incinérateur de l'ICDI est aussi pointé du doigt. Nombreux sont les riverains du site qui s'inquiètent des effets sur leur santé des rejets de l'incinérateur dans l'air. Il est pourtant important que ceux-ci disposent d'une information claire à ce sujet.

    En juin 2006, Mme Catherine Fonck, alors Ministre en charge de la Santé en Communauté française, avait indiqué au parlement que « sur la base des éléments dont nous disposons actuellement, rien ne justifie objectivement un suivi médical des riverains » de cet incinérateur. « Si en fonction des analyses complémentaires qui nous parviendront dans les prochains jours, les risques s'avèrent élevés, un suivi médical devra être mis en place ». Ceci alors qu'un reportage télévisé de RTL-TVI venait d'évoquer 14 cas d'affections graves, notamment cancéreuses, dans une seule rue à proximité immédiate du site.

    Afin de connaître la situation actuelle, j'interroge, parallèlement à la présente question, la collègue de Monsieur le Ministre en charge de la Santé quant au suivi médical des riverains du site.

    Pour ce qui concerne son domaine de compétences, mes questions sont les suivantes :
    Quels sont les différents polluants rejetés dans l'air par l'incinérateur de Pont-de-Loup ?

    Monsieur le Ministre connait-il, pour ces polluants, les concentrations émises par l'incinérateur ? Et quelles sont les concentrations maximales autorisées par la loi ?

    Une étude épidémiologique objective sur les effets des rejets de l'incinérateur sur la santé des riverains a-t-elle ou va-t-elle être menée en collaboration avec vos homologues en charge de la Santé ?

    Une station de mesure de contrôle en continu de la qualité de l'air sur le territoire d'Aiseau-Presles, de Farciennes, de Châtelet et de Fleurus est-elle envisagée ? Dans l'affirmative, à quelle échéance ? Dans la négative, pour quelle(s) raison(s) ?
  • Réponse du 19/07/2012
    • de HENRY Philippe

    Mesures à l’émission

    Les valeurs limites à l’émission imposées dans le permis de l’incinérateur de l’ICDI sont les suivantes:

    Poussières totales 10 mg/Nm³
    Substances organiques à l’état de gaz ou de vapeur,
    exprimées en carbone organique total (COT) 10 mg/Nm³
    Chlorure d’hydrogène (Hcl) 10 mg/Nm³
    Fluorure d’hydrogène (HF) 1 mg/Nm³
    Dioxyde de soufre (SO2) 50 mg/Nm³
    Monoxyde d’azote (NO) et dioxyde d’azote (NO2)
    exprimés en dioxyde d’azote 100 mg/Nm³
    Ammoniac (NH3) 10 mg/Nm³
    Monoxyde de carbone (CO) 50 mg/Nm³
    Dioxines/furannes 0.1 ng TEQ/Nm³
    Cadmium + thallium 0.03 mg/Nm³
    Antimoine + Arsenic + Plomb + Chrome + Cobalt
    + Cuivre + Manganèse + Nickel + Vanadium 0.5 mg/Nm³
    Mercure 0.05 mg/Nm³


    L’entreprise est soumise à l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 février 2003 portant conditions sectorielles relatives aux installations d’incinération et de coïncinération de déchets.

    Les valeurs limites imposées sont celles de l’annexe V de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 février 2003, à l’exception des valeurs limites pour les oxydes d’azote (NOx) et la somme cadmium+thallium qui sont plus strictes que celles de l’arrêté (100 mg/Nm³ au lieu de 200 mg/Nm³ pour les NOx et 0.03 mg/Nm³ au lieu de 0.05 mg/Nm³ pour la somme cadmium+thallium).  Une valeur limite d’émission pour l’ammoniac (NH3) a également été imposée en plus des valeurs limites imposées par l’arrêté du 27 février 2003 étant donné l’utilisation d’une technique de réduction catalytique sélective pour l’abattement des NOx.  C’est grâce à la réduction catalytique sélective que la valeur limite d’émission pour les NOx a pu être diminuée par deux.

    Ces valeurs limites sont en ligne avec le document BREF sur les meilleures techniques disponibles en matière d’incinération des déchets, étant donné que l’entreprise est soumise à la directive 1996/61/CE relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution.  Cette directive soumet les installations industrielles entrant dans son champ d’application à une autorisation d’exploitation. Cette autorisation ne peut-être accordée que lorsque certaines conditions environnementales sont respectées dont, en particulier, le recours aux meilleures techniques disponibles.

    Les derniers résultats de mesures envoyés par l’exploitant montrent que les concentrations à l’émission sont largement inférieures aux valeurs limites pour les métaux lourds et les dioxines et furannes.  De légers dépassements ont été observés pour le SO2 (mesures à 60 et 23 mg/Nm³ en juillet 2011 et mesures à 41 et 51 mg/Nm³ en décembre 2011, pour une valeur limite à 50 mg/Nm³).  Les concentrations en NOx étaient légèrement supérieures à 100 mg/Nm³ avant l’ajout d’un lit catalytique supplémentaire sur les lignes des fours 2 et 3 (mesures à 100 et 144 mg/Nm³ en juillet 2011).  Depuis l’ajout d’un lit catalytique sur les lignes des fours 2 et 3, les concentrations à l’émission en NOx sont inférieures à 100 mg/Nm³ (mesures à 43 et 54 mg/Nm³ en décembre 2011). Les concentrations de tous les autres polluants sont inférieures aux valeurs limites imposées.

    Il faut souligner que les valeurs limites imposées sont des valeurs limites à l’émission (en sortie de cheminée).  Les valeurs à l’immission (dans l’air ambiant) sont fortement diluées par rapport aux valeurs mesurées en cheminée.  La dilution dépend notamment de la hauteur de la cheminée et des conditions atmosphériques. Les résultats dans l’air ambiant seront discutés en fin de texte.

    Un réseau de contrôle en continu des émissions de dioxines des incinérateurs publics de déchets a été mis en place en janvier 2001.  Les résultats obtenus sont disponibles via internet (http://environnement.wallonie.be/data/air/dioxines/menu/menu.htm ).



    Incidences sur la santé

    En ce qui concerne les incidences sur la santé des riverains, l’arbre décisionnel environnement-santé approuvé par le gouvernement conjoint le 27 mars 2006 précise que lorsqu’une situation environnementale induit un risque toxicologique ou sanitaire, les Ministres de la Santé sont informés. Il revient à la Ministre de la Santé de la Communauté française de charger le cas échéant l’Institut scientifique de santé publique (ISP) de mettre sur pied une étude épidémiologique afin d’écarter ou de confirmer une augmentation significative de la prévalence de certaines pathologies. Si un taux anormalement élevé de pathologies liées à l’état de l’environnement devait être mis en évidence, et toujours suivant cet arbre décisionnel, la Ministre de la Santé de la Région wallonne pourrait organiser un suivi de contrôle de l’évolution des pathologies constatées.

    Au regard des émissions atmosphériques de l’incinérateur de Pont-de-Loup, l’arbre décisionnel a été activé en 2007, suite à des dépassements ponctuels des normes d’émissions de dioxines. L’analyse de la situation par l’ISP a été communiquée à la Task force environnement-santé le 11 septembre 2007. Suivant les termes du PV de cette réunion (1), le risque était alors considéré comme négligeable à long terme.

    Sept ans plus tôt, une étude financée par la Région wallonne avait pour but d’évaluer le niveau d’imprégnation (2) de la population, dont des riverains de l’incinérateur de l’ICDI. A Pont-de-Loup, 37 personnes résidant dans un rayon de +/- 2 km autour de l’incinérateur avaient participé à l’étude et aucune différence significative n’avait été observée par rapport aux sujets témoins résidant en Ardenne. Les concentrations moyennes observées restaient par ailleurs dans la zone des valeurs observées en Europe pour une population de même âge ne résidant pas à côté d’incinérateurs ou d’installations industrielles pouvant émettre des dioxines. (3)



    Mesures à l’immission

    Depuis 1978, une station de mesure de la qualité de l’air se situe Rue Gendebien à Châtelineau. Elle se trouve à environ 1,5km au Sud-ouest de l’ICDI. Elle collecte en continu, via un réseau télémétrique, les particules fines (PM) et le dioxyde de soufre (SO2). Depuis 2011, elle analyse en plus des PM10, les fractions plus petites que sont les PM2,5 et les PM1. Un réseau de 5 jauges de poussières sédimentables est également présent sur Farciennes, Châtelet et Aiseau-Presles.



    SO2

    Le tableau 1 ci-dessous vous montre les valeurs limites en SO2 imposées dans les directives européennes (1999/30/CE et 2008/50/CE) sur la qualité de l’air ambiant.

    Période considérée Valeur limite

    Valeur limite horaire pour la 1 heure 350 µg/m3 à ne pas dépasser
    protection de la santé humaine plus de 24 fois par année civile

    Valeur limite journalière pour 24 heures 125 µg/m³ à ne pas dépasser
    la protection de la santé humaine plus de 3 fois par année civile

    Niveau critique pour la protection Année civile et 20 µg/m³
    de la végétation (*) du 1/10 au 31/03

    (*) niveau au-delà duquel des effets nocifs directs peuvent se produire sur certains récepteurs, tels que arbres, autres plantes ou écosystèmes naturels, mais pas sur des êtres humains.

    Tableau 2 : résultats des moyennes annuelles en dioxyde de soufre à la station de Châtelineau

    Moyenne annuelle en SO2 (µg/m³)
    2007 5,3
    2008 2,6
    2009 1,7
    2010 2,5
    2011 1,7

    Les valeurs limites horaires et journalières en dioxyde de soufre imposées dans les directives européennes sur la qualité de l’air ambiant ont été respectées ces dernières années.



    Particules fines (PM)

    L’arrêté du Gouvernement wallon relatif à l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant (15.07.2010-M.B. 01.09.2010) fixe des valeurs limites d’exposition PM10 concernant à la fois la concentration annuelle (40 µg/m³) et la concentration journalière (50 µg/m³). Cette dernière valeur ne doit pas être dépassée plus de 35 fois au cours de la même année civile.

    Le respect de la valeur limite pour la concentration annuelle ne pose plus de souci d’application en Wallonie mais il n’en va pas de même pour la concentration journalière.

    A la date du 29 mai 2012, la station télémétrique de Châtelineau connait 24 dépassements. Le nombre maximum de dépassements autorisés sur une année civile étant de 35.

    Dans les agglomérations, à proximité de sites industriels à forte émissions de poussières, le nombre de dépassements annuels sont élevés mais une nette amélioration a été constatée ces dernières années. La réduction globale du nombre de dépassements est liée à la diminution de l’activité industrielle et aux réductions d’émissions faisant suite à la révision des permis des grandes entreprises (directive IPPC : Integrated Pollution Prevention Control). Les écarts importants d’une année à l’autre sont fortement influencés par les caractéristiques plus ou moins dispersives des conditions atmosphériques et aussi les transferts de polluants sur des longues distances.

    La station télémétrique de Châtelineau connait un grand nombre de dépassements de la norme mais cela n’est pas étonnant au vu de la quantité d’entreprises qui l’entourent. La contribution de l’ICDI dans les émissions de poussières fine est négligeable.



    Poussières sédimentables

    Pour ce paramètre, Il n’y a pas de réglementation européenne précise, c’est pourquoi la Wallonie se base sur la référence allemande (« TA LUFT ») qui réglemente les dépôts non seulement pour le total poussières mais aussi pour certains métaux. Le critère de la norme allemande vise à respecter des niveaux de retombées inférieures à 350 mg/m².jour.

    Depuis 1994, il y a un groupe de 5 stations aux alentours de l’ICDI, aux localisations suivantes:
    * Farciennes, Rue Armand Bocquet
    * Farciennes, Rue Albert Ier
    * Aiseau-Presles, Pont-de-Loup, rue Quartier au Roi
    * Châtelet, Chatelineau, rue des ateliers
    * Farciennes, rue Sifride Demoulin 39

    Ces deux dernières années, dans ce groupe de jauges, la médiane des retombées totales annuelles se situe aux alentours de 155 mg/m².jour, ce qui est inférieur à la référence allemande. Ces dernières années, on a observé un enrichissement des retombées en métaux et plus particulièrement en chrome et nickel. Selon nous, ces métaux ne proviennent pas de l’ICDI mais seraient notamment émis par le parc à scories de Carinox-Aperam.

    Via le groupe de travail Environnement-Santé des 4 communes auquel vous assistez, l’AwAC organise une campagne mobile en collaboration avec l’ISSeP pour déterminer encore plus précisément la qualité de l’air ambiant dans ces quatre communes et connaître la représentativité de la station télémétrique de Châtelineau. Les premiers résultats sont du même ordre de grandeur que les concentrations enregistrées pour les stations les plus proches. Si cela ce confirme avec l’ensemble des résultats de l’étude, on pourra considérer que la station de Châtelineau est représentative de la région et qu’aucune station supplémentaire n’est à envisager.

    De plus, l’AWAC satisfait déjà entièrement le nombre minimal de points de prélèvement imposé à l’article 10 de la Directive 2008/50/CE sur la qualité de l’air ambiant.

    La campagne mobile, qui a débuté en janvier 2012 et se finira fin juin 2012, a aussi pour rôle de pointer les émetteurs industriels responsables de pollution. Pour l’instant il est trop tôt pour conclure quoi que ce soit mais sachez que l’AwAC en collaboration avec les quatre communes concernées établit une liste des sources industrielles potentielles de poussières. Cette liste sera recoupée avec les résultats de la campagne mobile. In fine, une révision des permis d’exploitation des entreprises polluantes sera mise en route.


    (1) Extrait du PV : Le cabinet Fonck dépose en séance le rapport effectué par L’ISP à ce sujet. Le rapport est commenté par le docteur Navez qui précise notamment qu’il existe un risque de surrestimation quant à l’échantillonnage et que le risque sanitaire pour les riverains est négligeable à long terme.
    (2) Evaluations de charges corporelles en dioxines
    (3) A.Bernard et al., Incinérateurs, crise dioxine et risques sanitaires pour la population belge, Bulletin de la Classe des Sciences, 1-6/2001, Académie royale de Belgique, p. 107-1010.