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L'incertitude du caractère d'infraction de différents actes non soumis à permis d'autorisation ou dont le permis est annulé

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 796 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 31/05/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Dans le journal des tribunaux je trouve un article intéressant sur la question des infractions urbanistiques. Si l'article date du mois d'octobre 2011, cela n'empêche pas qu'il a gardé son actualité.

    Quant à la définition de l'infraction, deux questions majeures se posent : l'une concerne l'incertitude du caractère infractionnelle de l'acte non soumis à permis et l'autre est consacrée à l'incertitude du caractère infractionnel des chantiers ou bâtiments dont le permis est annulé.

    Puis-je citer les interrogations soulevées par l'auteur de l'article ?

    « En droit de l'urbanisme, il existe d'autres hypothèses d'infraction que celle de ne pas disposer d'un permis quand ce dernier s'impose. La violation « de quelque manière que ce soit (des) prescriptions des plans de secteur ou communaux d'aménagement (?) et des règlements d'urbanisme » en est une. Mais commet-on une infraction en posant un acte contraire à l'une de ces prescriptions, mais non soumis à permis d'urbanisme ? » Question qui nous inspire des réponses différentes, suivant la doctrine juridique par rapport auxquels on se réfère. Une de ces références sera sans doute le Conseil d'Etat qui, selon l'auteur de l'article, paraît l'avoir interprété dans le sens d'une réponse négative.

    Faut-il préciser le dispositif en y apportant une réponse claire ? Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre et quelle sera sa réaction par rapport à la question ?

    « Un bâtiment est érigé ou un chantier est entrepris sur la base d'un permis d'urbanisme qui, par la suite, est annulé par le Conseil d'Etat. Les travaux déjà réalisés doivent-ils, du fait de l'effet rétroactif d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat, être considérés comme constitutifs d'une infraction pour avoir été réalisés sans permis ? Leur maintien, une fois l'arrêt notifié, est-il, lui aussi, constitutif d'une infraction ? ». Belle question, dans le sens où le projet est à la fois couvert par une autorisation et à la fois constitue une infraction mais à des moments différents. De façon pratique, il faut savoir si les travaux couverts par un permis est une infraction dans la mesure où, dans un deuxième temps, le permis est annulé ou retiré ?

    A partir de quel moment le permis accordé produit ses effets. A l'échéance des 30 jours pendant lesquels un recours devant le Gouvernement wallon peut être introduit ou à l'issue d'une éventuelle procédure d'annulation de permis sur laquelle on demandera le Conseil d'Etat de statuer ? Dans l'affirmative, cela revient dans la pratique à ce que le permis est effectivement opérationnel dès que le délai de recours devant le Conseil d'Etat est arrivé à échéance.
  • Réponse du 14/09/2012
    • de HENRY Philippe

    L’honorable membre se réfère à un article rédigé par Maître Delnoy et publié le 1er octobre 2011, intitulé « Infractions et sanctions d’urbanisme en Région wallonne : vers une nouvelle réforme ? ».

    1. Quant à la précision des incriminations pénales

    L’honorable membre met en exergue des questions importantes qui firent l’objet des constats de l’évaluateur et furent évoquées six mois plus tard devant le parlement (CRIC, 27 mars 2012, p. 16). La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de la mobilité s’est réunie le mardi 27 mars 2012 afin, d’une part, d’examiner les constats dégagés et validés par le Comité d’accompagnement lors du bilan intermédiaire de l’évaluation du CWATUPE, et, d’autre part, d’auditionner Maître Delnoy, Associé Cabinet d’avocats Bours & Associés et Professeur à l’ULg (1).

    Bien avant ces constats, la loi organique de l’aménagement du territoire porte déjà la difficulté de l’imperfection de la rédaction de la législation pénale.

    Je m’en réfère à la réforme de l’article 64 de la loi organique du 29 mars 1962, engagée dès 1970 ; les mots « de quelque manière que cela soit » sont insérés par la loi du 22 décembre 1970 :  

    « Art. 20. L’article 84 de la loi du 29 mars 1962 est modifié comme suit :

    "Art. 64. Sont punis d’un emprisonnement (…) ceux qui par l’exécution ou le maintien de travaux, par le lotissement de bien-fonds ou de quelque manière que ce soit, enfreignent les prescriptions des plans particuliers d’aménagement, des dispositions des titres II et III ou de celles des règlements pris en exécution du titre III et du chapitre 1er du titre IV de la présente loi (…)" ».

    Depuis lors, le législateur wallon a laissé au juge pénal l’examen des faits qui violent « de quelque manière que ce soit » les différents dispositifs actuellement cités à l’article 154, 4°. L’imprécision existe donc depuis plus de 40 ans. Dès 1998, Maître Delnoy synthétisera en douze pages les cinq hypothèses qui créent les difficultés en question. (Michel Delnoy, « Le nouveau droit wallon des infractions et sanctions d’urbanisme, dans la réforme du droit wallon de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 424 et suivantes).

    En termes de solutions, nul ne doute que les recommandations de l’évaluation et le travail parlementaire nous éclaireront sur la meilleure technique rédactionnelle à utiliser pour rédiger ces dispositions pénales.

    Il faut cependant nuancer l’impact effectif des difficultés identifiées par Maître Delnoy.

    En pratique, il faut savoir que les sanctions pénales requièrent une appréciation du juge. Ainsi, voici ce qu’écrivait aussi Maître Delnoy, dans l’ouvrage précité, écrit qui demeure non discuté, ce que je souligne :

    « (…) les infractions d’urbanisme sont volontaires et non réglementaires, volontaires, ce qui signifie qu’en sus de l’acte matériel, le juge doit vérifier l’existence de l’élément moral de l’infraction, l’intention punissable. Il en résulte notamment que l’infraction n’est pas établie dès lors que le prévenu peut exciper à bon droit d’une erreur de droit invincible, dont l’existence relève en principe du pouvoir d’appréciation du juge du fond, celui-ci appliquant le critère de l’homme normalement diligent et prudent. Tout dépend donc avant tout des circonstances concrètes de la cause. » (p. 425).

    Pour conclure, le gouvernement s’accordera sur des recommandations qui seront suivies d’un travail parlementaire, ce qui permettra de préciser les textes qui doivent encore l’être.




    2. Permis exécutoire

    La clarté de la réponse commande de distinguer les questions et des hypothèses évoquées par l’honorable membre.

    « A partir de quel moment le permis accordé produit ses effets » ?

    Un permis peut être mis en œuvre moyennant les précautions suivantes.

    L’honorable membre aborde uniquement deux hypothèses d’infractions éventuelles : le contentieux résultant de la vérification par le fonctionnaire délégué du permis délivré (article 108 du CWATUPE), ensuite le contentieux juridictionnel porté devant le Conseil d’Etat.
    1° Selon le CWATUPE

    La décision communale étant adoptée, le permis est notifié par le collège communal au demandeur. A ce moment, il ne peut pas poser les actes et exécuter les travaux autorisés par le collège communal.

    Ce n’est qu’au terme du délai accordé au fonctionnaire délégué pour suspendre le permis du collège communal que le projet peut être exécuté conformément au permis.

    La procédure est très claire : l’article 108, § 1er impose cette tutelle de suspension administrative. En cas de suspension, si la commune ne retire pas le permis, le gouvernement dispose de 40 jours pour annuler ou lever la suspension. En l’absence d’une décision ministérielle, le projet ne peut être mis en œuvre ; la procédure administrative en cours rend le permis non exécutoire.

    Pour rappel, le permis doit reproduire l’article 108 qui détaille la procédure et les conséquences de l’exercice de la tutelle de suspension (voir article 108, § 2, alinéa 2).

    2° Selon les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat

    Le permis d’urbanisme non suspendu par un fonctionnaire délégué peut être mis en oeuvre. Il est dit exécutoire.

    Toutefois, en vertu de dispositions légales relevant du Parlement fédéral, le permis d’urbanisme - non suspendu par un fonctionnaire délégué – ne devient pas définitif.

    La clarté de la réponse demandée par l’honorable membre impose une nouvelle fois de distinguer deux situations.

    a) Recours en annulation

    Celui qui débute ses travaux sans attendre le délai de recours en annulation d’un permis exécutoire devant le Conseil d’Etat s’expose aux conséquences éventuelles d’une annulation, à savoir l’absence de permis.

    Le délai normal pour l'introduction d'un recours est de 60 jours (article 30 des lois coordonnées). Le règlement de procédure prévoit : « Les recours visés [à l'article 14, §§ 1er et 3 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat] sont prescrits 60 jours après que les actes, règlements ou décisions incriminés ont été publiés ou notifiés. S'ils ne doivent être ni publiés ni notifiés, le délai court à dater du jour où le requérant en aura eu connaissance. » (Article 4 de l’arrêté royal du 23 août 1948).

    b) Recours en suspension

    L’envoi d’un recours en annulation n’a aucun effet suspensif, le permis attaqué reste en principe valable et peut donc produire ses effets.
    C’est pourquoi il existe la possibilité de demander, en complément de l’annulation, la suspension du permis considéré par le requérant comme irrégulier. Dans ce cas, la requête en annulation devient une requête unique et, en plus des moyens d’annulation, on y trouvera les moyens qui justifient en quoi l’application immédiate de la décision cause un préjudice grave, difficilement réparable au requérant.

    Par ailleurs, lorsque le gouvernement se prononce sur recours, l’annexe 14 du CWATUPE - qui formalise la décision ministérielle – mentionne l’existence d’un recours au Conseil d’Etat dans le dispositif du permis.

    L’existence ou non de recours devant le Conseil d’Etat est donc effectivement un impact sur le caractère « effectivement opérationnel » du permis.



    (1) Voir le rapport de la Commission, Document parlementaire P.W., 577 (2011-2012) – N° 1°, spécialement la page 9.