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Le futur économique du secteur photovoltaïque

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 215 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 01/06/2012
    • de JAMAR Hervé
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    Mon attention a récemment été attirée par un article de presse mentionnant le dépôt de bilan de l’entreprise allemande Q-Cells, leader sur le marché des panneaux photovoltaïques.

    Dans l’attente d’un éventuel repreneur, cette décision laisse plus de 2000 salariés dans l’incertitude et illustre les difficultés que traversent actuellement l’ensemble du secteur du photovoltaïque européen.

    En effet, en l’espace de quelques mois quatre entreprises allemandes, référence en matière d’énergie solaire, ont du rendre les armes. A l’échelle européenne, ce sont 15.000 postes sur 25.000 qui ont été supprimés et 4000 entreprises sur 10.000 qui ont fait faillite.

    Ce constat interpelle ! D’autant plus que, semble-t-il, personne n’avait vu venir une crise de cette ampleur !

    Apparemment, deux éléments principaux semblent expliquer cette situation.

    Tout d’abord, la crise économique qui conduit les citoyens et entreprises à reporter, face aux incertitudes, leurs investissements. Celle-ci a également conduit plusieurs états ou régions à réduire voire supprimer leurs aides et incitants fiscaux.

    Ensuite, la concurrence de plus en plus redoutable de la Chine et de Taiwan. Dupliqué en masse, à travers des processus de fabrication qui prennent généralement beaucoup de libertés vis-à-vis des standards de développement durable, les panneaux « low-cost » made in China ou Taiwan règnent aujourd’hui en maîtres sur le continent européen et ont conduit à une plongée des prix.

    De plus, les états en question aident, directement ou via des prêts de banques semi-publiques, leurs entreprises actives dans ce secteur. Bien que n’ayant reçu aucune plainte jusqu’à présent, les institutions européennes ne seraient pas opposées à une intervention.

    Monsieur le Ministre peut-il nous dire ce qu’il en est du secteur belge ? Des entreprises actives dans le domaine ont-elles récemment fait faillites ? Des emplois ont-ils été perdus et si oui combien ?

    Partage-t-il les raisons qui semblent expliquer la crise que traverse ce secteur ? Dispose-t-il d’éléments permettant d’en pointer d’autres ?

    Quelles perspectives d’avenir Monsieur le Ministre voit-il ?

    Malgré tout, la pose de panneaux photovoltaïques a connu une importante croissance l’an dernier avec une augmentation de 40% de la puissance installée dans le monde l’an dernier dont 68% en Europe.

    La survie passe-t-elle par des marchés de niche afin d’échapper à la concurrence asiatique qui a la volonté politique de dominer ce marché au niveau mondial ?

    Monsieur le Ministre envisage-t-il de porter un dossier au niveau des instances européennes afin de vérifier si des aides publiques illégales sont accordées à certains acteurs asiatiques ?
  • Réponse du 19/06/2012
    • de MARCOURT Jean-Claude

    En ce qui concerne les chiffres, la dernière cartographie date de 2008, et il était question d’une centaine d’entreprises actives dans le domaine. En 2010, l’ASBL Energie Facteur 4 (EF4) indiquait que depuis le lancement du plan Solwatt en 2008, le nombre d’entreprises actives dans le domaine de la production de matériel et d’installations photovoltaïques est passé de 17 à plus de 350 au début 2010, pour une puissance installée qui sur la même période a été multipliée par 60 pour passer de de 160 à env. 9 000 kilowatts-crête. Leur site n’en dit pas plus en ce qui concerne le nombre d’entreprises actives dans le secteur, par contre on y apprend que le parc photovoltaïque wallon est actuellement composé de 41 978 installations d’une puissance plus petite ou égale à 10 kW (puissance moyenne d’une installation = 4,6 kW) et de 90 installations de plus de 10 kW. La puissance installée est par contre maintenant de 198 557 kW au 31/01/2012, soit plus de 1 200 fois la puissance initiale installée en 2008. Cette puissance est principalement, 97 %, délivrée à partir d’installations inférieures à 10 kW.

    TWEED, le cluster « Technologie Wallonne Energie - Environnement et Développement durable » est occupé à réaliser une cartographie, en identifiant les entreprises participant à l’ensemble de la chaine de valeur des métiers du secteur photovoltaïque. La chaine de valeur se compose de 9 maillons, Formation, R&D, composants systèmes, études et consultance, technologies, distribution – installation, contrôle qualité et maintenance, gestion-monitoring et recyclage.

    Sur cette base, une liste de plus de 100 entreprises, universités et centres de recherche, a été établie par TWEED pour identifier leur participation exacte dans le domaine du photovoltaïque.

    Dans cette liste, on retrouve aussi bien de grands groupes fournisseurs de matière première telle que Dow Corning, AGC, Solvay, mais aussi de plus modestes entités telle que Issol (assembleur – plus de 70 personnes), de Simone (fabriquant de systèmes de tracking – 40 emplois), Femagsoft (développeur de logiciels, 15 personnes), Derbigum (intégrateur de cellules solaires dans des membranes étanches, 20 personnes ou plus), Eliosys (laboratoire de testing, 4 personnes),….

    Au niveau de la R&D, on peut considérer que plus d’une vingtaine d’acteurs travaillent dans le secteur solaire PV (5 universités, 20 laboratoires de recherche, 4 à 5 centres de recherches) : ce qui représente une soixantaine de chercheurs en lien avec cette thématique. Des projets ont par ailleurs été labélisés dans le cadre de la politique des pôles, dont un projet de recyclage des matières premières contenues dans les panneaux. Le porteur de ce projet est une entreprise d’économie sociale.

    A ces entreprises, il faut bien entendu ajouter la filière des installateurs qui représente actuellement la grande partie de l’emploi au niveau wallon. Si l’on se réfère, l’EurObserv’er qui en 2010 publie son bilan sur les énergies renouvelables en Europe, on cite pour la Belgique le chiffre de 7 800 emplois directs et indirects générés par l’industrie du photovoltaïque et cela pour un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros. On peut sans trop se tromper dire qu’il y a certainement plus de 1 000 emplois actuellement pour la filière solaire PV wallonne, mais qu’une grande partie de ces emplois sont fortement dépendants de la filière installation.

    Avant de poursuivre, pour clarifier le débat et simplifier le débat, on peut considérer que le secteur photovoltaïque se décline principalement en 3 volets :
    - la production de cellules photovoltaïques
    - l’assemblage de panneaux photovoltaïques
    - la pose de panneaux photovoltaïques

    En Wallonie, nous n’avons pas d’entreprises productrices de cellules photovoltaïques comme l’entreprise allemande Q CELL, certes en faillite et j’y reviendrai. Nous avons une entreprise de taille significative qui assemble ces panneaux. Nous avons, par contre en Wallonie, énormément d’entreprises spécialisées dans la pose de panneaux, avec un emploi important soumis à la conjoncture et à différents aléas financiers dont principalement la politique des certificats verts.

    Ce constat s’explique par une stratégie de développement de la filière photovoltaïque organisé par un soutien à la demande de panneaux photovoltaïques dans un contexte de marché globalisé et non sur une politique de l’offre. Le mécanisme de certificats verts permet effectivement d’octroyer un rendement suffisant et soutenu aux propriétaires de panneaux photovoltaïques.

    Le Business Model des entreprises « poseuses de panneaux » est de financer partiellement ou entièrement l’investissement du particulier ou de l’entreprise dans des panneaux photovoltaïques en échange d’une rétrocession des certificats verts obtenus par le particuliers ou l’entreprise.

    Dès lors, tant que le mécanisme des certificats verts existe, la demande à laquelle fait face l’écrasante majorité de nos entreprises actives dans le secteur photovoltaïque n’est pas prête de diminuer.

    Les raisons qui ont expliqué les faillites en Allemagne sont diverses mais suivent un cheminement logique. Certains pays d’Europe ont subventionné fortement l’achat de panneaux photovoltaïques via différents mécanismes. L’avantage technologique détenu par les pays développés n’étant pas insurmontable dans le cadre de la production, l’augmentation de la demande a boosté la production notamment en Allemagne mais également en Asie.

    La faillite de Q CELL et d’autres entreprises s’explique par un avantage technologique des pays développés de moins en moins existant, d’un soutien, via l’octroi de prêts à faible taux, aux entreprises dans le secteur solaire octroyé par le Gouvernement chinois et une réduction de l’aide du Gouvernement allemand au secteur visé.

    Les entreprises principalement actives en Wallonie ne sont par conséquent pas directement concernées par cette situation car elles se trouvent en aval de la chaîne de production et restent des entreprises de services donc relativement peu concurrencées sur leur marché interne par des entreprises extérieures.

    Protéger l’industrie photovoltaïque en Wallonie semble dès lors aberrant étant donné qu’il n’en existe pas, à l’exception du seul monteur de panneaux et des installateurs, qui par ailleurs développe un concept innovant, en faisant du panneau un élément de construction. Son usine en est un bel exemple.

    Il faudrait, pour examiner l’opportunité d’inciter l’investissement dans de nouvelles unités de production de cellules photovoltaïques, déterminer si des efforts importants dans la qualité et les coûts de production des panneaux sont encore possibles tout en prenant en compte le coût de notre main d’œuvre. Il semble cependant difficile actuellement d’imaginer qu’une telle option soit réaliste.

    Il semble clair aussi que continuer à subsidier ces secteurs en soutenant « la consommation » de panneaux ne s’est pas avéré payant pour développer des industries locales de production dans ces domaines.

    Ainsi, soit nous poursuivons un système similaire en mettant en place des systèmes de protection de nos industries en violation probable des règles de l’OMC s’imposant à l’Union européenne et à ses membres, soit nous établissons au niveau européen des programmes d’investissements dans l’énergie afin d’augmenter l’efficacité des filières énergétiques actuelles et de réduire leur impact environnemental.

    Il est du rôle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) de vérifier si les règles du commerce international sont correctement appliquées par les Etats membres. La Chine, comme rappelé précédemment, favoriserait ses entreprises au travers de prêts à des taux favorables, ce qui ne semble pas être du ressort de l’O.M.C. En effet, les règles du commerce international s’appliquent davantage aux problématiques de quota d’importation ou d’exportation, de droits de douanes ou règles ayant un effet équivalent ou encore de taxation plus avantageuse pour les produits locaux.

    Il faudrait dès lors au niveau européen être attentif davantage au développement de ces filières industrielles adaptées à notre environnement et à notre tissu économique qu’à exiger de l’Europe des représailles par rapport à la Chine qui, même si elles sont justifiées, pourraient ne pas être opportunes au niveau économique et légitimes au niveau juridique.

    Le Cluster TWEED, poursuit l’objectif, au-delà de la réalisation de sa cartographie, de cibler les opportunités du savoir-faire wallon par rapport aux besoins du secteur et aux défis en matière d'innovation technologique ainsi que de stimuler la mise en place de projets d'investissement et de R&D. La validation de projets de pôles de compétitivité témoigne de cette dynamique d’innovation.