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Les antidépresseurs

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 164 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 05/07/2012
    • de DODRIMONT Philippe
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances

    On savait déjà que les antidépresseurs étaient consommés en trop grand nombre. Une étude récente démontre qu’ils sont mal administrés. En effet, la posologie correcte des antidépresseurs s’étale sur une période d’au moins 6 mois pour obtenir les meilleurs effets. Or bon nombre de personnes concernées arrête le traitement après seulement un mois.

    Bien que cette compétence touche davantage au Fédéral qu’aux Régions, Madame la Ministre peut-elle me dire qu’elles sont les actions établies afin de remédier à ce constat en Wallonie ? Quelle est la situation dans les maisons de repos ?

    Aussi, ne pourrait-on pas réfléchir à promouvoir des solutions alternatives aux antidépresseurs qui concourent à la prise croissante de produits pour « se sentir bien » ?
  • Réponse du 24/07/2012
    • de SADAUNE Alain, TILLIEUX Eliane

    La question que l'honorable Membre évoque ne peut être réduite au constat que les personnes prennent le médicament de manière inefficace et que la solution est d’augmenter la durée de prise de ces médicaments.

    Quand on discute de la prise d’antidépresseurs, surtout en lien avec la durée, il faut sans doute distinguer les troubles dépressifs majeurs des tableaux dépressifs plus vagues, parfois réactionnels à un événement. Il n’est pas sûr que tout arrêt prématuré des antidépresseurs ne soit pas, finalement, une réaction saine.

    Parmi les raisons possibles d’arrêt précoce, notons :
    - les mauvaises indications : il ne s’agit pas vraiment d’une dépression, la cause de la dépression et son mécanisme sont différents de celui qu’on pensait , le médicament n’est pas celui qui convenait ;
    - le découragement suite à un sentiment d’inefficacité (manque d’accompagnement concomitant) ;
    - les effets secondaires ;
    - le détournement de l’indication comme le prozac pour maigrir, un autre pour les maux de têtes, pour résoudre des problèmes d’anxiété par manque de moyens d’acheter des anxiolytiques non remboursés au contraire des antidépresseurs par exemple ;
    - les problèmes d’accès aux thérapies non médicamenteuses : alors que les personnes âgées sont les plus nombreuses à consommer des antidépresseurs, elles sont de loin les moins nombreuses à avoir vu un psychothérapeute en cas de symptôme dépressif.

    L’étude effectuée par la mutualité socialiste à laquelle vous faites allusion dans votre question a montré qu’entre 2002 et 2010, la délivrance des antidépresseurs a augmenté (+57,6%).

    Le nombre de DDD (defined daily dose) délivrées est passé de 52 millions de doses en 2002 à 82 millions de doses en 2010. Mais les trois quarts de cette augmentation s’expliquent davantage par une augmentation de la quantité moyenne délivrée par patient (+42,3%).

    Le nombre de patients débutant un nouveau traitement par antidépresseurs est globalement stable : il est passé de 121 737 en 2004 à 117 826 en 2008. Plus d’un patient sur deux initiant un traitement ne s’est vu prescrire qu’une seule boîte, soit généralement un mois de traitement. Or, un traitement de minimum 6 mois est recommandé pour le traitement d’un épisode aigu de dépression. Cette forte proportion de prescription unique, stable dans le temps, pose question : s’agit-il d’abandon de traitement par des patients qui ne le supportent pas ou de prescriptions en dehors des indications ?

    En dehors des « prescriptions uniques », on observe une augmentation sensible de la durée de traitement. La durée médiane de traitement est passée de 168 jours pour les patients ayant initié un traitement en 2004 à 201 jours pour ceux dont le traitement a débuté en 2008, soit une augmentation de 19,6%. Par ailleurs, la probabilité de poursuivre le traitement plus longtemps a également augmenté : après 6 mois de traitement, 55% des traitements étaient poursuivis en 2008 contre 48,9% en 2004.

    Les patients respectent mieux la posologie par rapport à l’étude précédente. Toutefois, seul un patient sur deux (53,2%) a une bonne adhérence au traitement (le rapport entre le nombre de jours de traitement prescrit et la durée du traitement attendue dépasse 80%).

    Suite à ces constats, la Mutualité préconise une concertation avec les médecins prescripteurs pour mettre en place les outils indispensables pour répondre aux questions et améliorer la qualité du traitement médicamenteux de la dépression.
    Cet aspect relève toutefois du Fédéral.

    L’augmentation de consommation ne touche pas seulement les antidépresseurs mais concerne aussi les somnifères, ou les calmants, de même que les antipsychotiques et les stimulants.

    Différentes études ont démontré que la consommation d’antidépresseurs dans les établissements d’accueil pour personnes âgées est particulièrement élevée.  Les causes directes en sont la prescription par les médecins, souvent suite à une demande du personnel des maisons de repos face à des états de dépression des personnes âgées dans ces lieux, dont les manifestations peuvent être variables. Pour beaucoup de personnes âgées, le départ de leur domicile vers la maison de repos signe la fin de toute perspective d’avenir et, souvent, une rupture de facto avec le milieu de vie.

    Ce problème de surconsommation de médicaments - dont les psychotropes - en maisons de repos est repris comme priorité dans la note de politique générale approuvée par la Chambre le 20 décembre 2011.

    Le Conseil national des établissements hospitaliers a remis, en date du 9 février 2012, un avis relatif à la modification de l’arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour l’agrément spécial comme maison de repos et de soins concernant la fonction de médecin coordinateur et de conseiller en maison de repos et de soins. Il y est prévu de renforcer le rôle du médecin coordinateur précisément dans le but de parvenir à une approche plus qualitative, en matière de consommation de médicaments, de soins palliatifs, de démence et de dépression, de rééducation, de planification et de coordination de soins (en collaboration avec les autres dispensateurs de soins dans le réseau), d’hygiène et de prévention. Il est aussi préconisé de désigner un médecin coordinateur dans les maisons de repos et plus seulement dans les maisons de repos et de soins comme c’est le cas aujourd’hui. 

    En 2010, la ministre Onkelinx a organisé une table ronde sur cette thématique avec des représentants scientifiques et des syndicats de médecins généralistes. En juillet de l’année dernière, le Conseil supérieur de la Santé a aussi rendu deux avis pertinents. Le Gouvernement fédéral s’est engagé, dans son accord gouvernemental, à lutter contre la consommation excessive de psychotropes en sensibilisant, entre autres, les acteurs de santé.

    La création d’une plateforme scientifique « psychotropes » est reprise dans la note de politique générale de la ministre Onkelinx. Cette plate-forme a reçu la mission de réaliser une réglementation pour les prescriptions excessives de ces médicaments. Cette plateforme comprendra un comité de coordination et des groupes de travail.

    Le comité de coordination est composé d’experts scientifiques et de membres du SPF SPSCAE, de l’INAMI et de l’AFMPS. Il a pour missions principales de réaliser et de surveiller le cadre global, les objectifs et le planning des actions. L’initiative de la ministre fédérale a été approuvée lors de la CIM du 18 juin 2012. Le Gouvernement fédéral informera régulièrement la CIM Santé publique sur l’état des lieux de cette plate-forme.

    Enfin, dans le cadre de mes compétences, je soutiens diverses initiatives ambulatoires qui permettent un soutien non médicamenteux à ces « troubles de l’humeur ». Je pense notamment aux services de santé mentale dont certains disposent d’initiatives spécifiques pour les personnes âgées. Par ailleurs, en promouvant depuis 2011 une « semaine antistress », mon département contribue à une sensibilisation de la population aux risques que fait peser notre mode de vie actuel sur la santé mentale.