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L'impact de Bâle III sur les entreprises

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 256 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 27/07/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    Une des normes de Bâle III est d'encadrer les risques engagés par les banques.

    La crise financière de 2008 a fait apparaître l’insuffisance du système et a forcé Bâle III.

    Cette réglementation devrait garantir un minimum de stabilité au secteur des finances. Mais ceci a un coût du fait que les banques doivent augmenter leurs fonds propres. Ce qui est de nature à diminuer la masse du capital disponible pour l’emprunt et – au bout de la chaine – pour l’investissement.

    Soit la banque augmente ses marges sur le produit qu’elle vend, soit elle durcit les exigences en termes de liquidité et hausse les coûts du crédit – ce qui à son tour pèse sur la capacité de l’entreprise de s’approvisionner en capital d’investissement.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de la situation ? Quel est, selon lui, l’impact de Bâle III sur les entreprises ? Comment faire face au problème qui risque de freiner la reprise économique ?
  • Réponse du 06/09/2012
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Pour rappel, les normes « Bâle III » prévoient un volume de fonds propres et de quasi-fonds propres par rapport aux actifs de 8% accompagné d’un fonds de réserve de 2,5% et d’un fonds optionnel anticyclique pouvant aller jusqu’à 2,5%.

    L’objectif du passage de Bâle II à Bâle III est de s’assurer que les contribuables ne seront plus appelés à secourir les banques mais que la mise des actionnaires soit suffisante pour supporter le choc qui peut être conjoncturel ou systémique.

    Via ces nouvelles exigences de fonds propres, le nouveau système conduit à responsabiliser davantage les investisseurs avec pour objectif la mise en œuvre d’une politique plus prudente.

    Bâle II affichait le même objectif notamment via l’introduction d’une réforme visant à pondérer les actifs d’une banque, servant de référence par rapport au volume requis de fonds propres, en fonction de la qualité de débiteur à qui la banque prête.

    Ainsi, déjà avant la crise de subprimes, les banques, via Bâle II, étaient déjà été incitées à mettre en œuvre une politique prudente de crédit par une prise de risque moindre. Cependant, la crise bancaire est survenue et ce n’est pas l’octroi de prêt à des débiteurs « à risque » au sens de Bâle II qui en est la cause.

    En effet, la crise financière est apparue suite à une complexification du système rendant extrêmement difficile la traçabilité de différents titres autorisant ainsi une certaine déresponsabilisation des organismes à l’origine de la titrisation de prêts immobiliers de pauvre qualité et pourtant considérer comme relativement solides par les normes « Bâle II » grâce à l’hypothèque existante.

    En outre, on peut s’interroger sur la pertinence d’exiger plus de fonds propres pour des prêts dits « plus risqués » car les banques appliquent déjà dans de tels cas un taux d’intérêt élevé et un niveau de garantie important leur permettant de dissuader la mise en œuvre de certains projets très limite au niveau rentabilité et de s’assurer un recouvrement partiel significatif.

    Toutefois, il faut noter certaines améliorations. Les produits dérivés et les risques qu’ils impliquent sont légèrement mieux pris en compte notamment en ce qui concerne les fonds propres à établir en contrepartie de leur acquisition. Une incitation à la transparence dans ce secteur est aussi proposée. Un ratio visant à déterminer la solidité du financement est également mis en place et il vise à favoriser les sources de financement à long terme des banques permettant d’éviter l’octroi de crédit excessif basé sur du financement court terme. Et, il y a finalement la proposition d’une mise en place d’une sorte de fonds de réserve en période économique favorable en prévision du futur.

    Cependant, l’assainissement du secteur bancaire et de son fonctionnement ne pourra se faire que via les normes « Bâle » mais devra également passer par des interventions législatives aux niveaux européen et mondial en particulier concernant la réglementation des produits dérivés. De telles interventions ne semblent malheureusement pas à l’ordre du jour.

    L’impact de « Bâle III » pour notre économie ne sera pas neutre. S’il est important de s’assurer que les actionnaires assument les défaillances de leur entreprise et d’avoir, pour le bon fonctionnement de notre économie, des banques financièrement saines, la mise en œuvre de Bâle III devrait, à politique inchangée, impliquer des conséquences négatives sur notre production annuelle. En effet, les fonds propres exigeant une rentabilité supérieure que les prêts, si la proportion des fonds propres dans le passif doit augmenter, les profits devront être plus importants qu’à l’heure actuelle. Les taux de crédits devraient augmenter et les exigences de couverture également. Avec des taux de la BCE actuellement très bas, il faut s’attendre à une hausse des coûts de financement pour nos entreprises.

    Ayant recours davantage au financement bancaire que ses homologues américaines ou japonaises, les entreprises européennes devraient souffrir plus du passage à Bâle III. Une étude de l’OCDE réalisée en 2011 « Macroeconomic Impact of Basel III » estime les conséquences pour le PIB à une baisse annuelle de -0.23 point de pourcentage. Il faut cependant avoir à l’esprit que la transition vers « Bâle III » est progressive et ne sera définitive qu’en 2019.

    Les contraintes que fait reposer « Bâle III » sur la politique des banques semblent empêcher celles-ci d’entreprendre une politique de crédit considérée comme plus risquée mais pouvant être compensée notamment par une connaissance approfondie du terrain et un accompagnement poussé des dossiers. Cette impression de restriction des marges de manœuvre des banques se manifeste également dans la proposition de « Bâle III » visant à favoriser, dans le cadre de l’anticipation comptable des pertes sur actifs, la méthode dite de l’ « Expected loss » impliquant une intégration dans les comptes d’un niveau de perte déterminé par rapport au type d’actifs détenus par la banque et de leur probabilité de faire l’objet d’une défaillance.

    Cette approche serait préférée à la méthode actuellement utilisée dite de l’ « incurred loss » exigeant avant comptabilisation d’une perte la survenance d’un élément déclencheur permettant d’anticiper raisonnablement une perte future.

    Devant l’imposition de ces règles, des modes alternatifs de financements devraient être favorisés afin de compenser la diminution à venir de l’importance du financement bancaire. Une mobilisation plus efficace et efficiente des fonds publics au profit des entreprises doit dès lors rester un objectif perpétuel du gouvernement wallon. La réforme des lois d’expansion économique va d’ailleurs dans ce sens. Une mobilisation des fonds privés en vue d’un financement du monde économique doit également être favorisée par le monde politique. C’est dans ce contexte que la Caisse d’Investissement wallonne a été mise en place. Le Gouvernement a d’ailleurs proposé au fédéral, dans le cadre de son place de relance, l’incitation à la mobilisation de l’épargne privé au profit de notre économie.