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La question de savoir s'il faut encore activer l'article 139 de la Constitution

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 140 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 20/08/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    L’article 139 de la Constitution stipule que « sur proposition de leurs gouvernements respectifs, le Conseil de la Communauté germanophone et le Conseil de la Région wallonne peuvent, chacun par décret, décider d’un commun accord que le Conseil et le Gouvernement de la Communauté germanophone exercent, dans la région de langue allemande, en tout ou en partie, des compétences de la Région wallonne. Ces compétences sont exercées, selon le cas, par voie de décrets, d’arrêtés ou de règlements. »

    Le débat qui a eu lieu au Parlement de la Communauté germanophone après que les deux Gouvernements wallon et germanophone se sont séparés sans résultat en matière de transfert d’exercice de compétences relatif à l’emploi, le logement, l’aménagement de territoire, les pouvoirs locaux ou le tourisme, a fait apparaitre au niveau du Parlement germanophone des inquiétudes concernant l’applicabilité pratique dudit article 139 de la Constitution. Le Gouvernement germanophone adoptant une position en vertu de laquelle il faudra approfondir les discussions actuelles, s’est vu face à des propos de nature un peu plus radicale.

    Le Gouvernement germanophone avait adopté une position comparable à celle de Monsieur le Ministre-Président lorsqu'il répondait aux questions d’actualité en séance plénière du Parlement wallon. Je comprends et j’appuie la position ouverte de Monsieur le Ministre-Président au dialogue et au compromis à trouver entre les deux entités. Espérons qu’une certaine radicalisation ne va pas compliquer la situation à un point tel que le dialogue se transforme en conflit – ce qui pourrait arranger certains de part et d’autres dans la mesure où ce serait la démonstration d’un échec sur le plan des relations politiques entre les deux entités. Œuvrons que la presse, particulièrement réceptive à tout signe de tension entre Eupen et Namur, ne soit pas nourrie par des positions qui se radicalisent.

    Admettons aussi que la discussion avancera d’autant plus difficilement que le résultat des discussions d’un transfert de compétences fédérales vers les régions et communautés n’a pas abouti. Mais œuvrons aussi pour que cet argument ne devienne pas un prétexte pour certains de tirer la chose en longueur.

    Puis-je donc demander au Ministre-Président de nous informer quant au calendrier précis des travaux en la matière ? La réponse à cette question infirmera les thèses de ceux qui mettent en doute l’applicabilité de l’article 139 de notre Constitution.
  • Réponse du 10/09/2012
    • de DEMOTTE Rudy

    La réponse à la question de l’« applicabilité pratique » de l’article 139 de la Constitution se trouve, sans ambigüité, dans notre histoire institutionnelle. A plusieurs reprises, en 1994 (monuments et sites), en 2000 (emploi et fouilles) et en 2005 (financement général des communes, organisation et exercice de la tutelle administrative sur les communes et les zones de police, fabriques d'église, funérailles et sépultures), la démonstration a été faite que ce mécanisme fonctionne.

    Ceci posé, il serait peu sensé de prétendre qu’il s’agit d’un mécanisme technique ou à vocation automatique. Les questions auxquelles il permet d’apporter une réponse sont des questions éminemment importantes, relatives à l’architecture même de notre Etat. Il s’agit de choix politiques forts et de débats institutionnels, avec tout ce que cela implique.

    A d’autres niveaux, les derniers transferts de compétences du fédéral vers les entités fédérées remontent à 2001 et la dernière utilisation de l’article 138 de la Constitution, de la Communauté française vers la Région wallonne et la Cocof, remonte à 1993. La sixième réforme de l’Etat, aujourd’hui à l’œuvre, montre que le processus de négociation institutionnelle peut encore aboutir, tout comme rien n’exclut une nouvelle utilisation de l’article 138, dans la foulée de la réforme fédérale. Quelles que soient les entités concernées, ces transferts ne constituent jamais une opération banale ou mécanique.

    Les matières envisagées dans le cadre des discussions menées au sein du groupe de travail mixte puis entre les gouvernements wallon et germanophone tourisme, pouvoirs locaux, emploi, logement, aménagement du territoire ‑, sont loin de porter sur des éléments anecdotiques. Elles ont un impact direct et important tant sur les citoyens que sur le développement socio-économique. Que l’analyse de ces questions implique du temps et des négociations franches et approfondies n’a rien de surprenant ou d’inexplicable.

    La volonté d’aboutir dans le domaine institutionnel semble souvent hésiter entre deux options : la négociation ou le conflit. Ceux qui connaissent notre histoire savent laquelle de ces voies conduit aux avancées institutionnelles, au terme d’un parcours qui n’est jamais un long fleuve tranquille.

    Il convient aussi de garder à l’esprit que le but poursuivi lors de la création du mécanisme de l’article 139, comme de l’article 138, était de retirer ces questions, déjà sensibles par elles-mêmes, des grandes négociations institutionnelles fédérales, pour les confier aux seules parties concernées : Wallons et germanophones dans le premier cas, Wallons et Bruxellois francophones dans le second.

    A défaut de cette voie, c’est celle de la réforme fédérale de l’Etat qui prévaut, étendue à toutes les formations politiques et toutes les entités du pays, même non directement impliquées. A la lumière de la situation qui prévalait au niveau fédéral avant l’accord institutionnel de 2011, il appartient donc à chacun d’apprécier si elle constitue la solution la plus facile et la plus rapide.

    Il importe également de souligner que les négociations menées aux niveaux wallon et germanophone n’ont pas été « sans résultat ». Au-delà de l’accord précis sur un re-transfert immédiat du tourisme, elles ont permis d’analyser de manière sérieuse les différentes demandes et d’obtenir leur précision, dans la perspective d’une poursuite de la réflexion et des discussions.

    S’agissant de celles-ci, la décision des gouvernements prise lors de leur rencontre est de rechercher une position commune qui puisse être présentée lors de la prochaine réunion conjointe des deux exécutifs, qui sera organisée durant la première moitié de l’année 2013.