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Les clauses sociales, environnementales et éthiques dans les marchés publics régionaux

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 5 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 21/09/2012
    • de TROTTA Graziana
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    La Déclaration de politique régionale indique que « le Gouvernement veut, via un dispositif juridique approprié, insérer systématiquement dans les marchés publics régionaux, des clauses environnementales, sociales et éthiques, et encourager l’utilisation de matériaux, produits et techniques dont l’empreinte écologique est la plus limitée. Il encouragera les pouvoirs locaux à faire de même ».

    En matière de clauses environnementales, sociales et éthiques, la Cour européenne de Justice a récemment statué sur un litige qui opposait la province de Hollande septentrionale à la Commission européenne. En octobre 2009, celle-ci avait assigné cette province parce qu'elle avait ouvert un marché public pour trouver un prestataire en matière de distributeurs automatiques de café pour ses bâtiments publics en y faisant référence au commerce équitable et à l'éco-label comme critères d'attribution.

    Fin janvier dernier, la Commission européenne publiait d'ailleurs un guide d'interprétation de la législation européenne sur les aspects sociaux des marchés publics, en y insistant sur le fait que, selon elle, ces considérations ne pouvaient pas être utilisées par les adjudicateurs pour mettre en concurrence différentes entreprises. C'est cette interprétation que la Cour européenne de Justice vient de démentir.

    Dans son arrêt du 10 mai dernier, la Cour indique notamment qu'aux termes de l'article 26 de la directive 2004/18 (directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services), « les conditions dans lesquelles un marché est exécuté peuvent notamment viser des considérations d’ordre social ». Par ailleurs, toujours selon cette directive, les critères d'attribution peuvent être non seulement économiques, « mais également qualitatifs », et notamment environnementaux (article 53, explicité par le 46ème considérant de celle-ci). En outre, « un pouvoir adjudicateur peut utiliser des critères visant à la satisfaction d’exigences sociales répondant notamment aux besoins définis dans les spécifications du marché propres à des catégories de population particulièrement défavorisées auxquelles appartiennent les bénéficiaires/utilisateurs des travaux, fournitures, services faisant l’objet du marché. Il y a dès lors lieu d’admettre que les pouvoirs adjudicateurs sont également autorisés à choisir des critères d’attribution fondés sur des considérations d’ordre social, lesquelles peuvent concerner les utilisateurs ou les bénéficiaires des travaux, des fournitures ou des services faisant l’objet du marché, mais également d’autres personnes ».

    Il s'agit d'un élément fondamental en matière de marchés publics, élément dont devraient bénéficier de nombreux acteurs de l'économie sociale tenus à l'écart d'importants marchés.

    Eu égard à ce qui précède, Monsieur le Ministre peut-il me faire part des mesures prises pour systématiser les clauses sociales, environnementales et éthiques dans les marchés publics régionaux ?
  • Réponse du 15/10/2012
    • de NOLLET Jean-Marc

    En 2009, le Gouvernement wallon adoptait, pour la période 2009-2014, le Plan Marshall 2.vert, lequel intègre des orientations nouvelles, dont la promotion du développement durable à travers l’ensemble des politiques publiques régionales.

    L’insertion de clauses sociales, environnementales et éthiques dans les marchés publics régionaux est l’une des mesures incarnant cette orientation nouvelle. Le Plan Marshall 2.vert précise qu’il convient d’« insérer systématiquement des clauses environnementales, sociales et éthiques dans les marchés publics régionaux et encourager l’utilisation de matériaux, produits et techniques dont l’empreinte écologique est la plus limitée. Les pouvoirs locaux seront invités à faire de même ».

    Le Plan Marshall 2.vert porte également une mesure plus générale : la mise en place d’une politique d’achats durables au sein du Service public de Wallonie (SPW) et des Organismes d’Intérêt public (OIP).

    Par ailleurs, un nombre de plus en plus important d’acteurs, tant à l’étranger que dans notre pays, reconnaissent à la démarche de « verdurisation des achats publics » ou d’ « achats publics responsables » un rôle primordial dans la transition de nos sociétés vers le développement durable, étant donné le rôle exemplatif de l’acteur public et le volume de ses achats, susceptibles d’impacter notablement le PIB national ou régional ou, du moins, de contribuer à l’émergence de nouveaux comportements de vente et d’achat dans certains secteurs ou segments de marché.

    En 2010, le Secrétariat général du Service Public de Wallonie s’est inscrit dans cette dynamique en créant un groupe de travail transversal « développement durable » chargé d’élaborer et de mettre à jour un plan de développement durable.

    L’opérationnalisation des actions posées dans le plan est confiée à différents groupes transversaux thématiques internes au SPW (mobilité, gestion environnementale, clauses et achats durables…). Un de ces groupes thématiques consacre ses travaux à l’insertion de clauses sociales, environnementales et éthiques dans les marchés publics et à la mise en place d’une politique d’achats durable, travaux auxquels mon cabinet est associé.

    Après une première formulation plus aboutie de ces objectifs, le groupe thématique a travaillé à l’élaboration des actions nécessaires à mener en vue de l’atteinte de ces objectifs. Pour ce faire, le sous-groupe a élaboré un plan d’action comportant neuf axes stratégiques (clarification du cadre réglementaire, recueil des bonnes pratiques, sensibilisation/formation des acheteurs, etc.).

    En vue de lancer la mise en œuvre de ce plan d’action, la DGO3, qui pilote le groupe thématique, a lancé fin 2011 un marché public au bénéfice de toutes les DG du SPW, en vue de s’adjoindre les services d’un prestataire chargé des missions opérationnelles suivantes  :
    - assistance à la rédaction et à la mise en œuvre (analyse des offres, notamment) de clauses ESE (« Helpdesk ») ;
    - contribution à la construction et à l’enrichissement d’une base de clauses de référence et autres documents utiles (« Toolbox ») ;
    - mise à disposition d’indicateurs ou de méthodes (par ex. : Life Cycle Cost) permettant de jauger les achats sous l’angle de la durabilité et test éventuel dans quelques cahiers des charges pilotes ;
    - organisation et dispense de formation sur les marchés publics durables ;
    - exploration des freins et des opportunités en vue de créer un tableau de bord dynamique ;
    - conseil sur l’affinage et la mise en œuvre du plan d’action du sous-groupe.

    La mission d’accompagnement a commencé le 1er janvier 2012 et s’étale sur une période de deux ans. Les premières actions ont été mises en place :
    - clarification du cadre juridique : un document intitulé « Note de cadrage juridique à l’attention des praticiens des MP du SPW » est actuellement soumis à la Commission wallonne des marchés publics ;
    -les formations ont démarré le 4 juin 2012 ;
    - une première analyse des outils existants pour passer les marchés (checklistes, logiciel de dématérialisation,…) a été réalisée : ceux-ci permettent, moyennant quelques aménagements, d’orienter systématiquement les acheteurs vers une réflexion sur l’opportunité d’insérer des clauses environnementales, sociales et éthiques dans les marchés publics. Ils permettent également de tracer l’insertion de ces clauses.
    - un manuel de recommandations a été élaboré afin d’aider les acheteurs du SPW à intégrer les exigences et perspectives du DD dans les CSC.

    La clarification du cadre juridique occupe une place clef dans le processus qui mène à une généralisation de l’insertion des clauses environnementales, sociales et éthiques. La complexité de la matière, la discordance des discours, ainsi que l’évolution de la jurisprudence telle que celle que l'honorable membre évoque au niveau européen peut en effet être source de freins et d’incertitudes. En clarifier, et à certains égards, en simplifier les termes -et ce, pour tous les types et tous les stades de passation de marchés- constitue un défi, qu’il faut pouvoir relever le plus rapidement possible aujourd’hui, mai, surtout, continuer à relever demain ; il y a là un processus de mise à jour constante à installer, et le groupe thématique du SPW, de conserve avec les autres DG concernées, y travaille d’arrache-pied.

    Par ailleurs, le Service public de Wallonie a lancé fin 2011 un marché public de services en vue de faciliter l’émergence d’une politique d’achats durables en Wallonie. Quelque part, si l’on considère que l’insertion des clauses environnementales, sociales et éthiques est le versant technique des marchés publics durables, l’élaboration d’une politique correspond au versant stratégique. L’objectif est en effet ici d’aborder des questions plus fondamentales : que signifie acheter durable, quels sont les produits et services à privilégier et ceux réellement disponibles, quel dialogue mettre en place avec les fournisseurs de la commande publique, comment faciliter les démarches des pouvoirs adjudicateurs régionaux (SPW, OIP et pouvoirs locaux), etc. ?

    Le marché, d’une durée d’1 an, a démarré en janvier 2012. Un groupe de réflexion a été mis en place, associant des acheteurs du SPW, des OIP impliqués dans une démarche de développement durable (Forem et IWEPS), des villes et communes de Wallonie de taille différente (Mons, Ottignies-LLN, Anthisnes) et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

    Enfin, très concrètement, pour les marchés relatifs à la gestion mobilière et immobilière du SPW qui relèvent de mes compétences, l’application de clauses environnementales est déjà effective.
    Par exemple :
    - il est systématiquement demandé aux entreprises soumissionnaires des marchés d’entretien sanitaire d’exclure les produits nocifs pour l’exécution de leurs travaux de nettoyage. De même, les prestataires doivent faire la preuve d’une certification EMAS ou ISO 14.001 et dispenser des formations à l’usage environnemental des produits. Enfin, les produits écolabellisés sont systématiquement préférés aux autres.
    - Les marchés pour la fourniture de produits d’entretien imposent d’utiliser des produits écologiques, sur base d’une liste établie en collaboration avec le réseau « Ecoconso ».
    - Le nouveau marché de fourniture d’énergie électrique 2011-2013 du SPW impose électricité 100 % verte pour l’ensemble de nos bâtiments.
    - Le marché public des véhicules de service intègre l’écoscore comme critère d’attribution du marché.
    - Les marchés de fournitures de bureau (consommables et machines) intègrent des critères donnant priorité au développement durable et prennent en compte la réglementation REACH.
    - Les cafétérias du SPW proposent majoritairement des produits régionaux ou issus du commerce équitable.

    Il y a donc, dans ces actions, les ferments d’une amplification de l’insertion systématique de clauses « durables » dans les marchés publics régionaux, évoluant concrètement vers une commande publique wallonne plus durable, et il s’agira d’évaluer, dans les mois à venir, comment capitaliser sur les travaux du groupe thématique du SPW pour encourager la réflexion et le passage à l’action de l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs locaux. On notera à cet égard que ces derniers peuvent déjà venir se conventionner, dans une logique de centrale de marchés, sur les marchés négociés par le SPW, et donc amplifier les effets des clauses environnementales, sociales et éthiques qui y figurent.

    Enfin, le dialogue avec les secteurs de l’offre en Wallonie, dont l’économie sociale, est indispensable en vue de ne pas outrepasser les capacités d’adaptation de ceux-ci dans l’évolution des exigences posées dans les marchés publics.