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Le biogaz et la notion d'utilité publique

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 111 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 31/10/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    L'article 127 du CWATUPE permet au fonctionnaire délégué de déroger au plan de secteur s'il s'agit d'accorder un permis pour des travaux d'utilité publique.

    L'appréciation de la notion d'utilité publique se fait au cas par cas. Il semble que l'on fasse référence à des notions comme la satisfaction d'un besoin social, la promotion de l'intérêt général, la mise à disposition du public et le but poursuivi qui n'est pas essentiellement lucratif. Reste que pour la production de biogaz en zone agricole, toute demande de permis est appréciée au cas par cas. Même si une jurisprudence administrative s'est établie au fil du temps, essayant de standardiser l'appréciation ainsi donnée, deux dossiers similaires pourraient être traités de façon différente.

    Edora, conscient de ce problème, demande donc en toute logique que la nature des actes et travaux d'utilité publique visés à l'article 127, §1er, 2° ne soit plus appréciée au cas par cas pour ce qui concerne la production de biogaz (sur base des effluents d'élevage) mais qu'une reconnaissance formelle du caractère d'utilité publique soit établie pour tout projet de production de biogaz.

    Edora justifie sa demande par le besoin social (indépendance énergétique, valorisation de ressources locales, production de chaleur à usage local, création d'emplois locaux), l'intérêt général (énergies renouvelables, impact positif sur les émissions de GES et olfactives, valorisation de déchets, meilleure gestion d'azote, implantation dans des zones reculées par rapport à l'habitat, complémentarité entre les activités agricoles et énergétique) et par le but qui n'est pas spéculatif.

    Edora propose donc d'ajouter à l'article 274bis un point f à l'alinéa 2 suivant : «d'installations de production et de distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'eau chaude à partir de biomasse».

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre dans ce débat ? Une révision de l'article 274bis aura-t-elle lieu, avant ou au moment de la réforme du CWATUPE ?
  • Réponse du 10/01/2013
    • de HENRY Philippe

    L'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, du CWATUPE vise « les actes et travaux d'utilité publique ». L'article 127, § 1er, alinéa 1er, 7°, du même Code vise, quant à lui, «  es constructions et équipements de service public ou communautaires ».

    Il s'agit des deux hypothèses de l'article 127, § 1er, qui sont susceptibles de s'appliquer en l'espèce.

    La liste des actes et travaux d'utilité publique concernés par l'article 127, § 1er, 2°, est inscrite à l'article 274bis du Code. Elle vise, entres autres :
    * L'installation ou la modification de réseaux de transport ou de distribution d'électricité ;
    * La construction ou l'agrandissement de centrales destinées à la production d'électricité ;
    * L'installation ou la modification d'établissements de gestion de déchets.

    Une unité de cogénération et de production de biocombustibles entre donc, a priori, dans la liste des actes et travaux d'utilité publique visés par l'article 274bis.

    Le Conseil d'État estime cependant que le seul fait que les travaux autorisés par le permis d'urbanisme attaqué soient repris à la liste de l'article 274bis du Code, ne signifie pas qu'ils revêtent d'office un caractère d'utilité publique (C.E., n- 119 .127 du 8 mai 2003, S.A. BEMA).

    Il appartient donc à l'autorité de vérifier si, concrètement et en l'espèce, les actes pour lesquels un permis est sollicité peuvent être reconnus comme ayant ce caractère. Dans le contrôle de la motivation de ce caractère d'utilité, se montre, au demeurant, assez strict. Du reste, il ne s'agit donc pas « d'apprécier la notion d'utilité au cas par cas » comme le soutient l'honorable membre, mais bien d'apprécier, au cas par cas, si le projet relève bien de ce concept.

    Ainsi, dans l'arrêt précité, le Conseil d'État a-t-il estimé qu' « en l'espèce, l'arrêté attaqué déclare d'utilité publique l'établissement des installations de transport d'oxygène gazeux par canalisations sur le fonds de la requérante au profit des usines Owens Corning à Herve; qu'il s'agit là de la satisfaction d'un intérêt exclusivement privé, qui ne peut être d'utilité publique que s'il est démontré que l'approvisionnement de ces usines sert l'intérêt général.

    L'article 127, § 1er, 7°, du CWATUPE vise les « constructions et équipements de service public ou communautaires » et ne recouvre pas nécessairement les mêmes hypothèses que les « actes et travaux d'utilité publique.

    Il est généralement admis que l'hypothèse de « constructions et équipements de service public ou communautaires » nécessite la démonstration, d'une part, de l'accessibilité à tous à des conditions raisonnables et, d'autre part, de son but non essentiellement lucratif.

    Un arrêt du Conseil d'État est récemment venu nuancer ces exigences à propos d'un projet éolien. Ainsi, dans son arrêt du 17 mars 2011, n° 212.101, PETRE et consorts, la haute juridiction administrative a-t-elle déduit, au départ d'un examen des travaux préparatoires du décret du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative, la volonté du législateur d'étendre l'application de la disposition au-delà des nécessités du service public et de l'utilisation communautaire dans leur acception stricte en ne censurant pas la motivation d'un permis qui a considéré qu’« en marge de l'hypothèse où les éoliennes produisant de l'électricité destinée à alimenter le réseau de transport ou de distribution constituent stricto sensu des équipements communautaires ou de services publics, la production d'électricité verte à partir de l'énergie éolienne peut, de manière générale, être considérée comme une activité d'utilité publique ou d'intérêt général, au sens des articles 1er, § 1er, et 28 du CWATUPE, à condition que les éoliennes soient raccordées au réseau de transport ou de distribution d'électricité.

    Cette jurisprudence peut sans doute être transposée pour la production d'électricité au départ d'une unité de biométhanisation raccordée au réseau de transport ou de distribution d'électricité. Aller plus loin, comme ce serait le cas, pour la production de biogaz, confine en revanche à l'aléatoire.

    C'est pourquoi, le groupe de travail mis en place afin de lever les obstacles administratifs de la cellule biomasse a proposé, que la portée de l'article 127 soit modifiée en érigeant explicitement en services publics les projets que le gouvernement retiendrait comme participant à la mise en œuvre de ses engagements en matière d'énergies renouvelables. Cette piste, qui est à l'examen au sein de mon cabinet, me semble, en tout état de cause, préférable à une modification de l'article 274bis du Code puisqu'elle offrirait l'avantage de ne pas devoir justifier, au cas par cas et in concreto, que le projet sert l'intérêt général. Cette justification serait ainsi établie, a priori, lors de l'établissement de la liste que le gouvernement serait habilité à établir au regard, notamment de la politique menée par l'Union européenne et des engagements souscrits par la Région wallonne en matière d'énergie et de lutte contre les changements climatiques.