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L’impasse dans la négociation du plan social chez ArcelorMittal à Liège

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 47 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 10/12/2012
    • de de LAMOTTE Michel
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    À nouveau, cet important dossier fait face à des difficultés, des blocages et de nombreuses tensions au sein de l’entreprise entre la direction et les syndicats (et parfois aussi entre travailleurs eux-mêmes). Monsieur le Ministre comprendra donc aisément qu’au vu des derniers développements, cela nécessite de le réinterroger (même s’il est vrai que depuis quelque temps, il se passe difficilement une semaine parlementaire sans que nous ayons hélas à débattre d’ArcelorMittal).

    Les négociations entre les organisations syndicales et la direction concernant le volet social de la fermeture de la phase à chaud se sont donc assez mal passées –c’est un euphémisme. Ainsi, après que les discussions se soient de plus en plus enlisées au cours des semaines, le blocage a dû être constaté. Et les deux parties se sont mutuellement accusées de paralyser les négociations. La direction a ainsi soutenu qu’elle avait envisagé de demander la prépension à 52 ans (avec des compensations financières complémentaires), ce qui aurait permis de limiter à 86 le nombre de licenciements sur un total de 795 emplois concernés. Monsieur le Ministre confirme-t-il cette proposition ? Quoi qu’il en soit, cela a été refusé et un conciliateur social a été une nouvelle fois appelé. Mais là aussi, l’échec des négociations a encore du être constaté à la mi-novembre.

    Pour compliquer les choses, et accroître la tension dans l’entreprise, il faut remarquer que si les ouvriers ont rejeté massivement le plan social proposé, les employés, eux, l’ont accepté, mais à une très courte majorité (50,4% pour, 6 voix de majorité…). Les dirigeants syndicaux ont alors évoqué la possibilité d’un nouveau vote afin d’obtenir une majorité franche de 66%. En attendant, ils refusent l’accord (malgré les 50,4% pour). Il n’a pas fallu longtemps pour voir ensuite le front syndical se fissurer et des travailleurs réclamer le respect du vote positif en faveur du plan social, certains dénonçant même une « manipulation » des dirigeants syndicaux. On se doute que ces tensions internes ne vont pas faciliter l’apaisement et le retour à la négociation de part et d’autre…

    Surtout, le 23 novembre, la direction a annoncé (ce qui est du jamais vu !) qu’elle allait prendre l’initiative d’entamer le processus de licenciement (sans prépensions et sans compensations) par la création d’une Commission pour l’emploi, à la suite du refus des syndicats de signer son projet d’accord. La direction va même jusqu’à affirmer qu’après plus de 13 mois de négociations et de conciliations, « l’attitude des organisations syndicales est clairement de défier le groupe et de nier la réalité économique ».

    Les événements se précipitant et prenant une très mauvaise tournure, Monsieur le Ministre a alors légitimement décidé d’écourter sa mission commerciale en Australie afin de revenir en Belgique au plus vite pour tenter d’apporter des solutions au blocage constaté et éviter un dénouement qui serait terrible pour les travailleurs en termes de licenciements directs.

    Ce résumé des derniers « rebondissements » n’apprendra peut-être rien à certains qui suivent ce dossier comme moi depuis des mois, sinon des années. Mais vu la complexité du dossier, il m’a semblé nécessaire de rappeler « comment nous en étions arrivés là »… Justement afin de pouvoir trouver avec vous « comment nous en sortir ».

    Dès lors, Monsieur le Ministre peut-il m’indiquer comment la région peut agir pour calmer les esprits, faire revenir tout le monde à la table de discussions et parvenir à une solution optimale pour les travailleurs ? Comment serait-il encore possible d’améliorer le plan social présenté précédemment par ArcelorMittal ? Que peut-il faire de plus que ce qui a été réalisé par le conciliateur social ?

    La direction semble prête à faire porter tout le blâme sur les syndicats. Il est vrai que certains de leurs représentants n’ont pas aidé leur cause par des stratégies et des discours jusqu’au-boutistes, des blocages des sites de l’entreprise et le jet de bobines d’acier dans la Meuse, par exemple. Mais ce serait selon moi oublier un peu vite ses propres responsabilités dans ce dossier. Après avoir exigé toujours plus de « flexibilité », c’est quand même la direction qui a décidé de fermer et de licencier - et cela de manière parfois expéditive - alors qu’on ne peut tout de même pas dire que le groupe ArcelorMittal ne dispose pas des ressources nécessaires pour offrir à ses travailleurs un plan social acceptable. Dans ce contexte, on ne peut reprocher aux travailleurs et à leurs représentants de se battre jusqu’au bout pour sauver ce qui peut l’être et tenter d’obtenir les meilleures compensations possible.

    Mais j'interroge d’autant plus Monsieur le Ministre sur le rôle de la Région wallonne (et le vôtre, donc, en tant que ministre responsable), que ce sont les syndicats eux-mêmes qui ont appelé la région à intervenir dans le dossier, dénonçant par ailleurs « le silence assourdissant des politiques ».

    Le vendredi 23 novembre, suite à cette annonce de la direction qui a déclaré vouloir entamer le processus de licenciement, les syndicats ont d’ailleurs été encore plus précis, réclamant au plus vite la tenue d’une réunion tripartite (région, direction et syndicats). Choqués par la décision d’ArcelorMittal, ils estiment que seule cette réunion pourrait permettre une sortie de crise et construire un plan social et un volet industriel.

    Monsieur le Ministre partage-t-il cette analyse ? Que compte-t-il faire pour permettre à tous de sortir de cette impasse (dont les seules vraies victimes au bout du compte ne pourront être que les travailleurs) ? Quand cette réunion tripartite pourra-t-elle se dérouler ? Monsieur le Ministre a-t-il déjà pu avoir des contacts avec la direction, d’une part, et les syndicats, d’autre part, et qu’en est-il déjà ressorti ? Quelle est la part de « bluff » dans les déclarations et actions des deux parties ? Existe-t-il encore une marge de manœuvre pour négocier et parvenir enfin à clore ce chapitre dans l’intérêt de tous ?

    Par ailleurs, pendant ce temps, les discussions avec la région concernant le plan industriel d’ArcelorMittal à Liège (la phase à froid) sont suspendues, car les syndicats lient ce plan industriel à un accord social et vice-versa. Un groupe de travail technique avait pourtant était mis en place et, le 7 novembre dernier, Monsieur le Ministre nous avait dit que le travail était en cours et qu’il avançait bien. Qu’en est-il désormais ?

    On sait pourtant à quel point tout l’avenir de la sidérurgie liégeoise dépend du succès de ce plan industriel en vue de développer un « froid » performant, à haute valeur ajoutée, garantissant des emplois à moyen et long termes et le maintien des activités en Wallonie.

    Je ne peux qu’insister à nouveau pour que ce dossier essentiel pour l’avenir ne soit pas laissé de côté trop longtemps, au risque de voir passer des opportunités, des investissements et des engagements. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer des occasions. Et si la Région doit se battre pour aider les travailleurs concernés par la fermeture du « chaud », elle doit tout autant se battre pour l’avenir et pour garantir le développement d’une activité industrielle dans le « froid » à Liège.