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L'étude "Backcasting 2050, 100 % renewable energy : a roadmap for Belgium"

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 147 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 19/12/2012
    • de TROTTA Graziana
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    À la demande des ministres en charge de l'énergie, une étude a été réalisée par le Bureau fédéral du plan, l'Institut de conseil et d'étude en développement durable et l'Institut de recherche technologique de la Flandre pour analyser la faisabilité d'une énergie 100% renouvelable d'ici 2050.

    Selon cette étude, toute l'énergie primaire consommée en Belgique pourrait provenir à 100% de sources renouvelables en 2050, à la condition de consacrer à cet objectif très ambitieux des moyens financiers importants, accompagnés d'une volonté politique commune forte.

    On connaît depuis longtemps l'intérêt de recourir davantage aux énergies renouvelables. L'amélioration de la qualité de l'environnement, la création d'emplois et la réduction de la dépendance énergétique par rapport à l'étranger constituent des avantages fondamentaux.

    Si cet objectif est, selon l'étude, réalisable, Monsieur le Ministre le juge-t-il pour autant réaliste ?

    Combien cela coûterait, en termes d'investissements, à la Wallonie ? Combien d'emplois nets seraient créés selon l'étude, notamment dans notre région ? Il semble qu'entre 20.000 et 60.000 emplois pourraient être créés, mais s'agit-il d'une création brute ou nette d'emplois, sachant que pour le calcul, il faut tenir compte des pertes d'emplois dans le secteur des énergies primaires ? À l'heure actuelle, combien d'emplois en Wallonie relèvent de ce secteur ?

    Quelles sont les suites concrètes qui seront données à cette étude par Monsieur le Ministre et ses homologues régionaux et fédéral en charge de l'énergie ?
  • Réponse du 15/01/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    En mars 2011 est intervenue la catastrophe de Fukushima. Celle-ci remet une nouvelle fois en cause le mythe d’une énergie nucléaire sûre et à bas prix. À mon initiative, avec mes collègues Ministres de l’Energie fédéral et régionaux, nous avons alors décidé de tester un scénario 100% renouvelable à l’horizon 2050 pour notre société belge. Plus précisément, cette étude vise à examiner la faisabilité et l'impact sur le système énergétique futur de la Belgique de trajectoires susceptibles de mener notre pays vers l'utilisation de 100% de sources d'énergie renouvelables en 2050. Trois partenaires renommés dans leur sphère de compétence ont été désignés pour ce faire : le Bureau fédéral du Plan (BFP), l'Institut de conseil et d'étude en développement durable (ICEDD) et le VITO, l'institut de recherche technologique de la Flandre.

    Deux consultations des parties prenantes du marché de l’énergie ont été menées à travers des séminaires de présentation dans le cadre de cette étude : la première sur les hypothèses de l’étude, la seconde sur les premiers résultats de l’étude. A chaque fois, les remarques émises ont été consignées par le consortium et examinées attentivement. Les choix effectués ont ensuite été argumentés eu égard aux commentaires reçus. Certes certaines hypothèses, notamment celles relatives aux coûts de la transition qui pour d’aucuns sont surestimés, ne sont pas partagées par tous. Mais in fine, chacun reconnaît l’extrême pertinence de cette étude : il s’agit d’une première en Belgique et même en Europe avec un tel niveau de détail, et surtout cette étude est une base solide pour que les responsables politiques et économiques puissent se forger une vision à long terme.

    Selon les résultats de cette étude, une transformation de notre société basée sur un mix d’énergie principalement fossile et fissile vers une société basée exclusivement sur les énergies renouvelables est "techniquement réalisable" et "faisable". « Il est possible de passer à l'horizon 2050 à une énergie provenant à 100% de sources renouvelables » concluent les experts. Ce message clair des trois partenaires scientifiques donne un horizon, une vision possible pour nos investissements énergétiques des années à venir. Et, contribution majeure : différentes trajectoires d’évolution du système énergétique belge compatible avec un tel objectif sont identifiées.

    Autre conclusion marquante : notre tissu socio-économique va s’électrifier de plus en plus. Le vecteur électrique est en effet polyvalent : il peut servir tant pour la consommation domestique, industrielle que pour le transport. D’où l’importance d’une augmentation rapide des sources d’énergie renouvelable dans le secteur de la production électrique : le consortium montre que celui-ci doit se tourner presque exclusivement vers les énergies renouvelables dès 2030.

    La montée en puissance de l’électrification renouvelable, combinée à la baisse de la consommation énergétique, engendre une indépendance énergétique nettement améliorée pour notre pays : la part des importations d’énergie dans la demande d’énergie primaire serait limitée à 15% seulement dans certains scénarii, contre plus de 90% actuellement ! À l’heure où les ressources fossiles, conventionnelles et non conventionnelles, sont la proie de processus de rente au détriment des pays consommateurs tels que la Belgique, cette perspective a de quoi réjouir, avouons-le…

    Pour ce faire, d’importants investissements devront toutefois être réalisés dès maintenant ; de manière cumulée jusque 2050, ils atteindront entre 300 et 500 milliards d’euros, soit un coût de l’ordre de 20% supérieur au scénario de référence de l’étude. Cependant, en intégrant les coûts évités du CO2 non émis dans les scénarii 100% renouvelables par rapport à la référence, le résultat global pour la Belgique peut s’élever jusque 10 milliards € de bénéfice en 2050. Ceci est en phase avec le rapport STERN sur les coûts des changements climatiques, qui s’élèveraient entre 5 et 20% du PIB en l’absence d’une action forte au niveau de la lutte contre les changements climatiques.

    En contrepartie de ces investissements, des bénéfices sont également dégagés par ce passage progressif de dépenses en combustibles vers des dépenses en investissement, favorables à notre tissu socio-économique. Ainsi, les coûts d’importation de combustibles diminuent drastiquement (jusqu’à 65% inférieurs au scénario de référence, soit 11 milliards € de dépenses en moins chaque année pour la société belge dans son ensemble d’ici 2050). Comme le disent très justement les auteurs du rapport, cette économie peut être utilisée, ‘recyclée’ dans l’économie belge au bénéfice de celle-ci. Ensuite, les estimations montrent que, comparativement au scénario de référence, 20.000 à 60.000 nouveaux emplois sont créés d’ici 2030.

    L’appareil statistique actuel ne permet pas de chiffrer avec précision les emplois du secteur renouvelable en Wallonie, mais, quelle que soit la période envisagée dans l’étude 100% énergies renouvelables, les scénarii renouvelables créent davantage d’emplois que le scénario de référence. D’autres études existent également sur les perspectives d’emploi dans le renouvelable. Je citerai notamment l’étude de CapGemini qui chiffre à environ 15 000 emplois l’atteinte d’un objectif de 20% d’énergie renouvelable à l’horizon 2020.

    Dès lors, compte tenu de ces conclusions en termes de coûts, d’emploi et de perspectives, à la question de savoir si cet objectif est réaliste, je dirais qu’il est avant tout irréaliste de penser que l’on peut se permettre de passer à côté du nouveau paradigme énergétique qui est devant nous, celui d’une production davantage variable et décentralisée, couplée à des dispositifs de stockage de l’énergie, basée essentiellement sur les énergies renouvelables.

    Enfin, concernant les suites qui seront données à cette étude, il me semble utile que les arguments puissent être échangés et qu’une vision convergente puisse émerger. C’est pourquoi je compte demander l’avis des organes de consultation tels que le CESW et le CWEDD. J’ai aussi pris positivement note de l’initiative du Parlement flamand qui compte se saisir des résultats de cette étude pour créer un débat aussi large que possible associant l’ensemble des sensibilités. Je pense qu’une démarche similaire de notre Parlement wallon pourrait être initiée, en tout cas je serais très enthousiaste à cet égard.