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Le rapport du Cerisis relatif à l’insertion sociale.

  • Session : 2003-2004
  • Année : 2003
  • N° : 9 (2003-2004) 1

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  • Question écrite du 10/10/2003
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à DETIENNE Thierry, Ministre des Affaires sociales et de la Santé

    Lors de l'examen du décret relatif à l'insertion sociale, nous avons eu l'occasion d'auditionner des représentants du Cerisis.

    Nous avons appris à l'époque qu'il avait été chargé de rédiger un rapport relatif à cette problématique pour la fin de l'année.

    Toutefois, un rapport intermédiaire devait être transmis à Monsieur le Ministre au début de ce mois. Peut-il nous transmettre leurs conclusions provisoires ?
  • Réponse du 14/11/2003
    • de DETIENNE Thierry

    Pour rappel, la recherche commanditée auprès du CERISIS par mes services portait sur une opération lancée en 2000 auprès des CPAS wallons et intitulée « Pour une participation citoyenne ». Vingt-trois CPAS ont répondu à l'appel et se sont vu subventionnés pour mener des actions de participation citoyenne et de reconnaissance sociale.

    Afin d'évaluer l'impact de cette initiative tant auprès des travailleurs sociaux et de leurs instances qu'auprès des bénéficiaires de ces actions, il a été demandé au CERISIS de mener une recherche étalée sur 3 ans.

    Un premier rapport intermédiaire a été rendu en 2002 portant sur les aspects organisationnels des actions développées et les processus psychosociaux y afférents. Un rapport oral de la suite de la recherche a été réalisé par l'équipe des chercheurs lors du dernier comité d'accompagnement.

    En voici la synthèse :

    1.Cadrage de la recherche

    a) présentation des résultats de la deuxième phase de la recherche évaluative, portant sur les effets des dispositifs mis en place dans le cadre de l'opération « Participation Citoyenne»;

    b) objectif de la recherche : évaluer les effets d'activités d'insertion sociale destinées à un public fortement marginalisé;

    c) questions « fil rouge » :

    - les activités ont-elles des effets sur leurs usagers ? (La réponse n'est pas donnée a priori notamment parce que le public-cible présente de nombreux « handicaps sociaux » );

    - si oui, pourquoi, à quoi ces effets sont-ils dus ?
    . sur le plan des individus : qu'est-ce que les activités ont mobilisé chez eux ?
    . sur le plan des pratiques : quelles sont les différences, y a-t-il des dispositifs qui fonctionnent mieux que d'autres ?

    2. Rappel de la procédure en deux volets

    Ont été interrogés :

    - tout d'abord les opérateurs, d'une part ceux qui organisent l'activité de resocialisation au sein des CPAS et d'autre part ceux qui la mettent en œuvre sur le terrain (les formateurs). Sur base des 50 entretiens réalisés, une typologie des activités a été construite, qui aboutit à 4 types de dispositifs, significativement différents;

    - les usagers des activités. Tous les usagers n'ont pas été rencontrés, mais un échantillon, construit de manière à ce que chacun des types de dispositif soit présent de manière comparable. Dans chacun des types, quinze personnes sélectionnées au hasard dans des listes données par les opérateurs ont été rencontrées. Soixante usagers ont donc été interrogés:

    . les usagers ont répondu à un questionnaire, passé en face à face;
    . ce questionnaire a été présenté aux opérateurs et amélioré sur leurs suggestions;

    - mais, pour évaluer les effets, 30 non-usagers ont été également interrogés pour avoir un groupe contrôle, composé de personnes qui présentent les mêmes caractéristiques socio- démographiques que les usagers, mais qui, elles, ne participent à aucune activité. C'est en comparant le groupe des usagers avec le groupe-contrôle des non-usagers que les effets éventuels des dispositifs de resocialisation pourront être mis en évidence. Les différences éventuelles seront interprétées comme des effets de la participation, étant donné que les différences individuelles ont été contrôlées, autant que faire se peut, par le dispositif de recherche.

    3. Participation à un dispositif d'insertion sociale et indices de resocialisation

    Pour évaluer les effets de la participation à un dispositif d'insertion sociale, il faut d'abord retourner aux objectifs de l'opération « Pour une participation citoyenne ».

    Deux grands domaines étaient visés :

    - la lutte contre l'exclusion du public concerné, sa resocialisation
    - le développement personnel des individus

    Ensuite, ces « domaines d'action » ont été confortés par les entretiens réalisés avec les opérateurs, lors de la première phase de la recherche.

    Enfin, ils ont été traduits en termes scientifiques, de manière à pouvoir être reformulés en hypothèses de recherche et mis à l'épreuve de manière rigoureuse. L'approche développée relève de la psychologie sociale.

    Sur cette base, un questionnaire a été construit de manière à évaluer quatre domaines :

    3.1. Le premier objectif des dispositifs, c'est resocialiser les gens, améliorer leur insertion sociale

    Mais comment évaluer l'évolution de l'insertion sociale des participants, alors que l'on sait très
    bien :

    - d'une part que leur réseau social est de fait très réduit et donc peu pertinent pour analyser les éventuels changements;

    - d'autre part que ce ne sont pas les caractéristiques objectives du réseau social qui ont le plus d'influence mais bien la perception que l'on a de ce réseau. En d'autres termes, ce n'est pas d'avoir beaucoup de contacts qui compte, c'est la qualité de ceux-ci, c'est le sentiment de se sentir inséré, rattaché à la société.

    On a donc pris comme variable le sentiment d'isolement social, de solitude. C'est une variable qui est pertinente dans les études de psychologie, et on l'a incluse comme première variable dépendante en posant la question de savoir si la participation à un dispositif de resocialisation permet de réduire l'isolement de manière significative.


    3.2. Un deuxième objectif des dispositifs, c'est le développement personnel. Celui-ci a été abordé sur deux plans : l'autonomie et le bien-être

    Pourquoi l'autonomie ? Parce que le public visé est démuni, peu autonome notamment soit dans la complexité des contraintes administratives à laquelle il doit faire face, soit dans les contacts à gérer dans la vie sociale (école, hôpital et personnel médical, police, responsables de services divers,…). D'autre part, les études sur l'exclusion montrent que les personnes victimes d'exclusion développent souvent un sentiment d'impuissance acquise : l'accumulation des échecs fait qu'elles sont persuadées qu'elles ne pourront jamais réussir d'elles-mêmes.

    Une question importante était donc de voir si la participation à un dispositif d'insertion sociale s'accompagne d'un renforcement de l'autonomie, sur le plan de certains comportements, mais aussi de manière plus fondamentale, sur le plan des attitudes.

    Par ailleurs, il est certain aussi que les dispositifs visent un mieux-être global de la personne. Les études en psychologie et en sociologie montrent effectivement que l'exclusion sociale, par le biais du non emploi notamment, est très déstructurante pour l'individu et l'amène à une détérioration de sa santé mentale ; c'est ce que disaient également les opérateurs. Or, on sait aussi que, lorsqu'un individu ne va pas bien, il développe des stratégies auto-handicapantes qui l'enfoncent encore.

    3.3. Cela étant, les dimensions d'insertion sociale, d'autonomie et de bien-être n'ont pas de sens lorsqu'elles sont totalement déconnectées de l'emploi.

    Pourquoi ? Parce que, vu sa place de référence légitime et nécessaire dans la société, la « valeur travail » reste dominante chez les personnes. Spontanément, les gens se réfèrent notamment par rapport au travail.

    Mais est-ce vrai pour le public-cible des dispositifs d'insertion sociale, c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas en emploi depuis très longtemps ?

    4. Présentation des résultats

    4.1. Les processus explicatifs

    Une chose est de mettre en évidence certains effets de la participation à un dispositif d'insertion sociale ; une autre est de comprendre pourquoi ces effets sont observés. En d'autres termes, il s'agit d'identifier les processus que les dispositifs ont mobilisé chez les usagers, processus qui sont, eux-mêmes, susceptibles d'expliquer les effets positifs mis en évidence sur le plan du sentiment de solitude, du développement personnel et de l'attitude par rapport à l'emploi .

    Le processus « mobilisateur » le plus évident, c'est le soutien social :

    - pourquoi ? Parce que le groupe, l'aspect collectif, est la caractéristique commune des activités la plus évidente.

    - or, d'une part le groupe peut-être source essentielle de soutien social;

    - et d'autre part, le soutien social est un élément important de la santé mentale et de l'insertion sociale;

    - toutefois, le soutien social peut avoir des effets pervers : trop d'aide peut amener à développer un sentiment d'infériorité (maternage, « faire à la place de »).

    Un deuxième processus « mobilisateur » potentiel, c'est l'identité sociale de la personne :

    - en effet, d'une part, l'identité que portent les minimexés est négative ; or, différentes recherches établissent le rôle auto-handicapant d'une identité négative;

    - d'autre part, les dispositifs tentent de lutter contre la stigmatisation, par le biais de la reconnaissance sociale des activités.

    5. Conclusion

    Pour conclure, si l'on revient au départ, et que l'on resitue l'analyse dans une perspective d'évaluation, que peut-on dire ?

    Tout d'abord que les objectifs principaux, en termes de lutte contre l'exclusion, d'autonomie et de bien-être sont globalement atteints.

    Sur l'ensemble, on observe un cumul d'effets qui sont réels, qui signifient que « quelque chose s'est produit », et qui sont cohérents dans leur ensemble.

    Certains processus explicatifs sont mis au jour, avec toute l'importance, d'une part, de la mobilisation d'un « réseau utile » pour les participants et, d'autre par, de la construction d'une identité positive, même si le lien avec le dispositif est moins clair.

    Enfin, il semble que ce soit surtout le fait de participer à un dispositif d'insertion qui soit important, plus que le type d'activité lui-même.