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La dépression des chômeurs causée par la crise

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 97 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 09/04/2013
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances
    Environ 3.000 chômeurs sont touchés par de sérieux problèmes de santé mentale ou de dépendance à l’alcool ou à la drogue – sans parler des troubles familiaux ou sociaux vécus par les DEI. Telle a été l’information découverte dans la presse du mois de mars.

    Quels sont les constats de Madame la Ministre en la matière ? Correspondent-ils aux propos recueillis ? A-t-elle mis en place des dispositifs spécifiques et capables d’aider les DEI touchés par la déprime, question d’éviter que l’employabilité du DEI souffre encore plus du fait qu’à cause de la déprime les patrons ne lui donneront plus de chance ?
  • Réponse du 06/05/2013
    • de TILLIEUX Eliane

    De façon générale, il faut noter que la dépression se caractérise notamment par les éléments suivants:

    * Une prévalence élevée

    Comme le montrent les données de l'OMS, mais aussi celles de l'enquête de Solidaris pour la Belgique francophone, la dépression constitue la 1 ère cause d'incapacité dans le monde.

    Sans même parler de cette dimension incapacitante, on relèvera simplement que seuls 50 % de la population francophone belge se déclarent « hors d'état dépressif ». En outre, l'étude montre bien que, même si la dépression est universelle, certaines catégories sont plus exposées: les demandeurs d'emplois, comme le souligne votre question, mais aussi les personnes à faibles revenus et les femmes.


    * Une atteinte importante à la qualité de vie

    À ce propos, il peut être fait référence au sentiment suicidaire: un Belge sur dix a déjà pensé au suicide et les deux tiers d'entre eux ont tenté de passer à l'acte. On retrouve également une prévalence élevée auprès des femmes (familles monoparentales) et des demandeurs d'emploi.

    Selon une étude coordonnée par l'Association Interrégionale de Guidance et de Santé (AIGS) réalisée en 2011-2012, le taux de suicide effectif en Wallonie est largement supérieur à la Flandre ou aux Pays-Bas.

    Ces éléments permettent de mesurer combien la dépression peut affecter en profondeur la qualité de vie des citoyens. Par ailleurs, les proches des personnes dépressives sont également fortement atteints par les conséquences de la maladie.


    * Une maladie coûteuse

    De nombreux travaux démontrent le coût socio-économique de la dépression.

    Ainsi, selon l'étude de la Commission européenne (DG Santé et Protection des consommateurs) « Actions contre la dépression » (1) : les coûts socio-économiques de la dépression représentent 1 % du PIB européen. La perte d'emploi, l'absentéisme, les congés de maladie, la diminution de la performance professionnelle, la perte de possibilité d'activités récréatives et la mort constituent 60 à 80 % des coûts liés à la dépression. La dépression nécessite des congés de maladie plus longs que les autres problèmes de santé professionnelle et engendre une demande accrue d'allocations d'invalidité ou de maladie.


    * Une évolution de la consommation de médicaments en lien avec la dépression

    En 2010, plus d'une personne sur dix, de 18 ans et plus, a consommé au moins un antidépresseur. Entre 2002 et 2010, la délivrance d'antidépresseurs a augmenté de 57,6 %. Au cours de cette même période, le nombre de doses quotidiennes de traitement délivrées est passé de 52 milliers à 82 milliers.


    On notera encore que le Conseil supérieur de la Santé (2) remarque une discordance entre la prévalence de la dépression et l'usage d'antidépresseurs en Belgique. En effet, dans la pratique générale, la prévalence se situerait entre 1 et 6 % et serait dans la majorité des cas de forme légère à modérée. Les antidépresseurs sont, quant à eux, consommés par plus de 11 % de la population. Or, relève le Conseil, l'indication des antidépresseurs doit se limiter aux dépressions unipolaires graves. Pour une dépression unipolaire légère à modérée, la préférence doit être accordée à une approche non médicamenteuse.

    Le traitement médicamenteux de la dépression est un sujet sensible, avec des arguments en sens divers; il semble toutefois que des améliorations dans sa dispensation puissent s'envisager.

    Concernant les pistes à explorer, je note que ma collègue en charge de la Santé publique au Gouvernement fédéral, Laurette Onkellnx, a évoqué la possibilité de déployer un plan en trois axes:
    - reconnaître la psychologie clinique et la psychothérapie;
    - organiser le trajet de soins centré sur le généraliste (dont la place est effectivement essentielle au niveau de la dépression) ;
    - optimiser le traitement de la dépression légère, qui se fonde, trop souvent, sur une prise en charge médicamenteuse mal adaptée.

    Enfin, au niveau de mes compétences, il m'importe de souligner l'existence de structures, je pense notamment aux associations de santé intégrée (présence du médecin généraliste) ou encore aux services de santé mentale (présence du médecin-psychiatre et de psychologues) qui permettent un accès à des soins de qualité, avec une accessibilité financière réelle (existence du « forfait » dans beaucoup d'ASI, possibilité de gratuité en santé mentale). Ces avancées me semblent totalement compatibles avec la situation malheureusement précaire rencontrée par les personnes sans emploi.



    (1) http://ec.europa.eu/health/archive/ph_determinants/life_style/mental/docs/depression_fr.pdf
    (2) http://www.health.belgium.be/fiIestore/19073506/CS%20avis%202011.pdf