à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité
Monsieur le Ministre a préparé un avant-projet d'arrêté organisant l'obligation de clôturer les terres pâturées situées en bordure des cours d'eau non navigables.
Cet avant-projet d'arrêté devait permettre de se conformer aux objectifs de la directive-cadre « eau » et de la directive « nitrates ».
De l'avis du Conseil d'État du 20 février 2013 sur cet avant-projet, il ressort qu'il n'existe pas « d'indication tendant à expliciter précisément et concrètement en quoi les mesures contenues dans l'arrêté en projet sont ou seraient nécessaires pour atteindre les objectifs spécifiques fixés par les dispositions européennes citées ». De plus, il n'aurait pas de fondement légal.
Selon le ministre en charge de l'agriculture qui souhaite organiser, par projet d'arrêté, un régime de subvention en faveur des éleveurs pour l'équipement des pâtures le long des cours d'eau, le cabinet de Monsieur le Ministre travaille sur la révision du projet d'arrêté portant sur l'obligation de clôturer, afin de répondre à l'avis du Conseil d'État.
Par conséquent, Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer les contours de la future réglementation ? Quelles sont les modalités de sa mise en œuvre ? Quels sont les changements par rapport à l'avant-projet d'arrêté initialement préparé par ses services ? Quels sont les changements en termes de calendrier de mise en œuvre ? Le secteur agricole est-il clairement tenu informé ?
Réponse du 02/07/2013
de HENRY Philippe
L’interdiction d'accès du bétail à certains cours d’eau constitue une mesure nécessaire afin de garantir l’atteinte des objectifs environnementaux fixés dans le Code de l’eau suite à la transposition de la directive-cadre eau.
En effet, l’évaluation de l’état des eaux, selon les critères de la directive-cadre sur l’eau, prend en considération pour l’état écologique: - les paramètres biologiques et les paramètres physico-chimiques soutenant la biologie, ceux-ci comprenant le bilan en oxygène ainsi que la présence de matières azotées et de matières en suspension. Ces paramètres influencent donc l’état des eaux ; - les paramètres hydromorphologiques, dont il est tenu compte pour atteindre le très bon état d’une masse d’eau ; notamment la structure et le colmatage du lit du cours d’eau, la structure des berges (érosion naturelle ou non).
Dès lors, les paramètres précités, quand ils sont influencés négativement par la présence de bétail dans le cours d’eau, peuvent porter atteinte à l’état des masses d’eau.
Pour ne citer que quelques-uns des principaux critères compromettant l’atteinte ou le maintien du « bon état » des masses d’eau, tels que précisés dans la directive-cadre et transposés dans l’annexe VI de la partie décrétale du Code de l’eau, différentes études ont montré que 10 mètres à l’aval d’une zone piétinée par le bétail, la concentration en E.Coli (pollution bactérienne) était multipliée par 800, la DBO5 par 20, la concentration en ammoniaque par 30, les matières en suspension par 50 et le taux de saturation en oxygène était passé de 73 à 3 %. 300 mètres en aval, la concentration en E.Coli restait 40 fois supérieure à la station de référence.
Les impacts sur la morphologie du cours d’eau, la destruction de la végétation et la destruction directe des frayères, la destruction d’espèces « Natura 2000 » comme les moules perlières et les mulettes épaisses l’augmentation de la largeur du lit de la rivière, la diminution de la profondeur et de la vitesse d’écoulement et la dégradation de la faune piscicole sont aussi largement documentés.
La directive 91/676/CE (directive Nitrate) a également comme objectif (article 1er) de réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et de prévenir toute nouvelle pollution de ce type. Les articles 4 et 5 imposent la mise en place respectivement de codes de bonnes pratiques et de programmes d’actions qui doivent être revus tous les 4 ans et dont les modalités doivent être approuvées par la Commission européenne.
Dans le cadre de la révision actuelle du Plan de Gestion Durable de l’Azote (PGDA IV), la Commission européenne s’est inquiétée explicitement des modalités de mise en œuvre de la mesure consistant à clôturer en la clôture les berges des cours d’eau afin d’atteindre les objectifs de la directive et notamment pour les estuaires et eaux côtières et marines qui ont subi une eutrophisation (et auxquelles, par définition, tous nos cours d’eau contribuent.
L’interdiction d'accès du bétail à certains cours d’eau constitue donc une mesure nécessaire afin d’atteindre les objectifs environnementaux fixés par la directive-cadre sur l’eau (2000/60/CE), la directive Habitat (92/43/CEE), la directive Nitrate (91/676/CE) mais aussi par la directive 2006/7/CEE qui concerne la gestion de la qualité des eaux de baignade.
L’adoption en 3e lecture au Gouvernement wallon du 30 mai du décret instaurant un cadre pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable et modifiant le Livre Ier du Code de l’environnement, le Livre II du Code de l’environnement, contenant le Code de l’eau, la loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d’eau non navigables et le décret du 12 juillet 2001 relatif à la formation professionnelle en agriculture définit le contenu de l’obligation de clôturer les terres situées en bordure de cours d’eau en vue d’empêcher le passage du bétail.
Il en ressort que l’obligation d’interdire l’accès du bétail s’applique : - aux prairies situées en bordure de cours d’eau en zones de baignade et d’amont pour le 31 mars 2014 ; - aux prairies situées en bordure de cours d’eau classés situés dans le périmètre d’un site Natura 2000 pour le 1er janvier 2015 ; - aux prairies situées en bordure de cours d’eau non navigables classés situés dans les zones à enjeux spécifiques liées aux nitrates (situées en zones vulnérables) pour le 1er janvier 2015.
Le principe de l’obligation de clôturer les cours d’eau non navigables classés (à minimum 1m) est maintenu ainsi que les dérogations existantes à cette obligation à l’exception de celles visées dans les trois situations décrites ci-dessus.
Il est cependant prévu un régime d’exception quant à l’obligation de clôturer les berges pour les terres situées le long des cours d’eau lorsque le pâturage est très extensif et favorable à la biodiversité.
En outre, une obligation de clôturer sur l’ensemble du territoire pourra être imposée par le Ministre de l’Environnement dans des zones spécifiques présentant un risque identifié pour l’environnement. Ceci permettra aux autorités d’agir face à des situations ponctuelles et limitées dites « points noirs » dont certaines sont déjà identifiées par les contrats de rivière.
Enfin, nous confirmons que le secteur agricole a bien été tenu informé et associé aux discussions.