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La façon dont les particuliers investisseurs sont devenus des parias en matière de photovoltaïque

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 541 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 30/05/2013
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Haro sur les particuliers qui se sont lancés dans l’aventure photovoltaïque ... Au-delà des commentaires sur l’indigence du gouvernement dans le dossier, c’est le constat que l’on peut tirer de l’avalanche de réactions postées sur les forums depuis le début février. En cause, le report de la dette liée aux certificats verts (quelque 2,5 milliards) sur la facture de l’ensemble des abonnés.

    Quelques exemples de ces réactions à propos des particuliers : « Ils ont l’argent » ; « Ils ont profité des primes, subsides, déductions fiscales mises en place » ; «Ils ont spéculé » ; « C’est leur faute si on en est arrivé à une dette pareille », etc. Un discours en partie suscité par certains commentaires d’hommes politiques, peut-être plus prompts, ces dernières semaines, à tirer sur l’ambulance qu’à faire leur mea culpa. Le dérapage avait été annoncé dès 2008.

    Alors ? Comment ces particuliers investisseurs, sur qui le gouvernement comptait pourtant à l’époque, sont-ils devenus aujourd’hui de douteux spéculateurs ?

    1. En 2007, le Gouvernement wallon (PS-cdH) décide de booster cette filière photovoltaïque. D’un côté, il va relever de 1 % par an les quotas d’énergie verte imposés aux fournisseurs, pour atteindre 12 % à l’horizon 2012. De l’autre côté, le gouvernement lance le système Solwatt. Le Gouvernement wallon de l’époque : on va pouvoir « investir dans une filière d’avenir en matière d’énergie renouvelable » et « développer des activités économiques et de l’emploi liés à la production de biens et services ».

    2. En 2008, la bulle des certificats verts commence à enfler. Le rapport annuel spécifique de la CWAPE, qui est le régulateur wallon, indique ainsi que « le nombre de certificats verts octroyés en 2008 est supérieur au nombre de certificats verts à rendre pour les quotas (y compris ceux rendus pour le quota bruxellois). Comme prévu, le stock de certificats verts disponible fin d’année s’accroît sensiblement » Jean-Louis Buyse, « ex » directeur à la CWAPE, souligne même que « tous ces avantages sont tels que monsieur tout-le-monde préférera avoir un retour de 20 % sur son argent que de passer beaucoup de temps à isoler sa maison [...] C’est l’ensemble des soutiens apportés au photovoltaïque qui, pour moi, est une erreur politique grave ». On s’en souviendra de mes propos : une installation photovoltaïque sur une toiture non isolée, c’est du non-sens. À l’époque, j’ai entendu les grincements de dents du Gouvernement wallon, mais pas de suivi corrigeant la démarche.

    3. En 2009, les Wallons investissent dans le photovoltaïque, poussés par le Plan Solwatt. La CWAPE prévient: attention aux abonnés, ce sont eux qui pourraient payer la facture. Près de 2 800 dossiers concernant des installations photovoltaïques ont été rentrés en 2008. La Commission wallonne de l’énergie s’est retrouvée débordée « par des demandes plus nombreuses qu’escompté » et par « une procédure pas très cohérente » et la CWAPE prévoit « un excès important au niveau de l’offre de certificats verts dès 2009, excès conduisant fin 2012 à un stock de certificats verts représentant plus que le quota effectif de cette même année ». Elle prévient aussi : si rien n’est fait, attention aux conséquences sur la facture des abonnés.

    4. 2009. Mardi 13 octobre : alors qu’on aurait pu s’attendre à une éventuelle adaptation du système d’octroi des certificats verts, le ministre préfère mettre fin à la prime régionale à l’investissement de 3 500 euros. « Le secteur est mûr », dit-il. D’autant que le prix d’achat des panneaux a baissé.

    5. En 2010, la bulle des certificats verts gonfle. Quasi rien n'est fait pour la faire diminuer. Le gouvernement octroie des certificats verts anticipés aux particuliers. Il met fin à la subvention des Compagnons d'Éole, ASBL représentant les intérêts des petits particuliers face aux géants du secteur éolien, de la biomasse, etc. Si le gouvernement wallon a supprimé la prime sur l’achat, il ne répond toujours pas à la demande de la CWAPE de réguler à longue échéance les quotas imposés d’énergie verte. Il ne répond pas non plus à l’inquiétude de la CWAPE et sa proposition de revoir à la baisse le nombre de certificats verts octroyés.

    6. Fin 2010 : le prix de vente des certificats verts chute. Et le risque de voir les particuliers se tourner vers Elia se rapproche. En filigrane, le report de la dette sur la facture de l’ensemble des abonnés. Différents parlementaires, dont moi-même, interpellent le Gouvernent wallon à propos du poids du CV dans la facture du client final. Vu les réponses, je commence par rédiger la proposition de résolution, déposée en 2011, dans les mois qui suivent.

    7. Début 2011, la CWAPE alerte: quelque 700 000 certificats verts supplémentaires sont comptabilisés entre 2009 et 2010. Le gouvernement wallon adapte enfin le régime d'octroi. Monsieur le Ministre rassure: le système reste hyperrentable. Problème: son plan, en trois étapes, crée à chaque fois un effet d'aubaine. Dans le courant du premier semestre 2011, la CWAPE avertit le gouvernement : le nombre de certificats verts octroyés pour 2010 est de 2,88 millions, soit une augmentation de près de 33 % ou de 700 000 CV. Elia, l’opérateur réseau, risque de devoir passer à la caisse. En juillet, le gouvernement wallon adapte le régime d’octroi des certificats verts à la baisse. On passe alors d’un régime d’octroi des CV en 15 ans à un régime en 10 ans, et un nombre un peu moins important de certificats délivrés. Pas de panique, indique-t-on pourtant chez Nollet : « Les certificats verts ne passeront jamais sous les 65 euros, ce qui devrait permettre entre autres de doubler sa mise sur 10 ans tout en luttant contre la pollution. ». En novembre, suite à l’accord gouvernemental et à la crise financière, le Fédéral supprime la déduction fiscale de 40 %.

    8. En 2012, Le Parlement adopte à l’unanimité une résolution, demandant au Gouvernement wallon d’actualiser le PMDE et d’évaluer l’impact du verdissement de l’énergie sur la facture du consommateur final. La bulle des certificats verts explose. Monsieur le Ministre Nollet rassure les particuliers qui ont investi: Elia devra payer le prix minimum garanti. L'addition se paye cash pour l'ensemble des abonnés. Début 2012, la bulle des certificats verts enfle de façon démesurée, et déséquilibre complètement le marché. Quant aux nouveaux quotas d’énergie verte imposés aux fournisseurs – ceux adoptés en première lecture un an auparavant -, ils  viennent seulement d’être revus à la hausse et fixés définitivement. Le 2 mars, le ministre Nollet est interrogé au Parlement wallon par Isabelle Simonis (PS) : quid de 2 millions de certificats verts qui ne trouvent pas acquéreurs? Monsieur le Ministre se veut « rassurant » « mais ne dit pas un mot sur le fait qu’Elia pourra reporter la dette sur l’ensemble des abonnés. En mars, la bulle des certificats verts explose. Comme prévu, le prix des CV s’effondre complètement. Les particuliers se tournent en masse vers Elia. L’opérateur est donc obligé de leur racheter leurs certificats au prix minimum garanti de 65 euros. L’addition ne se fait pas attendre : coût : 20 euros par ménage. Et ce n’est pas fini : le stock de certificats verts va grimper à 1,8 milliard à l’horizon 2020 …

    9. Début 2013, la dette d'Elia est chiffrée: quelque 2,5 milliards. Colère des abonnés wallons qui n'ont pas acheté de panneaux. Les particuliers qui ont investi dans le photovoltaïque se retrouvent soudain pointés du doigt par le politique. Début 2013, malgré les alertes de la CWAPE, malgré un marché en complète déliquescence, le gouvernement wallon n’a toujours pas mis fin au système des certificats verts. Puis-je rappeler mes propositions répétées : remplacer l’aide via le CV par un autre mécanisme d’aide – comme demandé dans la résolution de 2011/2012. Les politiques les pointent nettement du doigt : ils sont responsables du fiasco photovoltaïque, ils ont les moyens, ils ont spéculé, ils vont payer. Jean-Marc Nollet déclare à la RTBF et au Soir qu’à partir de 2010, nombre de citoyens ont eu un intérêt parfois spéculatif … Monsieur le Ministre ajoute même : « Le consommateur ne sera pas le pigeon du photovoltaïque, je m’y engage. ».

    10. Enfin, le communiqué envoyé par le Gouvernement wallon ce jeudi 28 mars sur l'accord souligne clairement le glissement sémantique entre l'idée de «particulier partenaire» du gouvernement, en 2007, et celle de «particulier-ayant-spéculé» de 2013. En voici l'extrait: « Que les ménages aient payé leur installation cash, contracté un emprunt ou fait appel à un tiers-investisseur, le prix minimum de leurs certificats verts sera de 65 euros jusqu’au remboursement intégral de leur installation. Ensuite, ils bénéficieront d’un rendement de 7 %, un taux non spéculatif, mais néanmoins intéressant par rapport à ce que l’on peut obtenir avec un compte épargne. ».

    Depuis le départ, le Gouvernement wallon a manqué de transparence sur le coût de l'énergie verte. Dès 2008, année du lancement du plan Solwatt, le gouvernement wallon connaissait le risque lié au boum des certificats verts. Il a été prévenu, année après année, notamment par la CWAPE. Considérés en 2007 comme des partenaires, les investisseurs dans le Solwatt sont devenus, en 2013, de purs spéculateurs.

    À ce propos ... Au 31 décembre 2012, selon les statistiques officielles, le parc photovoltaïque wallon était composé de 93 969 installations d’une puissance plus petite ou égale à 10 kW, qui correspondent au plan Solwatt. Elles représentent 96,7 % du parc wallon. Leur puissance moyenne? Quelque 4,7 kW (soit largement en dessous des 10 kw autorisés), ce qui correspond à une consommation de type familial. Difficile, dès lors, d’affirmer que ces particuliers se sont détournés de l’esprit du plan Solwatt.

    On notera enfin qu’au long de toutes ces années, on a entendu très peu de politiques expliquer clairement aux citoyens le coût supplémentaire que représente le développement, nécessaire, des énergies vertes. Sauf, et la presse semble l’ignorer avec efficacité, la résolution adoptée de façon unanime par le Parlement wallon qui demande explicitement au Gouvernement wallon d’estimer le coût que représente le verdissement de l’énergie sur la facture du consommateur professionnel et résidentiel.

    Et maintenant : les propriétaires de panneaux photovoltaïques devront payer une redevance. La façon dont elle est calculée continue de provoquer la colère.

    L’adoption, par les gestionnaires réseaux, d’une redevance de 55 euros/an et par kWc produit ne passe décidément pas parmi les détenteurs d’installations photovoltaïques. « Cette redevance se base sur la puissance théorique initiale de l’installation, et sera reconduite chaque année. Or le rendement théorique des panneaux n’est pas, lui, garanti à 100 %. Au fil du temps, à cause de l’usure, la puissance théorique diminue. ».

    Autre constat: « Le rendement d’une installation dépend de son orientation et de la pente du toit. Dès lors, il peut y avoir une grosse différence entre la puissance théorique de l’installation et la quantité réelle de courant produite. ».

    Dans les deux cas, celui de Franck et de Louis, la différence de puissance peut être conséquente. Conséquence : une redevance qui n’est pas adaptée à la réalité du terrain.

    Francis Ghigny, le président de la CWAPE (régulateur wallon) :  « Le rendement d’une installation photovoltaïque diminue dans le temps et en fonction de l’orientation, de l’ombrage. »
    « Les gestionnaires réseaux n’ont pas pris en compte le remplacement des onduleurs après 10 ans, à charge des propriétaires. ». Coût de ce remplacement, indispensable : quelque 2000 euros.

    L’administrateur-délégué d’ORES précisait toutefois que « si vous estimez que vous injectez réellement moins que ce qui a été calculé, vous pouvez ne pas payer un forfait. Dans ce cas, il faudra demander la pose d’un compteur intelligent qui mesurera exactement les flux d’énergie ».

    Et quel va être le lien entre la redevance et Qualiwatt ? Pour injecter leur électricité dans le réseau, les installateurs photovoltaïques payeront une redevance de 55 euros / KWpc. Ce sera surtout en été, quand les installations produisent à fond, mais que le besoin en électricité est moindre. En hiver, le même particulier, une fois qu’il a amorti son installation, ne bénéficie plus de 100 % de la compensation (compteur qui tourne à l’envers), mais du terme « commodity », donc du coût de l’électricité hors frais de transports et de distribution (cfr. note du Gouvernement wallon). Cela veut dire que le particulier payera deux fois la redevance voirie : une fois au moment de l’injection du MWh dans le réseau, et une deuxième fois au moment où il sollicitera le MWh pour ses besoins.

    Cinquante-cinq euros Kwc, on peut appeler ça comme on veut, taxe, redevance, tarif, la langue française regorge de synonymes. Mais je ne sais pas si je dois rire ou pleurer quand je lis que le représentant d’ORES parle d’équité entre tous les consommateurs. ORES ne voit qu’une manne financière supplémentaire. Il y a 100000 installations PV en Wallonie pour une moyenne de 5 Kwc par installation, donc 5*55 euros = 275 euros*100000=27.500.000 euros ou 1,109 milliard de francs belges par an. Les actionnaires d’ORES se frottent déjà les mains !!!!! Et pour tous les consommateurs avec ou sans PV pas de réductions de prix !!!!

    Rappelons que les bénéfices d’ORES sont la source des dividendes dont profitent les actionnaires que sont les communes. Le dividende, dont profite la commune, revient – certes - sous forme de services rendus au citoyen. Mais elle a été payée par le consommateur d’une part et d’autre part, elle sera payée par celui qui injecte son électricité dans le réseau. Ce qui porte donc le nom d’un dividende n’est rien d’autre qu’une taxe (redevance) qui n’en porte pas le nom.

    Cinquante-cinq euros par KW crète pour un fournisseur photovoltaïque résidentiel. Quel est le tarif d’injection d’un MWh nucléaire ? Si l’un est payé à ORES, l’autre le sera à Elia – mais tous les deux ont un impact sur la facture finale du client. Pourquoi ne pas avoir creusé la piste que j’ai, à de maintes reprises, évoquée dans le débat, à savoir d’étudier pourquoi le tarif d’injection pour le MWh nucléaire est si bas comparé au tarif d’injection pour le MWh vert ? Ne s’agit-il pas là d’un dispositif qui avantage de façon injustifiée le MWh nucléaire par rapport au MWh alternatif ? N’y a-t-il pas là une question d’équité qui se pose ? Et qui doit intéresser l’UE, gardien du respect des règles de la concurrence ? Et une source de financement à charge de la marge bénéficiaire nette du fournisseur nucléaire(qui avoisine les 3.6 M euros par jour) ? Est-ce que le MWh nucléaire coûtera plus cher après ? Je pense que non, ou alors le fournisseur acceptera que son MWh soit offert à des prix qui ne peuvent plus concurrencer les autres. Il s’agit donc d’une véritable source de financement que l’on doit creuser pour financer entre autres les CV et la bulle, question de ne pas faire reposer sur les seules épaules du consommateur final la totalité du poids du verdissement de l’électricité. Monsieur le Ministre aura-t-il le courage de s'attaquer à cette question ?
  • Réponse du 20/06/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    Le long préambule de l'honorable membre se concrétise finalement par une question principale : celle du tarif réseau proposé par les GRD vis-à-vis des prosumers. Je veillerai donc à apporter des éléments de réponse à cette question.

    Le tarif d’utilisation du réseau que les GRD comptent soumettre pour approbation au régulateur fédéral, la CREG, est une compétence tarifaire et, à ce titre, n’est pas une compétence régionale. Rappelons d’ailleurs que la CREG a approuvé en 2012 un tarif similaire soumis par les GRD flamands. Dans son argumentation, elle s’appuie sur l’égalité de traitement entre utilisateurs de réseau.

    Mais il est évident que la Wallonie entend tenir compte de cette nouvelle donne dans les décisions relatives au photovoltaïque de petite puissance, tant les installations existantes que les installations nouvelles.

    Concernant le futur régime Qualiwatt (soutien global garanti avec prime annuelle), le gouvernement s’est accordé pour intégrer un éventuel tarif réseau dans les hypothèses de coûts de l’installation (au même titre que le remplacement de l’onduleur par exemple). Concrètement, cela veut dire que la prime Qualiwatt sera automatiquement augmentée suite à l’introduction du tarif réseau.

    Quant aux installations existantes, le tarif d’utilisation du réseau, introduit par les GRD si la CREG l’approuve, impactera leur niveau de rentabilité. La probable introduction de ce tarif a donc été prise en compte par le Gouvernement wallon dans le cadre de la solution globale pour la gestion des CV SOLWATT. En réduisant la facture du citoyen non-prosumer, le tarif aura un impact positif sur la facture de chaque wallon.

    À travers les décisions du 30 mai dernier, le Gouvernement wallon a adopté différentes dispositions légales nécessaires à la poursuite de l’opérationnalisation de l’accord du 28 mars 2013 relatif au dossier SOLWATT. Il a également adopté, en première lecture, le projet d’arrêté relatif à la Tarification progressive et solidaire de l’électricité. L’ensemble forme un tout cohérent, posant les conditions pour éviter une nouvelle augmentation de la surcharge Elia et assurant une répartition équitable de celle-ci entre les consommateurs industriels, résidentiels et les prosumers.

    Concernant les suggestions de l'honorable membre sur le nucléaire et les recettes ETS, j’ai déjà pu y répondre à de nombreuses reprises.