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La tarification progressive de l'électricité

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 611 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 27/06/2013
    • de BORSUS Willy
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Le 30 mai 2013, le gouvernement annonçait une décision relative à la mise en place d’une tarification progressive de l’électricité en 2014. L’interview accordé à La Libre du 16 février 2013 avait jeté un coup de froid au sein de la majorité dans la mesure où Monsieur le Ministre annonçait l’arrivée de 500 KWh gratuits.

    Monsieur le Ministre peut-il préciser quels sont les destinataires de cette nouvelle norme de progressivité des tarifs ? En d’autres termes, qui sera soumis à cette nouvelle tarification ? Quelles seront les exemptions ? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi ces exemptions ?

    Le communiqué de presse du gouvernement indique un statut spécifique pour les ménages se chauffant à l’électricité. Monsieur le Ministre peut-il préciser ce sujet ? Comment va-t-on vérifier ce statut ? Qui va gérer cela ?

    Cette différenciation engendre-t-elle la tenue d’une double tarification dans le chef des GRD et des fournisseurs : une partie du public sous tarif progressif et une autre sous tarif actuel ?

    Qu’entend le gouvernement par « se chauffer » à l’électricité ? Plus précisément, les ménages chauffant par exemple leur eau sanitaire par l’électricité sont-ils concernés ?

    Que pensent les GRD et les fournisseurs quant à l’application de cette tarification ? Est-elle praticable ? Si oui, comment et à partir de quelle date ?

    Quant à la « gratuité », le gouvernement a choisi d’offrir 500 KWh aux ménages wallons et 700 KWh, voire 900 KWh, aux ménages sous statut social spécifique. Monsieur le Ministre peut-il préciser ces trois régimes ? Quelle est la justification de cette différenciation ? Par ailleurs, pourquoi avoir opté pour les seuils de 500, 700 et 900 KWh ?

    Qui va finalement payer l’ensemble de cette mesure ? Le Gouvernement wallon précisait que ce serait ceux qui consomment plus de 5.000 KWh. Qui est visé ? Les ménages ? Les PME ? Les entreprises ? Pourquoi ce seuil de 5.000 KWh ?

    En outre, l’entrée en vigueur de ce nouveau régime est avancée pour 2014. Monsieur le Ministre peut-il être plus précis ? Pourquoi ce calendrier ?
  • Réponse du 19/07/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    La tarification progressive et solidaire s’inscrit non seulement dans le cadre de la Déclaration de politique régionale mais également dans le cadre du décret électricité. En effet, en vertu de l’article 34,5°, b de ce décret, des obligations de service public peuvent être instaurées, notamment en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie, afin que les GRD proposent « des formules tarifaires favorisant l'utilisation rationnelle de l'énergie pour la clientèle, à l'exception de la clientèle participant au système d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre. »

    Actuellement, vu l’application de tarifs forfaitaires, plus on consomme, moins cher on paye le kWh. Ceux qui consomment le moins d’énergie sont donc aussi ceux qui payent leur kilowatt le plus cher. Or, selon une étude sur la précarité énergétique réalisée par l’ULB et l’Université d’Anvers en 2011, pour les ménages repris dans le premier décile de revenus, la facture énergétique représente 15 % de leur budget, alors qu’elle représente moins de 3 % du budget des ménages repris dans le dernier décile. En outre, dans une étude sur le sujet, la CREG relève, se basant sur diverses sources telles que les données de l’INS, des calculs du Conseil Supérieur des Finances ainsi qu’une étude réalisée par Inter-environnement Wallonie, qu’il existe une corrélation positive entre la consommation d’énergie et les revenus des ménages (excepté pour les ménages ayant de très petits revenus, du fait notamment de l’importance du chauffage électrique). Il faut donc renverser la tendance pour stimuler les économies d’énergie et soutenir les ménages les plus précarisés dont la facture énergétique grève plus lourdement le budget.

    Le projet d’arrêté adopté en première lecture en séance du gouvernement du 30 mai dernier propose d’instaurer une allocation correspondant à 500 kilowattheures exonérés. Cette allocation de base est majorée de 200 kWh pour les bénéficiaires du tarif social, de 200 kWh pour les familles monoparentales bénéficiant du fonds des créances alimentaires (sous réserve de faisabilité technique à vérifier auprès des fournisseurs et GRD) et de 400 kWh pour les familles nombreuses bénéficiant du tarif social. Cette majoration permet d’apporter un soutien supplémentaire aux clients vulnérables.

    Cette allocation est attribuée au client résidentiel par les gestionnaires de réseau de distribution via le fournisseur du client lors de la facture de régularisation annuelle ou de clôture. Afin de déterminer le montant de l’exonération, la quantité d’électricité exonérée est multipliée par un prix moyen au kWh déterminé annuellement par la CWAPE. Cette allocation URE sera, après exonération des kilowattheures, répercutée en tant que cotisation OSP dans les tarifs des GRD appliqués aux clients résidentiels, en deux taux progressifs. Les montants répercutés permettront d’assurer la neutralité budgétaire globale pour chaque GRD.

    Il sera également tenu compte de situations particulières pour certains ménages. Ainsi, les ménages se chauffant à l’électricité en tant que chauffage principal de leur habitation (et non uniquement pour l’eau chaude sanitaire), de même que ceux utilisant une pompe à chaleur et les prosumers ne se verront pas appliquer le mécanisme de la tarification progressive :
    - concernant les chauffages électriques : les clients résidentiels disposant d’un compteur exclusif nuit ou ayant déclaré un chauffage électrique ne se verront pas appliquer la mesure.
    - concernant les pompes à chaleur : les clients résidentiels ayant bénéficié d’une prime régionale et les clients ayant déclaré une pompe à chaleur en tant que chauffage principal de l’habitation ne se verront pas appliquer la mesure.
    Un contrôle des déclarations pourra être réalisé lors du relevé des compteurs.

    Le tarif appliqué aux clients résidentiels sera donc différent pour ce qui concerne le mécanisme de la tarification progressive et solidaire dans la mesure où certains ne bénéficieront pas et ne contribueront pas.

    Enfin, en cas de compteurs collectifs, des compteurs séparés peuvent être installés. Toutefois, dans la mesure où un compteur dessert plusieurs ménages, l’allocation sera multipliée par le nombre de ménages habitant dans l’immeuble et desservi par le compteur.

    Ceci étant, la répercussion de l’allocation est fixée afin que le point neutre du mécanisme soit établi à 5 000 kWh, soit un peu au-delà de la consommation moyenne des ménages. Les clients ayant une consommation inférieure à 5 000 kWh, soit environ trois quarts des ménages wallons, verront ainsi leur facture diminuer, tandis que les clients ayant une consommation supérieure verront leur facture augmenter, ce qui les incitera, in fine, à réduire leur consommation.

    En 2016, une évaluation sera réalisée par la CWAPE, et l’allocation de base passera à 800 kWh pour les familles nombreuses et à 1 000 kWh pour les familles nombreuses monoparentales.
    L’ensemble de ces principes a été approuvé en première lecture. Des adaptations pourraient encore y être apportées pour tenir compte des avis de la CWAPE, du CESW et du CWEDD . Le texte sera en outre soumis ensuite à l’avis du Conseil d’État.

    Dans une récente carte blanche, différentes associations dont la FGTB, la CSC, le MOC, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, etc. se sont réjouis de la décision du Gouvernement relative à l’instauration d’un mécanisme de tarification progressive et solidaire de l’électricité et ont souligné l’intérêt des différentes mesures envisagées.

    Ces associations soulignent que le « mécanisme de tarification progressive tel que construit par le gouvernement wallon permettra quant à lui de renverser la logique actuelle de dégressivité des tarifs de l’électricité : plus on consomme, moins on paie cher son kWh à l’unité ! Situation aberrante d’un point de vue environnemental à l’heure où nous devons tous agir pour orienter notre société vers la sobriété et l’efficacité énergétique de ceux qui consomment moins. Le niveau de consommation d’électricité d’un ménage étant en général fortement lié à ses revenus – à l’exception notable de la présence d’un système de chauffage électrique, qui doit impérativement être prise en compte! Cette mesure est avant tout une mesure socialement juste et redistributive. Elle envoie également un message environnemental, puisqu’elle permet de garantir un accès à une consommation de base à bas prix, tandis que la surconsommation aura, elle, un coût plus élevé. Il sera néanmoins essentiel de protéger les ménages qui ne disposent pas d’un compteur individuel, les ménages à faibles revenus qui chauffent leur eau à l’électricité (particulièrement les familles nombreuses) et d’inclure l’autoconsommation des ménages disposant de panneaux photovoltaïques dans le niveau de consommation considéré. Des mesures qui permettent d’avancer vers plus de justice sociale et environnementale viennent donc d’être prises. »