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Le non-respect de l'article L1125-10 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 351 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 11/07/2013
    • de BORSUS Willy
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    L’article L1125-10 du CDLD interdit aux conseillers communaux de se voir attribuer, directement ou indirectement, des marchés publics de travaux de fournitures ou de services pour leur commune.

    Cette interdiction vise le fait de prendre part à un marché public, soit directement, soit par personne interposée : il s'agit de l'hypothèse où un tiers apparaît officiellement, alors qu'en fait, le marché profite directement au conseiller communal. Le conjoint m’apparaît comme devant être considéré comme personne interposée.

    Il semblerait que cet article ne soit pas respecté dans certaines communes où des conjoints de conseillers communaux et échevins se voient attribuer des marchés octroyés le plus souvent à l’issue d’une procédure négociée sans publicité.

    Je souhaiterais dès lors connaître l'analyse de Monsieur le Ministre de cette situation. Peut-il davantage cerner l’application de l’article L1125-10 ?

    Comme Monsieur le Ministre l’avait indiqué récemment en Commission, la notion de conflit d’intérêts n’est pas toujours facile à appréhender. La tutelle est-elle saisie de pareils cas ? Quelle est sa jurisprudence en la matière ?

    Quelles seraient les sanctions que pourraient encourir le Collège qui décide de l’octroi du marché, les membres du conseil communal qui l’approuvent et le conseiller communal dont le conjoint ou un parent proche a obtenu un marché?

    Quelles sont les voies de recours possibles qui s’offrent aux soumissionnaires qui s’estimeraient lésés pour des raisons de conflit d’intérêts ou à toute personne qui suspecterait une telle situation ?
  • Réponse du 05/08/2013
    • de FURLAN Paul

    L’analyse de l’article L1125-10 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation a déjà été faite par mon prédécesseur dans sa circulaire du 22 mai 2008.

    Cette dernière reprend les bases légales en la matière, les explique et donne même des exemples issus de notre jurisprudence interne à l’appui de ces explications.

    Pour rappel, l’article en question précise qu’ « il est interdit à tout membre du conseil et du collège :
    1° de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune; »

    En d’autres termes, il est interdit à tout membre du Conseil ou du Collège de déposer une offre dans le cadre d’un marché passé par sa commune.

    Le CDLD ne vise expressément que le membre du conseil ou du Collège et non ses proches. Toutefois, l’adverbe « indirectement » interdit également au membre du conseil ou du collège d’agir par une personne interposée telle que notamment son conjoint. Il en va de même si le membre du conseil ou du collège a un intérêt à l’opération et donc s’il a un rôle d’associé actif dans la société dont il est actionnaire majoritaire, par exemple.

    Cette condition d’intérêt financier est à apprécier au cas par cas.

    Il est important de souligner que si le conseiller ou l’échevin et/ou son conjoint sont simplement employés dans cette société, on ne peut pas considérer qu’ils ont un intérêt étant donné qu’ils ne retireront aucun bénéfice de l’opération.

    En ce qui concerne des décisions jurisprudentielles, j'invite l'honorable Membre à consulter la circulaire précitée.

    En matière de sanction, je ne peux que rappeler l’article 245 du Code pénal « Toute personne exerçant une fonction publique, qui, soit directement, soit par interposition de personnes ou par actes simulés, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont elle avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, ou qui, ayant mission d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation d'une affaire, y aura pris un intérêt quelconque, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 100 [euros] à 50 000 [euros] ou d'une de ces peines, et pourra, en outre, être condamnée à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics ».

    Trois sanctions peuvent être prises selon cet article :

    1. Une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans.
    2. Une amende de 100 à 50.000 euros (pour rappel les montants prévus dans le Code pénal sont, depuis le 1er janvier 2012, à multiplier par 6 au vu du système des décimes additionnels).
    3. Une condamnation à l’interdiction de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.

    Ou encore, en ce qui concerne le Code pénal, l’article 233 du Code pénal, qui punit d'un emprisonnement d'un mois à six mois les personnes qui ont adopté des mesures contraires aux lois ou à des arrêtés royaux auront été concertées, soit dans une réunion d'individus ou de corps dépositaires de quelque partie de l'autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux.

    Sur le plan de la responsabilité, les bourgmestres et les échevins ont qualité d'organe de la Commune dont ils peuvent engager la responsabilité civile sur base de l'article 1382 du Code civil pour des fautes commises dans l'exercice de leur fonction. À cette même occasion, ils peuvent également engager leur responsabilité civile personnelle. La responsabilité pénale est exclusivement personnelle: en conséquence, la personne morale communale peut commettre une infraction mais sa responsabilité pénale pèse sur les personnes physiques (bourgmestre et échevins) par lesquelles elle agit.

    Au niveau disciplinaire, le CDLD organise une procédure de suspension ou de révocation des bourgmestres et échevins en cas de négligence grave ou d’inconduite notoire.

    En matière de voies de recours, un recours en annulation peut être introduit auprès de mon administration dans le cadre de la tutelle générale.

    Si la décision n’a pas encore été mise à exécution, il aura un effet utile et permettra de rectifier la décision prise et d’écarter l’offre remise en méconnaissance de l’article L1125-10 du CDLD.

    Les soumissionnaires lésés peuvent également introduire une action judiciaire en dommages et intérêts auprès des tribunaux compétents.