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La condamnation de la Belgique par le Comité européen des droits sociaux pour sa politique en faveur des adultes lourdement handicapés jugée insatisfaisante

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 216 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 02/08/2013
    • de REUTER Florence
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances

    À la suite de la réclamation collective introduite le 13 décembre 2011 par la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe condamne l’État belge pour le manque de places d’hébergement et de solutions d’accueil adaptées pour les personnes handicapées lourdement dépendantes. Cette condamnation, si elle date de mars dernier, a toutefois été rendue publique ce 29 juillet 2013.

    Comment Madame la Ministre réagit-elle à cette condamnation de la Belgique ?

    Les justifications avancées par la Belgique pour sa défense n’ont pas convaincu le Comité. Les politiques amorcées en Région wallonne telle la mise en place d’une liste d’attente unique ont-elles été jugées insatisfaisantes ?

    Madame la Ministre a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur la prise en charge des personnes en situation de handicap. Mais, comment adapter la politique menée jusqu’ici afin que, comme le demande le Comité, « l’accès égal aux solutions d’accueil soit effectif et pas théorique ».

    À la suite de cette condamnation, Madame la Ministre a-t-elle eu un contact particulier avec ses homologues des autres régions ?
  • Réponse du 02/10/2013
    • de TILLIEUX Eliane

    La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) a introduit une réclamation collective en décembre 2011 contre la Belgique concernant le manque de solutions adaptées de prise en charge des personnes handicapées de grande dépendance.

    Le 22 mars 2013, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a déclaré recevable la plainte introduite par la FIDH. Cette décision relève un certain nombre de manquements de la Belgique dans l'application des dispositions de la Charte sociale révisée : constat de violation des articles 14 paragraphe 1 ainsi que des articles 16, 30 et E. Le CEDS demande aux autorités de prendre des mesures afin de se mettre en conformité avec l'instrument de référence en matière de droits économiques et sociaux.

    Il convient de rappeler que la Belgique fait partie des 14 États membres, sur 33 États parties à la Charte sociale révisée, ayant volontairement accepté de se soumettre à la procédure spécifique des « réclamations collectives » autorisant des organisations habilitées de saisir le CEDS.

    La procédure exige que l'État présente les mesures prises et/ou envisagées en vue de se mettre en conformité avec la Charte. Le Directeur général des Affaires juridiques du SPF Affaires étrangères est l'agent du gouvernement belge en la matière. Il présente la position du gouvernement et coordonne la réaction des autorités suite à un constat de non-conformité.

    Les mesures proposées par la Belgique ont été présentées le 9 juillet dernier au Groupe de rapporteurs sur les questions sociales, en abrégé « GR-SOC », composé de diplomates des 47 États membres du Conseil de l'Europe. Le GR-SOC a été chargé de préparer les décisions du Comité des ministres.

    Nous sommes actuellement dans la dernière phase de la procédure. Il appartient maintenant au Comité des ministres, conformément à l’article 9 du Protocole prévoyant un système de réclamations collectives d’adopter, sur la base du rapport du Comité européen des Droits sociaux, soit une résolution soit une recommandation à l’adresse de l'État Partie mise en cause.

    Quant à l’objet même de la réclamation, apporter aux personnes handicapées adultes, particulièrement aux plus dépendantes et à leurs familles, est au centre de mes préoccupations et les « revendications » de ces dernières sont légitimes.

    Je commencerai par rappeler que le nouveau contrat de gestion, conclu en juin 2012 entre le Gouvernement wallon et l’AWIPH pour une durée de 5 ans (2012-2017), articule l’action de la Wallonie autour de 4 axes stratégiques :
    1. Une société inclusive ;
    2. Un continuum de prestations et un soutien personnalisé aux personnes en situation de handicap ;
    3. Une qualité accrue des services ;
    4. Une organisation plus efficiente.

    Le deuxième axe vise à ce que la personne en situation de handicap dispose du bon service, au bon moment et au bon endroit.

    Pendant de très nombreuses années, l’approche en matière de services à destination des personnes en situation de handicap a été dichotomique et exclusive : soit la personne était au domicile et disposait de très peu de soutien, soit elle bénéficiait d’un service spécifique et disposait alors d’une solution standard tout au long de son existence.

    Cette vision dichotomique ne correspond plus au souhait des personnes et de leur famille qui recherchent davantage à bénéficier du soutien nécessaire prioritairement dans leur milieu de vie. Les services, eux aussi, souhaitent pouvoir répondre de façon plus adéquate aux demandes des personnes.

    Ce soutien dans le milieu de vie ordinaire est assuré par les services ambulatoires (d’aide précoce, d’aide à l’intégration et d’accompagnement) qui favorisent le maintien au domicile. 

    Il s’agit de développer des approches intégrées des besoins et de proposer des solutions diversifiées et coordonnées conjuguant les forces des uns et des autres au service de la personne. Il faut valoriser le rôle des différents acteurs, reconnaître les expertises et les mettre à disposition au sein de la communauté.

    Il s’agit également de proposer des solutions calibrées en fonction des besoins, en privilégiant le développement des compétences, le maintien des acquis et surtout la qualité de vie des personnes.

    Une diversification de l’offre de service est nécessaire pour répondre adéquatement aux besoins spécifiques de tout un chacun.

    À ma demande, l’AWIPH s’emploie depuis le début de la législature à mettre en place une liste d’attente unique en collaboration avec les services agréés.

    Un groupe de travail relatif à la constitution de cette « liste unique » piloté par l'AWIPH a clôturé la première étape de son travail, en l'occurrence l'élaboration d'un dossier d'admission commun pour les structures d'accueil et d'hébergement. Celui-ci a été soumis en septembre 2012 à l'approbation du Comité de gestion de l'AWIPH. Ce dossier commun doit faciliter les démarches des personnes ou de leur famille lors de la recherche d'une structure d'accueil ou d'hébergement.

    Les informations contenues dans ce dossier, tel que le parcours, les attentes, les besoins spécifiques, les souhaits, le délai d'admission souhaité pourront, avec l'accord de la personne ou de sa famille, être partagés avec les autres services d'accueil ou d'hébergement et avec les services de l'AWIPH via une base de données commune.

    Les services qui seraient sollicités par la personne pourraient ainsi rapidement avoir un aperçu de sa situation et cela évitera surtout aux personnes de multiplier les demandes.

    Cette liste unique doit aussi permettre d'avoir une vision plus précise du nombre de personnes en attente d'une solution de prise en charge et surtout une vision des délais dans lesquels une solution est attendue. Des personnes s'inscrivent en effet bien longtemps à l'avance, espérant pouvoir trouver une solution en temps opportun. Par ailleurs, il s'agira de prévoir que les services ne pourront prendre en charge que des personnes figurant sur cette liste. Cette façon de procéder doit permettre de faire coïncider de manière beaucoup plus efficiente l'offre et la demande.

    La liste d’attente actualisée et informatisée permettra de connaître toutes les personnes ayant accompli la démarche administrative auprès des Bureaux régionaux de l’Agence, en ce compris les personnes de grande dépendance.

    Il est dès lors nécessaire de disposer d’informations complémentaires sur les besoins et attentes des personnes de grande dépendance en termes de service social attendu, d’urgence ou non, d’intensité de prise en charge, afin de faire correspondre au mieux les besoins et attentes à l’offre de service. L’Agence sera chargée de réaliser une enquête sur les besoins de prise en charge institutionnelle.

    Depuis 2009, environ 200 places ont été créées dans les services résidentiels et d’accueil de jour pour adultes.
    Cette année, le projet de budget de l’AWIPH réservait une enveloppe de 600 000 euros pour la prise en charge des cas prioritaires. C’est insuffisant pour faire face aux demandes urgentes des personnes et des familles.
    Quant au budget afférent au BAP, il s’élevait à 2 000 000 euros. Vu le nombre de demandeurs en attente de l’octroi d’un BAP, il convenait d’augmenter les moyens dévolus à ce dispositif.

    À ma demande, le Gouvernement wallon a approuvé le budget 2013 de l’AWIPH et m’a chargée de demander à l’AWIPH de me présenter rapidement un ajustement budgétaire afin de dégager une marge budgétaire afin d’augmenter l’offre de service. C’est ainsi que 400 000 euros supplémentaires ont été affectés au BAP et une surréservation de 115 % du budget a été opérée (soit un budget total de 2,4 millions euros portés à 115 % = 2,736 millions euros) ; ceci permet en 2013 d’accorder des BAP à hauteur de 760 000 euros soit entre 75 et 100 nouveaux bénéficiaires.

    Par ailleurs, 274 000 euros ont été affectés aux services d’aide précoce afin d’augmenter d’un cinquième temps l’équipe d’accompagnement de chaque service (actuellement : 1,75 ETP affecté à l’accompagnement et 0,75 ETP pour la direction du service). 20 services d’aide précoce accompagnent environ 2 100 enfants handicapés par an. Ceci devrait permettre d’accompagner environ 300 enfants supplémentaires.

    Enfin, à l’analyse de la consommation du budget relatif aux cas prioritaires, une marge de 1 000 000 euros a été identifiée. Ceci vient s’ajouter aux 600 000 euros déjà prévus. C’est ainsi 1 600 000 € qui seront prévus en 2013 pour faire face à de nouveau cas prioritaire soit au moins 60 cas/places supplémentaires.

    L’objectif est de créer 50 à 60 places supplémentaires chaque année future pour atteindre un minimum de 500 places supplémentaires à l’échéance de l’actuel contrat de gestion (2017). À noter que la création de 500 places d’accueil et d’hébergement représente un budget total d’environ 20 millions d'euros.

    Par ailleurs, les deux mesures qui suivent visent encore à augmenter le nombre de personnes de grande dépendance dans les services d’accueil et d’hébergement et/ou de leur réserver prioritairement les places.


    1. La transformation de places résidentielles pour adultes en logements supervisés.

    Les services résidentiels pour adultes dont la capacité agréée et subventionnée par l’AWIPH est inférieure à 60 places doivent transformer une place (leur capacité agréée et subventionnée est réduite d’une place) en trois places de logement supervisé ; par cette opération, 3 bénéficiaires du Service résidentiel avec un handicap léger ou modéré et une capacité minimale d’autonomie glisseront vers le service de logement supervisé, libérant ainsi 2 places qui seront réservées à de nouveaux bénéficiaires ayant un handicap de grande dépendance. Les services d’une capacité d’accueil et d’hébergement supérieure à 60 places devront quant à eux transformer 2 places résidentielles en 6 places de logement supervisé ; c’est ainsi 4 places en service résidentiel pour adultes qui seront libérées par service au bénéfice de personnes ayant un handicap de grande dépendance.

    Ce processus de transformation va permettre en 2013 d’admettre en service résidentiel pour adultes une soixantaine de personnes ayant un handicap de grande dépendance.



    2. Une réforme des services d’accueil de jour pour adultes.

    Une réforme des modalités d’agrément et de subventionnement des services d’accueil pour personnes handicapées est en préparation. L’objectif est qu’elle entre en vigueur au 1er janvier 2014.

    Il est prévu de permettre une fréquentation à la carte et/ou à temps partiel des bénéficiaires, de manière à répondre au plus près des besoins et attentes des personnes et de leur famille. Cette réforme va induire l’accueil d’un plus grand nombre de bénéficiaires, qui s’élève actuellement à environ 2 400 bénéficiaires adultes. À ce stade, il n’est pas encore possible d’estimer le nombre supplémentaire de bénéficiaires qui pourront être accueillis.

    Par ailleurs, il est nécessaire d’amélioration les infrastructures d’accueil et d’hébergement des personnes handicapées. Un budget total de 30 millions d’euros a été dégagé en mai dernier afin de leur permettre de réaliser des travaux d’entretien et de rénovation de leurs infrastructures, mais également de procéder à des travaux d’aménagement des locaux en lien avec le vieillissement des bénéficiaires et la prise en charge des personnes ayant un handicap de grande dépendance.

    Ce budget de 30 millions d'euros permettra de lancer un programme d’investissement de 5 millions d'euros chaque année pendant 6 ans. Ces travaux amélioreront la qualité de la prise en charge et le bien-être des bénéficiaires.

    Diversifier l’offre de service, c’est aussi et surtout mettre en place des dispositifs de soutien à domicile

    Le budget d’assistance personnelle existe depuis 2009 et permet le maintien à domicile de 250 personnes handicapées. La formule répond à un réel souhait des personnes.

    En 2013, la Wallonie a dégagé des moyens budgétaires afin de répondre à 75 à 100 demandes supplémentaires, ce qui portera le total de personnes bénéficiaires d’un budget d’assistance personnelle à environ 350.
    L’objectif est d’accroître le budget de cette politique afin de rencontrer les attentes de 100 bénéficiaires supplémentaires annuellement pour atteindre au moins 750 bénéficiaires en 2017.

    Les services d’Aide précoce aux enfants et à leur famille, d’Aide à l’intégration pour les adolescents, d’Accompagnement pour les adultes soutiennent aujourd’hui 7 500 personnes.

    En 2013, des moyens budgétaires ont été dégagés afin de renforcer le personnel des services d’Aide précoce et ainsi accroître de 300 le nombre de bénéficiaires de ces services. L’objectif est d’atteindre 9000 bénéficiaires de ces services en 2017.

    Enfin, l’AWIPH finance des projets innovants afin de diversifier l’offre d’aide et d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
    Ces projets visent des personnes présentant un handicap plus léger et offrent une aide en milieu de vie ordinaire. Il s’agit de projets tels que :
    - des activités de valorisation et d’utilité sociale ou activités citoyennes qui occupent environ 200 bénéficiaires ;
    - des logements supervisés : 109 bénéficiaires ;
    - des services de répit pour les proches : 900 bénéficiaires.
    L’objectif est d’atteindre jusqu’à 4 000 bénéficiaires en 2017 et de pérenniser ces projets pilotes via une réglementation wallonne.

    Par cette politique de diversification, la Wallonie entend également réserver prioritairement les places en services résidentiels aux personnes de grande dépendance.

    Les mesures que je propose pour atteindre les objectifs de la Charte visent à remplir les trois critères suivants :
    1) une échéance raisonnable : un phasage des mesures et une échéance raisonnable, en l’occurrence 2017 ;
    2) des progrès mesurables : une programmation d’ouverture de places est proposée ainsi qu’une objectivation du manque effectif de places avec un calendrier de mise en œuvre ;
    3) un financement utilisant au mieux les ressources qu'il est possible de mobiliser : la dotation de l’AWIPH s’élève à 582 millions € soit plus de 8 % du budget de la Wallonie et près de 60 % du budget du département de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des chances. Les mesures proposées auront pour certaines un impact budgétaire et, pour d’autres, permettront d’augmenter le nombre de personnes ayant un handicap de grande dépendance prises en charge à budget constant.