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La taxation des tracteurs agricoles

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2013
  • N° : 446 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 23/08/2013
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Si l'exonération du paiement de l'eurovignette et de la taxe de circulation par les tracteurs agricoles est totalement justifiée lorsque ces engins sont utilisés à des fins purement agricoles et ne fréquentent qu'exceptionnellement les routes, cette justification n'est plus de mise lorsque l'on constate que certains tracteurs sont dorénavant utilisés par l'industrie du bâtiment ou d'autres et remplacent ainsi des transporteurs qui sont soumis au payement desdites taxes, créant de facto une distorsion de concurrence et une perte de recettes pour la Wallonie.

    Monsieur le Ministre est-il conscient du phénomène ? Quelle est son ampleur? Comment aborde-t-il la question ? Quelles sont les mesures prises pour éviter l'abus ? A-t-il déjà été interpellé par l'UPTR sur le sujet ? Quelle fut sa réponse et quel fut le suivi ? Quelle est la perte fiscale estimée par la fraude à l'absence de paiement de l'eurovignette et de la taxe de circulation ?

    Quel est le nombre de tracteurs agricoles recensés en Wallonie ? Quelle est la proportion par province ? Quel est le pourcentage des engins agricoles qui ne sont pas exclusivement utilisés pour l'agriculture ? Monsieur le Ministre dispose-t-il d'informations précises ? À défaut, comment compte-t-il pouvoir les obtenir et procéder aux vérifications utiles ? Comment s'effectuent le contrôle et la surveillance sur le territoire wallon ? Une fois de plus, l'absence d'administration fiscale wallonne propre n'est-elle pas génératrice de la perte d'entrées ?

    La Wallonie ne devrait-elle pas calquer sa jurisprudence sur celle de la Région flamande, à savoir que le tracteur agricole doit acquitter les taxes suscitées dès lors que les véhicules sont utilisés à des fins autres qu'exclusivement agricoles ?
  • Réponse du 14/10/2013
    • de ANTOINE André

    L'honorable membre met ici le doigt sur un constat qui m'a également interpellé. En effet, de plus en plus de tracteurs agricoles sont utilisés à d'autres fins que des travaux agricoles, sylvicoles, horticoles et piscicoles. Ce type de moyen de transport est d'ailleurs en passe de supplanter les camions standards utilisés par les terrassiers.

    Comme nous le verrons, cette évolution est uniquement liée à la problématique accisienne et fédérale de l'utilisation du gasoil rouge comme carburant pour des véhicules agricoles.

    Quel est l'intérêt fiscal d'utiliser des tracteurs agricoles pour des travaux de terrassement ? Le fait générateur se trouve d'abord au niveau accisien. Pour mieux percevoir l'évolution actuelle, il faut remonter à une période antérieure à 2004. Précédemment celle-ci, seuls étaient autorisés à rouler au gasoil détaxé "rouge" les agriculteurs disposant de ce l'on appelait un "contingent agricole". Des démarches étaient nécessaires vis-à-vis de l'Administration fédérale des Douanes et Accises pour obtenir cette autorisation et un contrôle était réalisé afin de vérifier que les conditions d'utilisation étaient remplies.

    Le 27 décembre 2004, le Ministre des Finances de l'époque, Monsieur Didier Reynders a profondément modifié le 'Code accises' par la parution d'une loi-programme. Les contingents agricoles furent remplacés par un nouveau type d'autorisation "produits énergétiques et électricité". De plus, une grande souplesse fut alors octroyée par ce dernier et son administration quant à l'utilisation du gasoil détaxé "rouge" comme carburant de tracteurs agricoles. L'objectif était sans doute de permettre aux agriculteurs en période d'automne et d'hiver de pouvoir pratiquer quelques travaux complémentaires en dehors de leur activité principale qu'elle soit agricole, horticole, sylvicole ou piscicole.

    Avec le temps, les entrepreneurs en terrassement se sont également dotés de tracteurs agricoles et de remorques agricoles pour effectuer le transport des terres. Grâce à l'interprétation susdite, ils purent utiliser un gasoil "rouge" en grande partie défiscalisé.

    Cette situation crée donc une concurrence déloyale par rapport aux entrepreneurs utilisant des camions standards. En effet, les tracteurs agricoles n'étaient pas soumis au contrôle technique périodique, ni aux contraintes de charge par essieu, ni aux obligations des licences en matière de transport de marchandises.

    Le Secrétaire d'État à la Mobilité, Melchior Wathelet, vient, toutefois, d'y mettre bon ordre avec l'aide de son collègue fédéral des Finances, Koen Geens.

    Ainsi, l'arrêté royal du 07 mai 2013 relatif à l'immatriculation des tracteurs agricoles ou forestiers modifiant l'arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l'immatriculation des véhicules prévoit de doter d'une marque d'immatriculation spécifique les tracteurs agricoles utilisés à des fins de travaux agricoles, horticoles, sylvicoles et piscicoles, et propriété d'un titulaire d'une autorisation "produits énergétiques et électricité" uniquement dédiée aux agriculteurs ou assimilés, et octroyée par le SPF Finances. Bien entendu, une période transitoire est prévue afin de convertir toutes les plaques anciennes aux nouvelles de type "agricole" et précédée par un G, en lettres blanches sur fonds carmin. Dès le 1er janvier 2014, les tracteurs de moins de 5 années devront arborer les nouvelles marques d'immatriculations. Et selon les termes de l'arrêté, l'ensemble du parc de véhicules agricoles ou assimilés devraient être converti au nouveau modèle pour le 1er janvier 2015.

    Quant à l'exonération en matière de taxe de circulation, elle est visée par une disposition reprise à l'article 5, § 1er, 6° du code des taxes assimilées à l'impôt sur les revenus (CTA) qui précise que sont exonérés les véhicules utilisés exclusivement pour effectuer les travaux agricoles.

    Sur ce point, il n'y a eu aucune modification récente ou ancienne de la législation fiscale.

    Dans les faits, le SPF Finances focalisait ses contrôles sur la détection d'une utilisation illicite de gasoil rouge plutôt que sur le contrôle du paiement de la TC.

    Ceci est encore une fois la preuve qu'il faut, dès que possible, transférer, à l'échelon régional, la compétence en matière de fiscalité des véhicules (taxe de circulation, taxe de mise en circulation et eurovignette).

    Dès janvier prochain, cela sera chose faite et grâce aux nouvelles dispositions légales, le tri sera plus aisé entre les vrais et les faux tracteurs agricoles. Les taxes qui auraient été éludées en son temps seront donc à nouveau perçues par la Wallonie.