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L'impact du "grand" éolien sur les certificats verts

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2013
  • N° : 48 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 03/10/2013
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Dans son avis rendu le 16 septembre 2013, la CWAPE prend position sur le thème des « trajectoires et taux d'octroi proposés pour les filières du grand éolien et du photovoltaïque 10 kW ». Cet avis est la base de mon intervention.

    La note au Gouvernement wallon du 11 juillet 2013 propose de réduire pour le grand éolien le taux d'octroi nominal de certificats verts à 0,9 CV/MWh. La durée d'octroi n'est pas précisée et est supposée être maintenue à 15 ans dans le présent avis. Pour la filière éolienne, la durée de vie économique considérée est de 20 ans. On considère que pour un parc éolien l'électricité produite est entièrement injectée sur le réseau (pas d'autoconsommation).

    La CWAPE base son avis sur les simulations réalisées par le bureau d'études 3E 5 (Étude relative à l'adaptation des taux d'octroi de certificats verts, étude réalisée pour le compte du SPW, DGO4). Le taux interne de rentabilité moyen des projets serait de 5,6 % avec un taux d'octroi de certificats verts de 0,9 CV/MWh. Dans son étude, 3E recommande toutefois le maintien pour la filière éolienne du taux de référence actuellement en vigueur de 8 %.

    Compte tenu des facteurs de risque plus élevé de la filière éolienne par rapport à la filière solaire PV 10 kW, en particulier les incertitudes spécifiques concernant le cadre réglementaire permettant le développement des parcs éoliens, la prise en compte d'un taux interne de rentabilité de référence inférieur à 8 % constitue pour la CWAPE un élément supplémentaire susceptible de compromettre le suivi effectif de la trajectoire proposée par le Gouvernement wallon pour cette filière sur la période 2014-2020.

    Par conséquent, dans la suite de l'analyse, la CWAPE retient un taux de rentabilité de 8 % pour la détermination du taux d'octroi nominal de certificats verts pour la filière éolienne. Je ne vais pas torturer Monsieur le Ministre avec des considérations d'ordre technologique, ni avec les pronostics en matière de montant d'investissement par kW installé, ni avec la valeur de l'électricité vendue, ce dernier paramètre étant basé sur des hypothèses plutôt difficiles à apprécier autrement que par extrapolation.

    Intégrant ces données dans le calcul, on constate qu'avec un taux d'octroi de 1 CV/MWh, on atteint le taux de rentabilité de référence de 8 % pour les facteurs de charge supérieurs à 2 000 heures par an. Pour un taux d'octroi de 0,9 CV/MWh, le taux de rentabilité de 8 % est atteint pour les facteurs de charge supérieurs à 2.150 heures par an. L'application d'un taux d'octroi de 0,8 CV/MWh nécessite des facteurs de charge supérieurs à 2.300 heures par an, soit des valeurs en dehors des plages retenues par la CWAPE.
    La CWAPE constate que le taux d'octroi nominal pour la filière éolienne peut être réduit à 0,9 CV/MWh. Pour atteindre un taux de rentabilité de 8 %, cela suppose toutefois des caractéristiques plus favorables en termes de coût d'investissement (1 500 EUR/kW) et de facteur de charge (25 %). Ces contraintes plus strictes pourraient dès lors conduire à l'abandon de certains projets et par conséquent freiner le développement de la filière en Wallonie.

    Voilà pour ce qui concerne l'intérêt du producteur-investisseur. Qu'en est-il maintenant de l'intérêt du consommateur à qui on facturera au bout de la chaîne le CV accordé pour amortir l'investissement et pour garantir un taux de rentabilité attractif. C'est à vrai dire la même question que celle qui se pose dans le chef de la filière du photovoltaïque, mais à un degré nettement moins troublant.

    Pour ce qui concerne l'impact au niveau de l'offre de certificats verts, la CWAPE compare l'évolution de l'octroi de certificats verts pour la filière éolienne par deux scénarios. Le premier scénario considère le maintien du taux d'octroi nominal de 1 CV/MWh. Le deuxième scénario considère une révision du taux d'octroi nominal à 0,9 CV/MWh pour les nouvelles installations à partir de 2014 . Pour les deux scénarios, la trajectoire progressive proposée par le gouvernement wallon est supposée suivie.

    La CWAPE estime que, dans l'hypothèse d'une trajectoire progressive de construction d'éoliennes, le nombre de CV (2012-2020) en faveur des éoliennes existantes en 2013 est de l'ordre de 11.5 millions. Suivant le scénario 1CV/MWh pour les nouvelles éoliennes (2014-2020), on ajoutera 8.9 millions de CV et suivant un scénario de 0.9 CV/MWh, on ajoute 8 millions de CE, ce qui fait au total, suivant le scénario choisi, 20.3 millions ou 19.4 millions de CV que le marché devra absorber, la différence entre les deux scénarios étant de 0.9 million CV arrondis. Si la trajectoire de construction d'éoliennes entre 2014 et 2020 se fait de façon linéaire, l'impact en termes de CV sera plus important (+ 1 million de CV pour les deux scénarios). Dans l'hypothèse d'un CV au prix moyen de 75 euros, l'éolien pèsera rien qu'en termes de CV entre 1.3 et 1.5 milliard euros sur la facture du consommateur.

    Dans ses conclusions la CWAPE estime qu'un taux d'octroi de 0,9 CV/MWh permet en effet d'atteindre des taux de rentabilité internes de 8 % pour les projets performants (facteur de charge de 25% et coût d'investissement de 1500 euros/kW). Elle estime qu'un taux de rentabilité de 8 % est nécessaire pour atteindre en 2020 l'objectif des 3.800 Gwh/an - faute de quoi il existe un risque réel que cet objectif ne soit pas atteint.

    Quel est l'avis du Gouvernement wallon sur la question de la rentabilité et donc sur le nombre de CV/MWh à accorder en tenant compte des caractéristiques techniques, de la charge moyenne annuelle et de l'évolution probable du prix du kWh facturé au consommateur ? Monsieur le Ministre est-il d'accord avec le calcul que j'ai fait en matière de coût de la filière en termes de CV facturés au consommateur final ? Va-t-on faire une différence entre consommateurs résidentiels et professionnels ?
  • Réponse du 23/10/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je constate que l'honorable membre a pris connaissance avec attention du récent avis de la CWaPE et je m’en réjouis.

    Effectivement, grâce à l’adoption par le Gouvernement wallon d’une trajectoire progressive plutôt que linéaire jusqu’en 2020, on réduit l’impact pour les consommateurs wallons d’environ 1 million de certificats verts (CV) d’ici 2020. Et le passage à un taux d’octroi de 0,9 CV/MWh au lieu de 1 CV/MWh permet d’économiser un peu moins d’un million de CV supplémentaires. Bref, la décision prise par le Gouvernement wallon génère un gain d’environ 2 millions de CV d’ici 2020 par rapport à un scénario ‘business as usual’, soit 130 millions d'euros de gain pour l’ensemble des consommateurs wallons.

    La CWaPE pointe à juste titre la sécurisation nécessaire des projets éoliens, notamment à travers l’adoption prochaine du futur décret éolien. C’est pourquoi le nouveau taux d’octroi proposé de 0,9 CV/MWh ne sera effectif qu’à partir de l’adoption définitive du décret éolien. La sécurité juridique accrue pour les investisseurs permettra de limiter le niveau de soutien à ce qui est strictement nécessaire pour assurer un rendement raisonnable et légitime aux investisseurs.

    Les estimations de l'honorable membre relatives à l’impact économique du développement éolien en Wallonie à l’horizon 2020 doivent être nuancées. Toutes les formes d’énergie ont bénéficié et continuent encore à bénéficier de soutien de la part des pouvoirs publics. Prenons le cas actuellement du nucléaire en Grande Bretagne : en vertu du contrat décroché par EDF, la Grande-Bretagne s’engagera à lui racheter pendant 35 ans l’électricité des réacteurs pour un montant de 109 euros par MWh, soit le double du prix en vigueur outre-Manche. À titre de comparaison, l’éolien en Wallonie bénéficie d’un soutien global de 105 euros par MWh pendant 15 ans (65 euros via les certificats verts et 40 euros via la revente de l’électricité injectée). Le contrat britannique pour la construction de deux réacteurs prévoit 16 milliards de livres (soit 18,9 milliards d’euros), soit plus que les coûts actuels de l’EPR, qui ne cessent d’augmenter, et près de 9,5 milliards d’euros par réacteur (1 650 MW). Quant aux énergies fossiles, les différents rapports internationaux montrent qu’elles continuent de bénéficier de subsides bien plus importants que le soutien aux renouvelables.

    Au niveau du bilan économique pour la Région wallonne, il est peu pertinent de cumuler les chiffres de coût de soutien sur plusieurs années, comme l'honorable membre le propose, sans mettre ces chiffres en regard des bénéfices engendrés par ces niveaux de soutien. Il est plus approprié de comparer par exemple le coût de soutien aux économies de combustibles générées par les projets éoliens. Si l’on compare le coût de soutien cumulé pour arriver à 3.800 GWh de production éolienne en 2020, et les coûts évités par cette production d’électricité en terme de non-achat de combustibles (gaz) et de non-émission de CO2, on arrive à un bilan largement positif de l’ordre de 1 milliard € d’ici 2035 (dernière année de soutien aux éoliennes installées en 2020).

    En outre, il convient de garder à l’esprit que le coût du développement des renouvelables (ainsi que l’adaptation des réseaux de transport qui en découle) ne représente pas des dépenses perdues pour la société, mais des investissements en infrastructure générant de la valeur ajoutée et de l’emploi. Le président du cluster TWEED a d’ailleurs réalisé un exercice intéressant dans lequel il démontre tout l’intérêt de l’investissement dans l’éolien au regard de la balance commerciale pour notre région.
    Pour mémoire, selon l’étude « Macro-economic impact of the Wind Energy sector in Belgium » publiée par le consultant Deloitte en novembre 2012, le secteur éolien en Belgique générait en 2011 6.225 emplois directs et indirects. AGORIA cite un chiffre comparable dans une étude publiée en juillet 2012. La fédération de l’industrie technologique en Belgique cite le chiffre de 6.040 emplois pour l’année 2011 pour tout le secteur éolien.

    D’après la méthodologie de répartition entre régions belges utilisée par Deloitte, le secteur éolien en Wallonie générait en 2011 3.182 emplois directs et indirects. Ces emplois se répartissent comme suit :

    Développeurs – producteurs 345
    Fabricants 1639
    Fournisseurs de services spécifiques 1198
    Total emplois wallons 3182

    En 2011, l’ASBL Cluster TWEED a réalisé une cartographie de l’ensemble des entreprises wallonnes qui ont développé une expertise dans la chaîne de valeur de l’éolien. L’étude regroupe tant des industries que des bureaux d’études, des centres de R&D, des fabricants de composants, ainsi que des centres de formation. La cartographie a recensé 80 entreprises wallonnes, qui sont présentées sur le site www.windturbinewallonia.be. Je suggère à l'honorable membre de consulter ce site internet pour toute information utile.

    À l’horizon 2030, l’étude Deloitte estime que le nombre d’emplois directs et indirects que le secteur éolien pourrait créer en Belgique s’établirait, selon le niveau de pénétration du secteur éolien, entre 12.524 et 16.069. L’étude Deloitte est disponible sur internet.

    Enfin, le régime des certificats verts prévoit bien un régime de réduction partielle pour les entreprises qui sont engagées dans une démarche d’accord de branche.