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La transition énergétique

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2013
  • N° : 148 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 07/11/2013
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Je voudrais partager avec Monsieur le Ministre les conclusions d'un article de Christopher Booker dans le Telegrah pour le moins interpellant : « The National Grid's latest plan is taking off into the weirdest scheme yet, thanks to our politicians' obsession with wind turbines » « L'éolien « propre » n'est rendu possible que par l'utilisation d'énergies dites sales, comme le diesel. » (Richard North, 5 août 2013, depuis Bradford, Royaume uni).

    Le sujet traite du programme mis au point par le réseau d'électricité National Grid, pour résoudre ce qui a longtemps été un des problèmes les plus insolubles créés par le plan du gouvernement de dépenser 110 milliards de livres sterling en 7 ans pour bâtir des dizaines de milliers d'éoliennes supplémentaires. Le problème est de garder équilibré le réseau à haute tension, quand il doit encaisser toutes ces fluctuations sauvagement imprévisibles de la vitesse du vent.

    La réponse trouvée par le réseau National Grid, uniquement rendue possible par les dernières technologies informatiques et le « cloud », est de connecter des milliers de générateurs au diesel, contrôlés à distance par le réseau, pour fournir un secours presque instantané quand le vent chute. Cette problématique se posera immanquablement en Belgique quand on déconnectera le nucléaire au même rythme qu'on connecte les éoliennes, peut-être sur base d'unités de type turbines à gaz qui seront, à leur tour, également subventionnés par l'autorité publique. A quel taux par MWh produit, cela reste à voir. Il s'agit en tout cas d'un exercice que le ministre n'a pas intégré dans son calcul lorsqu'il parle de l'éolien qui générerait 1 milliard à la Région wallonne.

    Initialement cette « réserve opératoire à court terme » envisageait de ne se reposer que sur les générateurs de secours existants, la plupart, propriété d'établissements publics comme des hôpitaux, des prisons ou des installations militaires, qui gagneraient des centaines de millions de livres payées par les contribuables par le biais d'une « taxe furtive » sur les factures d'électricité.

    Mais l'aubaine ainsi proposée est si lucrative que des douzaines d'entreprises privées, avec des noms comme Renewable Energy Generation et Power Balancing Services, se précipitent pour encaisser en construisant des « centrales électriques virtuelles », capables de générer jusqu'à 20 MW ou plus, sachant qu'elles peuvent s'attendre à toucher 47 000 livres sterling ou plus en « paiements pour disponibilité » pour chaque mégawatt de capacité, avant même d'avoir généré la moindre unité d'électricité. Il s'agit clairement d'une dérive, d'un effet d'aubaine....

    Est-ce là un scénario que nous devons également craindre pour la Région wallonne ? Est-ce éventuellement le moment d'encourager plus l'investissement résidentiel dans la micro-cogénération télécommandée selon la méthode du « Schwarmstrom » ? Ou éventuellement de négocier avec les industries grandes consommatrices d'électricité (tels que la chimie p.ex.), d'investir dans une surcapacité de production de courant électrique dont on peut se servir en cas de sous-production par l'éolien ? Quelle stratégie Monsieur le Ministre favorise-t-il pour compenser le caractère intermittent de l'éolien ?

    Une transition énergétique se prépare, cet exemple démontre toute l'ironie tragique d'une décision "noble" à la base mais dont sa mise en oeuvre produit l'effet inverse escompté vu que ces générateurs diesel crachent presque autant de CO2 par unité électrique produite, que n'importe laquelle de ces centrales dites « polluantes »...
  • Réponse du 29/11/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    Préalablement, il est important de souligner que l’article en question, écrit par le climato-sceptique notoire Christopher Booker a été vivement critiqué par le National Grid qui a tenu à y apporter un ferme démenti. Un système de générateurs au diesel est effectivement géré par le GRT anglais sous le nom de Short Term Operating Reserve (STOR) – Réserve opératoire à court terme. Ce système permet essentiellement aux secteurs sensibles (hôpitaux, bâtiments officiels,…) de disposer d’une alimentation de secours en cas de coupures électriques subites, donc, essentiellement, pour contrebalancer les défaillances possibles des grandes unités de production comme les centrales TGV ou les centrales nucléaires. National Grid considère que ce système ne pourra jamais être utilisé pour équilibrer le réseau avec l’apport croissant des sources renouvelables et envisage des méthodes plus conventionnelles pour y arriver (essentiellement via des centrales TGV ou autres).

    De tout temps, les gestionnaires de réseaux ont dû faire face à la fluctuation des productions et des consommations dans le cadre de l’équilibre du réseau. En effet, si les productions sont globalement assez stables, les consommations varient en permanence.

    Pour bien comprendre la problématique, il est important de rappeler que, historiquement, le système électrique a été dimensionné de manière telle que le parc de production puisse s’adapter aux variations de consommation. Des mécanismes tarifaires ont toutefois été mis en oeuvre en distribution (tarifs bihoraire, exclusif de nuit) de manière à optimiser les investissements associés au réseau et au parc de production. Ces mécanismes ont certes permis un certain développement de la gestion active de la demande pour les clients résidentiels, mais de manière statique, c’est-à-dire sans possibilité d’intervention en fonction d’événements constatés ou prévisibles à brève échéance. Au niveau des gros consommateurs industriels, la pratique existe depuis longtemps de conclure avec les fournisseurs ou avec le gestionnaire du réseau de transport des contrats de modulation ou d’interruptibilité de la consommation.

    La garantie de la stabilité du réseau suite à l’apport croissant de renouvelable (éolien et solaire essentiellement) dans le mix énergétique est, évidemment, un enjeu de majeur dans le cadre de la transition énergétique.

    L’intégration de productions locales et leur accès au réseau, introduit un changement majeur pour la gestion du système puisqu’une part croissante du parc de production entraine des besoins accrus de flexibilité.

    Ces besoins émanent des différents acteurs du marché de l’électricité, entreprises commerciales comme régulées et peuvent être distingués comme suit:
    - le gestionnaire du réseau de transport veille à l’équilibre global de sa zone de réglage. Il y maintient la stabilité du réseau. Pour remplir cette mission de gestionnaire du système, le GRT dispose de moyens de réglage convenus avec les producteurs et certains consommateurs raccordés à son réseau, agrégés ou non. Il répercute également la responsabilité d’équilibre vers les parties commerciales (responsables d’équilibre) en leur facturant les déséquilibres constatés;
    - les acteurs commerciaux, agissant en leur qualité de responsable d’équilibre, sont donc incités à assurer l’équilibre pour les clients dont ils ont la charge. Les acteurs commerciaux remplissant le rôle de fournisseur sont également chargés de la gestion de la “commodité”, en veillant à la correspondance entre l’achat d’électricité sur le marché de gros et sa vente sur le marché de détail pour les clients dont ils ont la charge;
    - les gestionnaires de réseau, en transport comme en distribution, veillent également à maintenir l’accès à leur réseau. Pour ce faire, ils développent, entretiennent et exploitent le réseau de manière à prévenir, entre autres l’occurrence de congestions locales.

    Concernant l’équilibrage du réseau haute tension, un récent projet européen « TWENTIES » a rassemblé, entre autres, les principaux gestionnaires de réseau de transport européens en vue de « tester, développer et mettre en œuvre, de manière significative, de nouvelles technologies afin d’augmenter en toute sécurité la production d’énergie éolienne dans le système électrique européen à horizon 2020 ». Une des conclusions du rapport final de ce projet est qu’une interconnexion au niveau européen des parcs éoliens permet un certain équilibrage du réseau et un meilleur réglage de la tension. En effet, il est important de rappeler que les conditions de vent ne sont évidemment pas égales partout sur un territoire donné et qu’une bonne dissémination des parcs éoliens, un foisonnement correct des éoliennes et une bonne interconnexion entre elles permettent de compenser les fluctuations de vent qui pourraient apparaître. Et donc permettre ainsi d’améliorer la stabilité du réseau.

    Le stockage d’énergie offre également quelques perspectives en termes d’équilibrage du réseau, mais ne peut résoudre à lui seul les problèmes causés par l’intermittence de la production issue du renouvelable. Afin de répondre à la question de la place que pourra prendre le stockage dans le futur réseau électrique, le Département de l’énergie de la DGO4 et le Département de la Recherche de la DGO6 ont lancé un programme mobilisateur dont l’un des objectifs est de mieux comprendre les opportunités qu’offre le stockage.

    L’évolution du système électrique, dominée ces dernières années par l’intégration accrue de productions décentralisées et la numérisation croissante de l’économie, conduit les opérateurs à élargir l’intérêt porté au potentiel offert par une gestion plus dynamique de la demande.

    Le développement à grande échelle des technologies de l’information et la communication constitue une opportunité face à l’émergence de ces nouveaux besoins, dans la mesure où il est dorénavant possible de lever les contraintes techniques empêchant une gestion plus dynamique des flux d’électricité transitant par les réseaux, tant en injection qu’en prélèvement. 

    La solution décrite dans l’article du Télégraph semble se porter exclusivement sur l’augmentation de la capacité de production. Cette option n’est pas celle retenue en Wallonie. Le développement de la gestion active de la demande fait l’objet d’attention accrue à différents niveaux et progresse rapidement. Outre la concertation des acteurs réalisée au sein du GT REDI, plusieurs actions sont menées dans ce cadre.

    1° L’avant-projet de décret électricité intègre des dispositions visant à assurer l’intégration des productions décentralisées à moindre coût par le biais des raccordements flexibles et de la gestion active de la demande.

    2° En 2013, le gestionnaire du réseau de transport, ELIA, a pour la première fois lancé un appel d’offres de flexibilité issue de clients raccordés en distribution. Les régulateurs belges de l’énergie, réunis au sein du FORBEG, ont reçu la demande conjointe des quatre ministres de l’Énergie de réaliser un rapport sur les priorités en vue du développement de la gestion active de la demande.

    3° Enfin, au niveau wallon, la CWaPE a lancé en 2013 un forum régional sur la flexibilité (Forum RéFlex) afin de recueillir le retour d’expérience des projets pilotes lancés par les gestionnaires de réseau en matière de gestion active de la demande. Ce forum présentera un premier rapport d’activité dans le courant de l’année prochaine.