La politique de cohésion 2014-2020 et ses conséquences pour la Wallonie
Session : 2013-2014
Année : 2013
N° : 55 (2013-2014) 1
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Question écrite du 27/11/2013
de TROTTA Graziana
à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
Le 20 novembre dernier, le Parlement européen a adopté un paquet de six règlements constituant la nouvelle politique de cohésion de l'Union européenne pour les années 2014 à 2020.
Ces règlements concernent les dispositions communes, le FEDER, le FSE, le Fonds de cohésion, la coopération territoriale européenne et enfin le Groupement européen de coopération territoriale.
Monsieur le Ministre-Président peut-il me dire quelles sont selon lui les avancées significatives de ces règlements pour la Wallonie ?
Quelles sont les conséquences principales de ces règlements pour notre région et notamment pour le Hainaut ?
De manière plus particulière, quelles sont les implications à notre niveau de la création d'une nouvelle catégorie de régions, les régions en transition, dont le PIB est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne ?
Certains disent que les textes engendreront une politique de cohésion plus simple, plus transparente et associant plus étroitement les autorités régionales des pays membres.
Sur ce dernier élément, les nouvelles règles prévoient pourtant une conditionnalité macro-économique, puisque les fonds structurels (FEDER, FSE et Fonds de cohésion) et les fonds d'investissement sont liés à une gouvernance économique adéquate dans l'UE.
Cette conditionnalité pourrait entraîner la suspension des fonds en cas de déséquilibre macro-économique national ou de déficit budgétaire excessif.
Quelle institution aura le dernier mot en matière de suspension des fonds ? Les nouvelles règles définissent-elles précisément le «déséquilibre macro-économique national» et le «déficit budgétaire excessif» ? Ces mesures «sanctions» sont-elles précédées ou accompagnées de mesures de soutien des autorités nationales et régionales dans le cadre de cette gouvernance économique dans ces cas de figure ? Quel est l'avis du Ministre-Président sur cette conditionnalité macro-économique ?
Réponse du 12/12/2013
de DEMOTTE Rudy
La Politique de Cohésion pour les années 2014-2020 s’aligne sur la stratégie « EUROPE 2020 » adoptée par l’Union européenne pour les 10 prochaines années (« L’Europe doit devenir une économie intelligente, durable et inclusive »). Elle est marquée par la volonté de mettre l’accent sur les résultats, d’imposer une concentration thématique et de respecter une série de conditionnalités (ex-ante, thématiques et ex post), soit de manière générale par une intensification des conditions et obligations à respecter dans le cadre de la mise en œuvre des fonds européens, ce qui, contrairement à ce que d’aucuns pensent, ne tend pas à simplifier la politique de cohésion (cfr conditionnalité macroéconomique ci-après).
La principale victoire engrangée par la Wallonie lors des négociations sur ces règlements porte, comme vous le mentionnez, sur la création, à côté des régions moins développées (PIB/hab < 75 % de la moyenne européenne) et des régions plus développées (PIB/hab >90 % de la moyenne européenne), d’une catégorie intermédiaire, celle des régions en transition, qui regroupe les régions dont le PIB/hab est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne. Sans cette catégorie intermédiaire, l’ensemble du territoire wallon aurait été logé à la même enseigne que des régions telles que l’Inner London ou le Grand-Duché du Luxembourg qui occupent la tête du classement des PIB régionaux par habitant. Cette avancée pour la Wallonie n’est pas sans impact sur l’enveloppe qui lui est allouée. Sans cette catégorie intermédiaire, on sait que son allocation théorique aurait été très inférieure au résultat finalement obtenu. De plus, pour cette enveloppe transition, la Wallonie est pratiquement exemptée des négociations de répartition entre entités fédérées et fédérales puisqu’en Belgique seules les provinces wallonnes de Hainaut, de Namur, de Liège et du Luxembourg sont éligibles au sein de cette catégorie intermédiaire. Au sein de la Wallonie, hormis le Brabant wallon qui, avec un PIB/hab de 116, appartient à la catégorie des régions en zone Compétitivité, les 4 autres provinces relèvent donc de la même catégorie, sans spécificité particulière pour le Hainaut.
Autre avancée wallonne, dans le cadre des négociations sur les règlements : la réintégration au sein des dépenses éligibles de la TVA non récupérable. La non-éligibilité de la TVA aurait en effet eu un impact négatif non négligeable pour la grande majorité des bénéficiaires des fonds, notamment les communes, pour lesquels la TVA représente une charge réelle.
Concernant la conditionnalité macro-économique, applicable à l’ensemble des instruments en gestion partagée entre l’Union européenne et ses États membres, elle vise à intégrer les fonds européens dans la procédure générale de bonne gouvernance économique telle qu’elle a été mise en place dans le cadre de l’Union économique et monétaire. Dans le cadre du « six-pack », le règlement 1176/2011 définit tant la notion de déséquilibre, conçue comme « toute tendance donnant essor à des développements macroéconomiques ayant un effet préjudiciable ou susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur le bon fonctionnement de l’économie d’un État membre, de l’Union économique et monétaire ou de l’Union dans son ensemble » que celle de déséquilibre excessif, entendu comme «des déséquilibres graves, notamment des déséquilibres compromettants, ou susceptibles de compromettre, le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire ». Un ensemble d’indicateurs macro-économiques permettent la surveillance de ces déséquilibres pour chaque État membre. Quant à la définition du déficit public excessif, il relève d’un protocole annexé au Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne qui établit les valeurs références bien connues que sont le taux de 3 % pour le rapport entre le déficit et le PIB et celui de 60 % pour le rapport entre dette publique et PIB. Le Pacte de Stabilité et de Croissance introduit des mesures d’appréciation et de tolérance quant à ces valeurs de références. Le Traité sur la Stabilité, la coopération et la Gouvernance ont ajouté l’objectif d’un déficit structurel annuel de 0,5 %.
Les nouveaux règlements relatifs aux fonds structurels européens et d’investissement s’alignent sur ces dispositions contenues dans le six packs et le TRAITÉ SUR LA STABILITÉ, LA COORDINATION ET LA GOUVERNANCE (TSCG). La conditionnalité macroéconomique, s’applique de manière distincte selon qu’il s’agisse d’une procédure de déséquilibre excessif ou d’une procédure de déficit excessif. Si le non-respect par un État membre de la mise en œuvre d’une mesure corrective, relative à l’une des deux procédures précitées, est une condition à l’application d’une suspension, le niveau de cette dernière varie selon l’une ou l’autre. Ainsi, le mécanisme de suspension des engagements prévoit des limitations plus fortes du pourcentage de suspension dans la procédure de « déséquilibre excessif » (25 % (ou 0.25 % du PIB) maximum lors du premier cas de non-respect) que dans la procédure de « déficit excessif » (50 % (ou 0.5 % du PIB) maximum lors du premier cas de non-respect).
Les fonds alloués à un état membre peuvent être réorientés en vue de répondre aux exigences de la bonne gouvernance économique. Il convient de noter que le volet « sanctions » est l’étape ultime d’une procédure graduelle. Dans une première étape, la Commission peut enjoindre à l’état membre de modifier sa programmation des fonds pour orienter les mesures en vue de répondre à des préoccupations mises en avant, par exemple, dans les recommandations spécifiques par pays. Dans ce cas, à l’instar de la procédure d’adoption des programmes, ces modifications font l’objet d’un dialogue bilatéral avec la Commission, avant adoption par cette dernière. En cas de déficit ou de déséquilibre excessif, une partie des fonds peut également faire l’objet de mesures de suspension mais les mesures ayant fait l’objet d’une réorientation dans le cadre de cette procédure en seraient exemptes. L’ampleur de la suspension est par ailleurs balisée notamment par des indicateurs relatifs aux conditions socio-économiques tels que le taux de chômage, le taux de pauvreté, le niveau d’exclusion sociale ou encore une situation de récession économique.
En termes de procédures, dans tous les cas de suspension, qu’il s’agisse des engagements ou des paiements, c’est la Commission européenne qui « suggère » au Conseil de l’Union européenne de prendre la décision de suspendre. La Commission est donc à l’initiative, mais c’est le Conseil qui a le dernier mot. Le Parlement est associé au processus par un dialogue structuré avec la Commission, qui l’informe de manière transparente. La levée des procédures de suspension se fait sans délai par la Commission lorsque certaines conditions sont remplies. Néanmoins, c’est au Conseil de décider, sur proposition de la Commission, de la réinscription au budget européen des montants suspendus.
La conditionnalité macro-économique est, de mon point de vue, de nature à introduire un élément d’incertitude sur la programmation FEDER et FSE de la Région Wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. De plus, elle peut théoriquement aboutir à une sanction qui s’appliquerait au niveau des entités fédérées alors que déficit et/ou déséquilibre sont susceptibles de ne concerner que le niveau fédéral. Enfin, il ne m’apparaît pas que mettre potentiellement en péril les politiques de développement économique puisse participer d’une politique de relance voulue par ladite gouvernance économique. Pour ces raisons, tout au long de la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et des règlements des fonds, la Wallonie a adopté une attitude constante d’opposition à ces dispositions. Bien qu’aucune majorité n’ait pu se constituer à leur encontre, les propositions initiales ont toutefois été infléchies tant dans la position du Conseil que par l’opposition du Parlement européen. In fine, leur mise en œuvre a été sécurisée et rendue plus difficile par un grand nombre de sauvegardes.