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Le véritable coût de l'éolien pour la collectivité

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2013
  • N° : 195 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 28/11/2013
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Dans un premier temps, une transition énergétique nécessite, de la part des pouvoirs publics, des aides diverses (subsides, primes...). Il n'en demeure pas moins que cela doit se faire dans un cadre déterminé avec un système d'évaluation afin d'éviter toute dérive et/ou effet d'aubaine et avec un taux de rentabilité « raisonnable ».

    Malheureusement la saga du photovoltaïque nous a démontré les effets pervers qu'un système peut amener...

    Ainsi, récemment un journal relayait l'information selon laquelle l'éolien coûte très cher au contribuable : « les subsides wallons et certificats verts offrent à des sociétés éoliennes une rentabilité pouvant atteindre plus de 500 % » ! Le journal cite l'exemple d'une société qui investit 8.782.205 euros, bénéficiant d'un subside de 1.135.847 euros et engrangeant en 2012 un bénéfice de 7.571.932 euros !

    J'aimerais entendre Monsieur le Ministre sur le sujet. Cet exemple est-il réaliste? Peut-on généraliser sur base de cet exemple et conclure que toutes les éoliennes bénéficient de la même rentabilité ? Sur base des projets éoliens déjà existants peut-il nous dresser un bilan du taux de rentabilité de l'éolien?

    De plus, il faut également tenir compte des certificats verts payés pour chaque kWh produit par les éoliennes et qui sont impactés sur la facture énergétique des Wallons et des Wallonnes. On peut évidemment se demander si ce système est encore nécessaire.

    Cette question doit être examinée avec toute l'attention requise afin d'éviter que ne se reproduise le scénario de l'explosion des certificats verts pour le photovoltaïque. Cette question est d'autant plus importante qu'en temps de crise économique nous nous devons d'optimaliser les crédits disponibles.

    Comme déjà exprimé à plusieurs reprises, je pense qu'il faut surtout réserver la priorité à l'éolien public. Si les bénéfices sont ceux décrits par le journal, je préférerais qu'ils viennent alimenter les caisses publiques des communes, des intercommunales ou - le cas échéant - des provinces ou de la Région wallonne.

    Si je plaide en faveur de l'éolien public, je demande à ce que cela soit traduit en actes concrets, à savoir en donnant la garantie aux acteurs publics (qui en font la demande) de pouvoir participer aux projets, loin au-delà des 24,99 % actuellement réservés et en réservant la priorité aux acteurs publics lorsqu'il s'agit de leur accorder le droit de se raccorder au réseau Elia.

    Le prochain décret qui se penchera sur l'organisation du marché de l'électricité intégrera-t-il ces principes ? Sans cela, les communes risquent d'être en position de faiblesse comparée à la puissance économique de certaines sociétés bien capitalisées qui se lanceront dans l'aventure de l'éolien.
  • Réponse du 18/12/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    Certains chiffres de rentabilité repris par la presse relèvent de l’imaginaire plus que de la réalité des projets. Pour en avoir le cœur net, l’administration de l’énergie a effectué une analyse fouillée sur la base des informations à la Direction de l’économie, qui dispense les aides à l’investissement, à la centrale des bilans ainsi qu’au sein de la Direction de l’Énergie. Aucun projet éolien, situé à Perwez  ou ailleurs, ne correspond aux chiffres avancés dans la DH.

    On peut d’ailleurs émettre des doutes sur le sérieux de l’analyse que l’on suppose inspirée par une communication du MR, lequel fait une grossière erreur de calcul : le retour sur investissement de l’année considérée, à savoir le bénéfice de l’année divisé par le montant de l’investissement, serait, s’il fallait en croire les hypothèses présentées dans l’article, de 99 % et jamais de 567,9 %.  Quod non, évidemment.


    De plus, dans l’exemple relayé par l'honorable membre, on ne trouve pas trace ni de la date de l'investissement, ni du montant des fonds propres, et on ne précise pas si les bénéfices sont avant impôts ou après impôts, une nuance d'importance. Il est dès lors impossible de savoir, dans le cas évoqué, après combien d’années ces bénéfices ont été constitués.

    Par ailleurs, ce ratio (ROI) n’est pas utilisé pour déterminer la rentabilité d’un projet, celui-ci ne tenant pas compte de l’évolution du coût de l’argent dans le temps et n’étant pas actualisé. La rentabilité d’un projet de type industriel comme le grand éolien ne se calcule généralement pas par rapport aux fonds propres, mais par rapport à l'investissement total (return on investment). La rentabilité sur fonds propres (return on equity) est un souci d'actionnaire lorsqu’il détermine s'il est préférable d'injecter des liquidités propres ou de bénéficier de l'effet de levier du crédit bancaire. Enfin, la rentabilité se calcule sur la durée de vie économique du projet considéré, et non sur une seule année.

    Pour le grand éolien, la rentabilité de référence utilisée par la CWaPE pour le calcul du niveau de soutien à travers les certificats verts est précisée dans un arrêté ministériel de mon prédécesseur à l’énergie qui est toujours en vigueur ; elle s’élève à 8 %, ni plus ni moins. Soit un niveau jugé raisonnable par la plupart des acteurs pour continuer à assurer l’attractivité des investisseurs, qu’ils soient publics ou privés. Ce niveau de rentabilité, appliqué à une série d’hypothèses technicoéconomiques d’une installation type, sert de base à la CWaPE pour la détermination du facteur ‘k’ (facteur de réduction du soutien entre la 11e et la 15e année) pour l’ensemble des projets éoliens. La CWaPE se base également sur ce niveau de rentabilité pour la détermination de la durée exacte d’octroi éventuel du prix minimum garanti d’un projet particulier, si la demande en est faite.

    Certains projets éoliens en fonction ont pu bénéficier d’une rentabilité supérieure à 8 %, parce qu’ils étaient favorablement situés à proximité du réseau ou que le gisement venteux est particulièrement présent sur le site. Mais jamais on n’arrive à des taux de rentabilité farfelus relayés dans la question de l'honorable membre.

    Partons d’un exemple simple d’un projet dont les paramètres sont particulièrement favorables. Soit un parc éolien de 6 MW pour un investissement total de 9 millions d'euros, qui correspond à un coût spécifique (cf. CWaPE, Etude 3E, etc.) de 1,5 million d’euros par MW installé. Situé sur un site dont le gisement venteux est supérieur à la moyenne, le facteur de charge est de 2.500 heures/an. Le parc de 6 MW produit donc un maximum de 15.000 MWh par an.

    Sur le marché, le producteur peut valoriser son électricité produite à un bon prix, 40 euros/MWh, et il dispose d’un contrat historique valorisant son certificat vert à un prix de 80 euros. Au total, le revenu de ce parc est donc de 120 euros par MWh produit, ce qui donne un revenu annuel de 1,8 million euros par an. Dans cet exemple simple et extraordinairement optimiste, le retour sur investissement brut est de 20 %, mais sera ensuite réduit par les coûts opérationnels de l’année et les impôts sur le bénéfice. Même dans ce cas optimal, on est donc extrêmement loin des chiffres relayés par l'honorable membre.


    Et dans la majorité des parcs en projet actuellement, je rappelle que la rentabilité globale des parcs éoliens s'est fortement réduite par rapport à il y a deux ou trois ans, du fait d'une conjonction de facteurs indépendants :
    - baisse du prix des certificats verts
    - baisse du prix de gros de l'électricité
    - hausse des coûts de développement (mesures agro-environnementales, comptages avifaune, etc.)
    - hausse des coûts de raccordement au réseau.
    Il convient donc d’éviter la généralisation hâtive aux projets éoliens actuels, à partir de projets éoliens passés.

    Le nouveau cadre de référence du 11 juillet 2013 comporte une obligation pour les porteurs de projet de proposer une participation jusqu’à 24,99 % du parc éolien au bénéfice des communes ou intercommunales, si la demande en est faite aux développeurs éoliens. Ce dispositif n’empêche nullement les parties de convenir d’un niveau de participation supérieur, si elles le souhaitent.

    Par ailleurs, certains acteurs publics développent leurs propres parcs éoliens (notamment TECTEO), ou jouent un rôle actif dans le développement de certains projets (IDETA, SOFILUX). Enfin, soulignons le projet de la SOFICO qui, en sa qualité de gestionnaire du réseau structurant, développe actuellement un plan d’implantation de grandes et de petites éoliennes le long des autoroutes de Wallonie, soutenu par le Gouvernement wallon. Un projet qui, s’il se réalise, sera probablement majoritairement public.