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La facture des certificats verts

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2013
  • N° : 219 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 10/12/2013
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Le CRISP est, sans le moindre doute, l'une des structures dont les publications sont considérées en Belgique francophone comme probablement les plus pertinentes en matière d'analyses de dossiers.

    1. Je présume que Monsieur le Ministre peut me confirmer ce sentiment, telle étant ma première question ?

    2. Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de l'article et de la collaboration du CRISP via Mme Fabienne Couard ? Le titre est « A qui profitent les certificats verts ? ». Selon cette personne de qualité, le système s'emballe et la facture s'alourdit.

    Selon cette étude, la puissance installée en photovoltaïque en Wallonie depuis 2009 a quasiment doublé chaque année avec des conséquences tout à fait dramatiques. Monsieur le Ministre peut-il confirmer ce fiasco à mettre au passif de la politique de l'actuel Gouvernement wallon ?

    3. Est-il exact, comme l'exprime cet article en page 2, que la CWaPE a estimé à 2,5 milliards d'euros pour les 15 prochaines années la facture que devront prendre en charge les consommateurs d'électricité suite à l'emballement du système ?

    4. Est-il exact, comme l'exprime la page 3 de ce même article, que le surcoût est lié au dérapage de « Solwatt » ?

    5. Cet article, d'une impertinence totale, mais dont les conclusions sont d'une lucidité absolue, identifie en page 4 les bénéficiaires du système.

    Les bénéficiaires sont, selon le CRISP, les particuliers ou les entreprises qui ont installé les panneaux solaires, de même que les sociétés tiers investisseurs qui ont joué les intermédiaires, ainsi que la filière photovoltaïque.

    En clair et selon le deuxième paragraphe de la page 4 de cet article, ce sont les « nantis » qui ont investi dans ce secteur et qui vont s'en mettre plein les poches au détriment de tous les autres ... Monsieur le Ministre confirme-t-il cette analyse ?

    6. Est-il exact, comme l'exprime le paragraphe 3 de la page 4 de cette analyse que le prix des certificats verts risque de s'effondrer suite à la saturation du marché avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter ?

    7. Selon l'analyse, nombre de ces sociétés qui ont profité d'un effet d'aubaine « ont rendu » aux particuliers leurs certificats verts à charge pour eux de les revendre pour rembourser leurs prêts. Est-ce exact ?

    8. N'est-ce pas une forme «d'arnaque» qui a été mise en place par le Gouvernement wallon précédent et plus particulièrement l'actuel ?

    9. Monsieur le Ministre est-il conscient que des sociétés de tiers investisseurs sont depuis tombées en faillite et que cela cause un drame pour les ménages qui ont installé des panneaux photovoltaïques sur leur toiture et qui seront soit ruinés, soit tenus d'assumer une perte considérable de leurs revenus ?

    10. Selon cet article en page 6, les ménages aux faibles revenus sont les victimes de cette situation. Est-ce exact ?

    Comme il ne faut pas jeter ce bébé avec l'eau du bain, cette analyse en page 8 signale qu'il ne faut pas jeter les certificats verts avec l'eau du photovoltaïque. Cela me paraît évident. Cependant ce qui a été fait depuis 4 ½ ans semble désastreux.

    11. Monsieur le Ministre est-il conscient que la politique actuelle a miné en Wallonie les énergies vertes ou alternatives et désabusé des citoyens ou des entreprises qui, de bonne foi, ont cru en des promesses sans lendemain ?

  • Réponse du 27/12/2013
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je propose de répondre point par point aux onze questions de l'honorable membre, puisque j’ai déjà pu m’exprimer à de nombreuses reprises sur le contexte général des certificats verts et les mesures prises par le Gouvernement.

    1. Le CRISP est effectivement une autorité reconnue pour l'analyse de la situation institutionnelle belge, ses publications dans ce domaine et en particulier les Cahiers du CRISP sont des références en la matière.

    2. Si la politique énergétique ne figure pas parmi ses matières de prédilection, l’analyse réalisée par Fabienne Collard a le mérite de brosser un regard nuancé sur les enjeux des certificats verts. Je ne comprends dès lors pas la conclusion simpliste que l'honorable membre tire de cet article. Quasi tous les Gouvernements en Europe ont été confrontés à la forte baisse imprévisible des prix des panneaux photovoltaïques, engendrant une bulle dans le nombre d’installations réalisées. honorable membre omet par exemple de mentionner qu’en Flandre, toujours selon le CRISP, la bulle atteindra 5 milliards d’euros. L’action de ce gouvernement ne doit pas se juger sur l’existence ou non d’une bulle dans le photovoltaïque, mais bien sur la manière de gérer celle-ci.

    3. Le chiffre relayé par l'honorable membre peut être reconstitué à partir des rapports et des avis de la CWaPE. Mais il est peu pertinent de mentionner un chiffre de coût cumulé sur 15 ans, alors que les installations photovoltaïques réalisées en Wallonie vont produire sur une période plus longue encore de l’électricité permettant de baisser la facture énergétique de la Wallonie et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

    4. L’excédent de certificats verts sur le marché est principalement lié, d’après la CWaPE, à la bulle du nombre d’installations photovoltaïques réalisées sous le régime ‘SOLWATT’. D’autres facteurs interviennent également, en particulier la crise économique ayant engendré une baisse du volume de fourniture (et donc une baisse du volume de certificats verts repris par les fournisseurs pour respecter leur quota).

    5. À nouveau, honorable membre simplifie l’analyse réalisée par le CRISP. Les investissements réalisés par les particuliers dans le photovoltaïque ne sont pas uniquement concentrés sur la catégorie des hauts revenus. Certaines communes dont le revenu par habitant est inférieur à la moyenne wallonne présentent des taux de pénétration d’installations photovoltaïques largement supérieurs à la moyenne. En outre, l’auteur du CRISP met en évidence les récentes mesures prises par le Gouvernement, à travers le plan Qualiwatt, qui intègrent la dimension sociale.

    6. Le prix moyen des certificats verts a baissé ces dernières années, étant donné l’excédent de certificats verts sur le marché. Toutefois, le mécanisme de prix minimum garanti à 65 euros est toujours en vigueur, et est valable pour toutes les petites installations ainsi que pour les installations supérieures à 10 kW (via un arrêté ministériel).

    7. Certains entrepreneurs ont profité de la crédulité des citoyens en proposant des formules alléchantes, mais en défaveur in fine du candidat investisseur, et avec une prise de risque à charge uniquement de l’investisseur par l’endossement de l’emprunt. Certains tiers investisseurs ont été corrects et avaient prévu une clause dans le contrat en cas de faillite : les certificats verts revenaient à l’emprunteur. Mais ceci n’a pas toujours été le cas. L’administration de l’énergie, la CWaPE et moi-même avons transmis plusieurs courriers en temps utiles au SPF Economie et à Febelfin (dont une compilation et une synthèse de dossiers litigieux) les alertant sur ce sujet qui relève de leur compétence. Le Ministre fédéral en charge de cette matière et son administration n’ont pas jugé utile d’y apporter la suite que la CWaPE et moi-même proposions.

    8. Il ne s’agit donc pas d’une arnaque mise en place par le Gouvernement précédent, mais bien d’une faille dans le mécanisme de protection des consommateurs. À noter que le mécanisme Qualiwatt rend impossible toute forme d’arnaque organisée par des pseudos tiers-investisseurs.

    9. Je suis conscient de la gravité de certaines situations personnelles à la suite d’abus relatifs aux formules ‘win-win’. J’ai également informé la CWaPE à ce sujet ; le régulateur travaille notamment à une solution potentielle pour les personnes ayant déjà investi mais dont les panneaux n’ont pas encore été installés du fait de la faillite du pseudo tiers-investisseur. Je suis attentif à toute proposition de solution qui serait valide juridiquement.

    10. Les arnaques organisées par certains pseudo tiers-investisseurs n’ont pas uniquement touché les ménages à faible revenu.

    11. La politique menée par le Gouvernement wallon vise à restaurer la confiance dans un secteur qui, à l’instar de la situation économique prise plus globalement, a été touché par la crise. Le plan Qualiwatt va redonner confiance à l’investissement dans les petites installations photovoltaïques, il a d’ailleurs été bien accueilli par la filière et les gestionnaires de réseau. La gestion de l’excédent de certificats verts SOLWATT, en particulier le mécanisme de mise en réserve qui vient d’être validé par le régulateur fédéral, donnera une bulle d’air à l’ensemble des consommateurs les prochaines années. Et le Gouvernement finalise actuellement la réforme globale du mécanisme des certificats verts, qui permettra de donner une visibilité pour les investissements dans l’ensemble des filières d’une puissance supérieure à 10 kW.

    Je conclurai par une autre note positive. Malgré les difficultés traversées par le secteur renouvelable, le récent baromètre énergétique publié ce vendredi 13 décembre et réalisé par l’institut Ipsos, s’est penché sur la perception des Belges francophones de l’énergie photovoltaïque. Les résultats du sondage révèlent que le photovoltaïque garde une bonne image auprès des citoyens. Les résultats du sondage d’opinion le confirment :
    * 71 % des citoyens francophones se disent favorables à l’énergie photovoltaïque
    * 15 % d’entre eux envisagent d’y investir dans les 5 ans

    L’intérêt des particuliers à investir dans le photovoltaïque s’explique avant tout par la motivation de:
    * faire des économies sur la facture d’électricité (pour 83 % des personnes interrogées)
    * produire sa propre énergie (pour 71 % des personnes interrogées)

    Ce nouveau sondage confirme également les bons résultats obtenus pour le renouvelable en général (dont l’éolien). Les citoyens ne s’y trompent pas, et ont bien compris que la transition énergétique était en marche.