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Les cahiers des charges

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2014
  • N° : 89 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 12/03/2014
    • de STOFFELS Edmund
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    La Région wallonne va hériter d'une série de nouvelles compétences, dont celles relatives à l’emploi. Il me semble donc que c’est maintenant qu’il faut aborder une question. La question commence à brûler.

    Je parle des travailleurs qui viennent éroder notre système social et tarifaire. Travailleurs qu’on rencontre sur les chantiers en vertu de la règle européenne de détachement ou qu’on rencontre comme travailleurs illégaux. La question n’est pas de fermer les frontières aux travailleurs venant d’ailleurs. La question est de protéger les acquis sociaux pour lesquels des générations de travailleurs ont dû se battre. S’il y a des travailleurs étrangers, ils seront les bienvenus s’ils travaillent aux conditions sociales en vigueur chez nous.

    Qu’est-ce que les cahiers des charges prévoient en la matière ?

    Y a-t-il moyen de mieux pondérer les critères en réduisant l’importance du critère « prix le moins cher » dans le choix de l’entreprise qu’on retient et d’augmenter l’importance du critère « emplois qui respectent les conditions tarifaires et sociales en vigueur en Belgique » ?

    Dernier critère à ne pas confondre avec les clauses sociales, que je ne peux qu’appuyer dans la mesure où elles contribuent à donner une chance aux travailleurs qui sans ces critères n’en ont pas. Il me semble que la Région wallonne doit tout mettre en œuvre pour défendre notre système tarifaire et social en le mettant à l’abri contre toute tentative de dumping social. Si je me permets d'adresser la présente question à Monsieur le Ministre Président, c’est que son rôle au niveau du Gouvernement wallon est transversal. Comme la question concerne plusieurs Ministres de son Gouvernement, je souhaite savoir s’il y a une ligne de conduite commune qui sera adoptée par le Gouvernement wallon.

    J’espère en tout cas que le thème sera abordé par l’équipe gouvernementale et qu’une réponse adéquate sera formulée en la matière.
  • Réponse du 03/04/2014
    • de DEMOTTE Rudy

    Comme l'honorable membre s'en souvient certainement, j’ai déjà été interpellé sur la question en décembre dernier au sein de cette assemblée.

    À l’époque, j’avais tout d’abord souhaité recadrer le débat au niveau européen. Ce n’est pas par hasard, car c’est à ce niveau que les leviers les plus importants doivent être activés.

    Ainsi, comme l'honorable membre le sait, la libre circulation des travailleurs est l’un des fondements de l’Union européenne.

    Dans ce cadre, la directive 96/71/CE reprend un ensemble de règles obligatoires relatives aux conditions de travail d’un travailleur détaché dans un autre État membre.

    Elle se fonde sur un principe de base simple : si un État membre prévoit des conditions de travail minimales, elles doivent s’appliquer également aux travailleurs détachés dans cet État.

    La directive comporte toutefois d’incontestables lacunes qui expliquent que les comportements qu’elle entend combattre s’observent pourtant sur le terrain et vont même en s’accroissant.

    Des demandes de réforme de la directive sont régulièrement formulées et, depuis mon intervention en décembre sur la question, des avancées sont à pointer.

    Les différents groupes politiques qui composent le parlement européen se sont récemment accordés sur le contenu d’un texte interprétatif de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs au sein de l’espace européen.
    Si ces avancées obtenues en termes d’organisation des contrôles et de responsabilité solidaire des co-contractants de chantiers (un domaine où la Belgique a été pionnière au travers d’une loi votée en mars 2012) sont à souligner, il ne faudrait toutefois pas prendre prétexte de cet accord pour considérer que le débat est clos.


    Au contraire, pour le Parti socialiste, cela doit nous inciter à aller plus loin encore en vue de construire un cadre juridique européen juste, équitable et source d’émancipation pour l’ensemble des travailleurs européens, quel que soit son pays d’origine.
    Plus précisément, le PS demande que la directive de 1996 elle-même soit modifiée, de même que les autres textes qui règlent ces questions,  en prévoyant notamment:
    - que le détachement soit davantage limité dans le temps et que le dépaysement soit justifié (remboursement des frais sur base réelle, ...) ;
    - que la liste de critères qui détermine si un travailleur est détaché ou non soit adaptée (lieu de l’entreprise, lieu du recrutement, les lois applicables aux travailleurs comparées à celles d’application aux clients, part des contrats de l’entreprise dans le pays d’origine, ...) et que certains critères soient cumulatifs ;
    - que les conventions collectives nationales soient intégralement appliquées (et non uniquement les volets obligatoires de la législation nationale) ;
    - d’établir une présomption que le lieu de travail habituel est celui de l’État d’accueil, à charge pour l’entreprise d’apporter les preuves contraires ;
    - de continuer à travailler à une coordination des services européens d’inspection, assorti de sanctions réelles et dissuasives afin de donner aux États membres les moyens de réaliser des contrôles efficaces ;
    - que soient sauvegardés les droits des travailleurs à la négociation et à l’action collective ;
    - que le paiement, dans le pays d’origine du travailleur, des cotisations sociales se fassent au taux du pays d’accueil et qu’elles soient calculées sur base du salaire réellement perçu.

    Une réforme en profondeur de la directive européenne semble donc nécessaire pour que cesse le dumping social.

    La question est donc de savoir s’il faut attendre que cela se concrétise au niveau de l’Europe ?

    Et je dirais que tant le Gouvernement fédéral que le Gouvernement wallon ne le pensent pas.

    C’est pourquoi, le 28 novembre dernier, le Gouvernement fédéral a adopté un plan de lutte contre le dumping social.

    Celui-ci prévoit des contrôles ciblés effectués par des équipes spécialisées et coordonnées, des poursuites pénales plus efficaces et des peines alourdies.

    De son côté, le Gouvernement wallon a approuvé, également le 28 novembre, une note visant à encourager les services publics à adopter des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics.

    Clauses qui pourront, indirectement, avoir un effet limitatif sur les cas de dumping social.

    Il est ainsi tout à fait légal de demander que, pour faciliter le suivi d’un chantier, les échanges puissent se faire en français.

    Nous pouvons également imposer des partenariats avec des sociétés d’économie sociale ou des obligations de formation des travailleurs (en français).

    Par ailleurs, il est à noter que l’initiative wallonne anticipe une réforme profonde et très importante des directives européennes sur les marchés publics.

    Reforme en cours d’adoption en droit européen et qui devra ensuite être retranscrite en droit belge.

    Notre initiative fait donc de la Wallonie une pionnière en matière de clauses sociales et environnementales dans les marchés publics.

    Au niveau régional, nous avons donc agi avec l’arme que constituent les marchés publics.

    Au-delà de cela, j'invite l'honorable membre à interroger le Ministre Antoine pour la vision globale concernant les stratégies permettant de protéger les travailleurs wallons.

    Et, à côté de cette réponse contextuelle, je convie l'honorable membre également pour toutes ses questions particulières, à s'adresser aux ministres cosignataires de la note au Gouvernement wallon relative aux clauses sociales et environnementales dans les marchés publics, à savoir Messieurs Marcourt, Nollet et Furlan.