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Exercice de la tutelle sur les règlements fiscaux des communes.

  • Session : 2003-2004
  • Année : 2004
  • N° : 40 (2003-2004) 1

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  • Question écrite du 17/05/2004
    • de de LAMOTTE Michel
    • à MICHEL Charles, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    La décision de Monsieur le Ministre d'annuler à Liège la taxe dissuasive sur les débits de tabac ouverts après minuit, c'est-à-dire ouverts dans les night shops, m'amène à l'interpeller.

    Le conseil communal a voté ce nouveau règlement à l'unanimité de ses groupes politiques. La députation permanente l'a validé et l'objectif recherché par le conseil communal de Liège est bien une modification de comportement. En effet, cette taxe se veut avant tout dissuasive puisqu'elle vise à réduire le nombre de night shops sur le territoire de la ville de Liège. Ceux-ci sont à l'heure actuelle au nombre de 110. Monsieur le Ministre imagine bien que la multiplication de ces magasins nuit à la qualité de la vie en ville et fait apparaître une situation peu agréable, d'autant plus que, d'après certains contrôles, ces magasins ne seraient pas en ordre du point de vue de multiples législations.

    Ma question est donc : pourquoi priver une ville comme Liège de cet outil efficace qui n'a pour autre objectif que de changer les comportements et non d'enrichir la ville d'un nouvel impôt ? Le principe est identique à celui appliqué par la Région wallonne concernant les logements
    inhabités : le texte visait à dissuader les propriétaires de laisser leur logement à l'abandon.

    Dans l'arrêté d'annulation, Monsieur le Ministre évoque la liberté du commerce et de l'industrie. Dois-je en conclure qu'au nom de cette liberté, les trafics en tout genre - révélés par divers contrôles de police - sont autorisés ? D'autre part, lorsqu'une commune veut enrayer la prolifération d'un certain type d'activité, la fiscalité dissuasive est un outil efficace.

    Je reste dubitatif par rapport à l'argument invoqué dans l'arrêté de Monsieur le Ministre, selon lequel “il ressort du règlement que celui-ci poursuit à titre principal un objectif de nature extra fiscale qui ne peut être accepté par l'autorité de tutelle au regard du respect de l'intérêt général et régional”. L'intérêt général et régional n'est-il pas que la tranquillité soit la règle dans les villes et qu'une fin soit mise à toutes situations irrégulières et de trafic ?

    D'autre part, et pour revenir sur un autre règlement, le conseil communal a voté en 2003 un règlement pour la taxe sur les logements de superficies réduites où on alignait la taxe sur les kots et meublés. Monsieur le Ministre l'avait, à l'époque, également refusée au nom de la liberté du commerce. Je reste sceptique quant à l'analyse objective de cette liberté de commerce qui permet de louer beaucoup de choses, et même des logements de piètre qualité, à des personnes en situation de précarité. Nonobstant ce fait, le même règlement a été voté dans d'autres communes et accepté de cette manière sans exercice de la tutelle.

    Monsieur le Ministre peut-il m'exposer ses arguments qui, selon moi, ne sont pas objectifs, mais visent manifestement à défavoriser une commune ? Car, comme il semble le contester dans son arrêté, il existe bien une situation spécifique à la ville de Liège qui nécessite réellement des mesures dissuasives

    L'autonomie communale est telle qu'elle apparaît, réellement bridée par les décisions qui sont prises au nom de la tutelle par l'autorité de Monsieur le Ministre. Je souhaite l'entendre sur ce sujet et le remercie d'avance des explications qu'il voudra bien me fournir.
  • Réponse du 25/05/2004
    • de MICHEL Charles

    L'honorable Membre voudra bien trouver ci-après les renseignements suivants relatifs à la problématique dont objet.

    Dans le cadre du Contrat d'Avenir pour la Wallonie, le Gouvernement wallon a marqué sa volonté de maintenir le principe de la paix fiscale, et ce, dès le début de la législature. Il considère en effet que la fiscalité constitue un moyen fondamental d'assurer la solidarité entre les personnes. Toutefois, une pression fiscale trop élevée sur les ménages ou les entreprises est un frein au développement de la Wallonie en empêchant l'implantation de nouvelles entreprises et, par là, la création de nouveaux emplois.

    Cette volonté a été confirmée chaque année par le Gouvernement puisque la circulaire budgétaire communale reprend ce principe de paix fiscale qui est, par ailleurs, détaillé dans la nomenclature des taxes.

    Le Gouvernement est toutefois conscient de la problématique financière des communes et a déployé des efforts substantiels, comme nulle autre Région du pays, afin de restaurer durablement la situation des finances de ses communes. Je citerai, à titre d'exemple, le refinancement via le Plan Tonus communal. A ce propos, la ville de Liège a obtenu un montant global avoisinant les 121 millions d'euros.

    Par ailleurs, l'exercice de la tutelle s'exerce dans le plus grand respect du principe de l'autonomie communale. Aussi, chaque décision de tutelle est motivée en tenant compte de la situation particulière de la commune.

    Ainsi, si le principe de l'autonomie communale autorise le conseil communal à lever des impositions et à en fixer le taux dans le but d'obtenir les recettes nécessaires pour assurer la gestion des intérêts locaux dont le pouvoir communal a la charge, il appartient toutefois à l'autorité de tutelle de veiller à ce que les règlements-taxes adoptés par cette assemblée n'excèdent pas une limite raisonnable et n'instaurent pas une rupture de l'uniformité relative des taux pratiqués par les autres communes, sous peine d'entraîner une lésion de l'intérêt général.

    En ce qui concerne la délibération du 17 décembre 2003 du conseil communal de Liège adoptant une nouvelle taxe sur les débits de tabac ouverts après minuit, j'ai en effet décidé, en date du 27 février 2004, de non approuver ce règlement-taxe.

    En effet, la taxe sur les débits de tabac ouverts après minuit n'est pas reprise dans la nomenclature des taxes autorisées annexée à la circulaire budgétaire des communes, dans la mesure où la taxe établie par la ville de Liège ne vise que les débits de tabac ouverts après minuit. De plus, cette taxe est établie sans aucune motivation particulière en son préambule qui justifierait l'existence d'une situation spécifique dans le chef de la commune.

    Par ailleurs, en décuplant le taux de la taxe sur les débits de tabac ouverts après 2 heures, la ville met à charge des exploitants de tels établissements une imposition dont le taux est sans aucune

    mesure par rapport à celui appliqué aux débits de tabac ouverts jusqu'à 2 heures. La ville viole le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt, principe consacré par la Constitution.

    D'autre part, la ville de Liège déroge au plan de gestion qu'elle a elle-même fait adopter par le conseil communal le 24 juin 2002. En effet, il y est précisé que “l'objectif poursuivi sera de maintenir les recettes locales fiscales constantes”.

    En outre, j'insiste sur le fait qu'une commune ne peut pas utiliser la voie fiscale pour mettre fin à un certain comportement, à savoir, dans le cas d'espèce, la lutte contre la prolifération des commerces du type “night shop”, et ce, dans le but notamment de limiter la toxicomanie et les nuisances qui sont liées à la présence de tels commerces.

    J'en conclus donc que, face à la problématique de la toxicomanie et des trafics en tout genre, la voie fiscale n'est pas la solution surtout si, comme la ville de Liège l'a fait, seul un certain type de night shops est visé.

    Néanmoins, j'estime que la situation est suffisamment préoccupante pour s'y intéresser de plus près et qu'il serait intéressant de rechercher, avec tous les acteurs concernés, une solution à ce problème.

    Quant à la comparaison faite par l'honorable Membre avec la taxe régionale sur les logements abandonnés, celle-ci a effectivement aussi un objectif extra-fiscal. Son objectif est de pousser les propriétaires à rénover leurs immeubles mais, à la différente de la taxe de la ville de Liège, son montant est fixé raisonnablement. L'objectif n'est donc pas de soumettre le redevable à un taux si élevé qu'il aurait pour conséquence de le mettre dans l'impossibilité de répondre à l'attente du législateur décrétal. N'oublions cependant pas que la comparaison doit s'arrêter là dans la mesure où la taxe de Liège vise l'exercice d'une activité économique.

    En ce qui concerne le deuxième volet de la question relatif à la taxe sur les logements de superficie réduite, de nouveau, le motif principal de non-approbation est le non-respect de la paix fiscale. Comme la ville de Liège levait cette taxe avant l'introduction de la paix fiscale, elle pouvait la revoter à condition de ne pas en augmenter le taux. Ce qu'elle n'a pas fait puisqu'elle a voulu passer de 123,95 euros à un taux de 150 euros, soit une augmentation de 21 %. A nouveau, cette décision va à l'encontre des propres engagements de la ville contenus dans son plan de gestion.

    Je conclurai en précisant que ces deux décisions de non-approbation ne mettent pas en difficulté la situation financière de la ville de Liège. En effet, l'impact de la taxe sur les débits de tabac ouverts après minuit n'avait été inscrit au budget 2004 qu'à titre prévisionnel (un euro) et, en ce qui concerne la taxe sur les logements de superficie réduite, l'impact budgétaire de l'augmentation du taux s'élevait à +/- 159.000 euros, impact assez marginal compte tenu du budget de la ville.