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Les suites à donner au maintien de la situation d'illégalité d'un bourgmestre en exercice et fonctionnaire dirigeant d'une administration

  • Session : se2014
  • Année : 2014
  • N° : 3 (se2014) 1

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  • Question écrite du 15/07/2014
    • de HAZEE Stéphane
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    Le 10 juin dernier, le Conseil d’État a annulé la décision du Gouvernement de révoquer le bourgmestre de Flobecq, par ailleurs Président du Comité de direction du Service public fédéral de programmation de la politique scientifique. Il convient de tirer les enseignements de cet arrêt et d’examiner les suites à lui donner sur le plan juridique.

    Selon certains, le Conseil d’État aurait purement et simplement débouté le Gouvernement dans sa volonté de faire respecter le droit, et l’intéressé serait dès lors dispensé du respect de l’incompatibilité d’exercice des fonctions de mandataire d’un SPF et de bourgmestre. L’intéressé n’a pas manqué non plus de crier victoire, en laissant penser qu’il n’avait jamais cessé d’être bourgmestre nonobstant l’adoption d’une incompatibilité par le législateur wallon, et qu’il pouvait continuer à l’être.

    Il apparaît toutefois que cette interprétation formulée rapidement sur base de la décision d’annulation ne résiste pas à un examen de l’ensemble de l’arrêt et de ses développements.

    Je souhaite donc interroger Monsieur le Ministre quant à la portée de cet arrêt et quant aux suites à lui donner.

    Pour rappel, l’article 1125-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) stipule qu’« Outre les incompatibilités visées à l’article L1125-1, ne peuvent être membres du Collège communal : 4° les fonctionnaires généraux soumis au régime de mandat au sein des services du Gouvernement fédéral, du Gouvernement d’une Région ou d’une Communauté, et des organismes d’intérêt public qui en dépendent ». Une disposition transitoire impose par ailleurs aux mandataires qui étaient en situation d’incompatibilité à la date d’entrée en vigueur du décret d’y mettre fin au plus tard pour le 31 décembre 2012.

    Cet article 1125-2 a été inséré dans le CDLD par l’article 3 du décret du 6 octobre 2010 contre lequel le bourgmestre de Flobecq a fait recours devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci a rejeté son recours et l’ensemble des moyens. La Cour considère que l’article 1125-2°, 4° du CDLD «  instaure une incompatibilité entre l’exercice d’une fonction au sein du Collège communal et l’exercice d’une fonction de direction attribuée par un mandat, non électif, au sein d’une administration publique fédérale, régionale ou communautaire ou d’un organisme public qui en dépend. Elle restreint uniquement le droit d’exercer simultanément ces deux fonctions, laissant à la personne concernée le droit de choisir laquelle il exercera ».

    Depuis le 31 décembre 2012, si l’intéressé s’est abstenu de siéger au collège communal et a délégué ses compétences aux autres membres du Collège communal, il a continué à exercer certaines de ses attributions de bourgmestre (en matière de police, par exemple, ou en présidant le conseil communal), sans que nous n’en apercevions la base légale. Contrairement à un bourgmestre empêché, il n'a du reste pas cessé de percevoir son traitement de bourgmestre, à nouveau sans fondement légal.

    Suite à une mise en demeure, Monsieur le Ministre a mis en œuvre une procédure disciplinaire afin de révoquer le bourgmestre de Flobecq pour négligence grave(1), celle-ci résultant selon vous de la violation de la législation instaurant l’incompatibilité concernée. C’est cette décision de révocation qui a été attaquée devant le Conseil d’État en suspension et en annulation.

    Si, dans un premier arrêt rendu en suspension(2), le Conseil d’État n’a pas constaté d’illégalité, tel n’est pas le cas de l’arrêt d’annulation que la haute juridiction a rendu sur le fond(3). En effet, dans cet arrêt, la juridiction administrative réfute la théorie du bourgmestre en titre et toute éventualité de pouvoir scinder la fonction de bourgmestre. Elle constate ainsi que l’intéressé est bourgmestre et entend exercer les compétences individuelles que la loi lui attribue à ce titre, notamment en matière de police, mais qu'il s'abstient de participer au collège communal. Pour le Conseil d’État, cette position revient à soutenir que seule une partie des fonctions de bourgmestre est visée par l'incompatibilité, alors que rien n'indique que le législateur aurait voulu consacrer la possibilité d'un tel exercice partiel de la fonction. Le Conseil d’État dit en droit que le bourgmestre en exercice est membre du collège communal, même s'il a décidé de s'abstenir systématiquement de participer à ses réunions et de ne prendre aucune part à la préparation de ses décisions dans les différentes matières. Depuis le 31 décembre 2012, le Conseil d’État constate dès lors que l’intéressé se trouvait donc en situation d'incompatibilité et aurait dû opter entre l'exercice de sa fonction de bourgmestre et l'exercice de son mandat au SPF Politique scientifique, ce qu'il n’a pas fait. Le Conseil d’État constate donc l’illégalité qui n’a jamais cessé d’exister depuis le 31 décembre 2012 !

    Là où, par contre, mais il faut en saisir la portée limitée, le Conseil d’État donne raison au requérant, c’est qu’il annule la décision de révocation. Après avoir constaté le fait que l’intéressé est bien en contravention avec l’incompatibilité légale et que le CDLD ne prévoit pas la déchéance comme sanction de cet irrespect(4), le Conseil d’État estime en effet que la révocation ne se justifiait pas à titre de sanction disciplinaire du refus de se conformer à la loi, parce qu’il aurait pu satisfaire au prescrit du Code en optant pour l’exercice d’une des deux fonctions, sans devoir démissionner de son mandat de bourgmestre comme le lui enjoignait l’autorité de tutelle. En somme, la demande de démissionner et consécutivement, la sanction de la révocation pour son refus de démissionner, apparaissent excessives.

    Cet arrêt d’annulation est donc loin de dispenser le requérant du respect de l’incompatibilité d’exercice des fonctions de mandataire d’un SPF et de bourgmestre. Il demeure tenu de mettre fin à cette situation illégale.

    Si la sanction de la révocation apparaît disproportionnée aux yeux du Conseil d’État, cela ne signifie pas non plus qu’aucune procédure disciplinaire ou aucune sanction ne puissent être décidées par l’autorité de tutelle. En particulier, l’autorité de tutelle pourrait enjoindre à l’intéressé d’opter pour l’exercice d’une des deux fonctions, et si l’intéressé persiste dans son refus de respecter la loi dans un dernier délai, mobiliser une nouvelle procédure disciplinaire et suspendre l’intéressé dans son mandat, jusqu’à respect de la loi.

    Monsieur le Ministre pourrait-il me dire si l’autorité de tutelle partage cette lecture de l’arrêt du Conseil d’État ?

    J’ai cru comprendre qu’il avait déclaré que le Conseil d'État ne permettrait pas de sanctionner comme une négligence grave le non-respect de la loi. Or, selon ma compréhension, rien dans l’arrêt n’indique qu’il ne serait pas possible, par exemple, de suspendre l’intéressé tant qu’il n’aurait pas fait son choix, voire de le révoquer en cas de refus persistant de faire un choix. Monsieur le Ministre peut-il préciser son point de vue à ce sujet ?

    Monsieur le Ministre a encore déclaré à l’agence Belga qu'il se posait des questions en particulier quant à la régularité de la composition du Collège intégrant le bourgmestre en situation d’incompatibilité, ainsi que, par voie de conséquence, quant à celle des décisions prises par celui-ci. Il a également souligné que l’intéressé avait continué à percevoir sa rémunération.

    Dès lors que, suivant l’arrêt du Conseil d’État, la fonction de bourgmestre n’est pas scindable et que l’intéressé est demeuré illégalement un bourgmestre en exercice, se pose en effet la question de la régularité des décisions prises par le Collège et, a fortiori, les décisions individuelles prises par lui notamment dans les matières de police. Monsieur le Ministre a dit qu’une analyse juridique était en cours. Pourrait-il nous en donner les conclusions ?

    De même, les rémunérations perçues par un bourgmestre en situation d’illégalité ne doivent-elles pas être remboursées ? L’autorité de tutelle s’est-elle saisie de cette problématique ?

    Vu la situation d’illégalité au sein de la commune de Flobecq (ainsi qu’à la tête du SPF), ce dossier ne peut pas attendre et relève certainement des affaires courantes. Il s’agit naturellement de pouvoir préserver la régularité des actes de l’autorité publique. C’est la raison pour laquelle j'adresse dès à présent cette question écrite à Monsieur le Ministre.

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    (1) Art. 1123-6 du CDLD : Le Gouvernement ou son délégué peut, pour inconduite notoire ou négligence grave, suspendre ou révoquer le bourgmestre, qui sera préalablement entendu. La suspension ne peut excéder trois mois. Le bourgmestre révoqué ne peut être réélu au cours de la même législature.
    (2) Arrêt n° 224.021 du 21 juin 2013
    (3) Arrêt n° 227.659 du 10 juin 2014
    (4) A titre de comparaison, le conseiller communal qui ne respecte par les incompatibilités décrétales peut être déchu de son mandat. L'art. L 1125-7 du CDLD prévoit que : "Le membre du conseil qui se trouve dans l'une des situations d'incompatibilité visées aux articles L1125-5 et L1125-6 ne peut plus continuer l'exercice de ses fonctions. Le collège en informe le conseil et l'intéressé. Celui-ci peut communiquer, au collège, dans un délai de quinze jours, ses moyens de défense. Le conseil prend acte des faits de nature à entraîner l'incompatibilité et constate la déchéance de plein droit. Il procède au remplacement du membre concerné. Un recours, fondé sur l'article 16 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, est ouvert contre cette décision. Il est introduit dans les huit jours de sa notification. Si, ayant connaissance de la cause de sa déchéance, même en l'absence de toute notification, l'intéressé continue l'exercice de ses fonctions, il est passible des peines prévues par l'article 262 du Code pénal.". Il y aurait un certain sens, du reste, à ce que le législateur établisse une procédure analogue de déchéance pour les membres du collège communal qui s'estimeraient au-dessus de la loi.

  • Réponse du 22/07/2014
    • de HAZEE Stéphane

    Question restée sans réponse