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Les conséquences de l'embargo russe sur les productions agricoles

  • Session : se2014
  • Année : 2014
  • N° : 4 (se2014) 1

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  • Question écrite du 22/08/2014
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Infrastructures sportives, délégué à la Représentation à la Grande Région

    Le boycott prononcé par la Russie à l'égard des productions agricoles européennes touche bien évidemment le territoire wallon et les producteurs régionaux.

    Quelle est l'ampleur des pertes agricoles qu'occasionne le boycott sur les productions wallonnes ? Tout le territoire de la Wallonie est-il touché ?

    L'évaluation s'est-elle faite en compagnie des services du ministre fédéral des Affaires étrangères et de l'Union européenne ?

    Des compensations sont-elles prévues ? Lesquelles ?

    Quelles sont les mesures prises par Monsieur le Ministre pour soulager le secteur et limiter le dommage ?

    A-t-il rencontré les organisations agricoles représentatives ? Quand et quel fut le bilan des éventuels contacts ?


  • Réponse du 11/09/2014
    • de COLLIN René

    Le 7 août 2014, la Russie a décrété une interdiction totale de la plupart des produits alimentaires en provenance de l'Union européenne (UE), des Etats-Unis, de l'Australie, du Canada et de la Norvège.

    Une analyse de l’ampleur des pertes que pourrait occasionner ce boycott sur les productions wallonnes a rapidement été menée avec l’administration et le SPF Economie. La Russie représente, en valeur, moins de 2% de l'ensemble des exportations belges et n’en est que le 13ème client. En 2012, ces exportations ont atteint 5,4 milliards d'euros.

    Selon l'Agence wallonne à l'exportation (AWEX), l'embargo sur des produits tels que viande bovine, de porc, de volaille ainsi que poisson, lait et produits laitiers, fruits et légumes, entraînerait un manque à gagner de 10 à 12 millions d'euros pour la Wallonie, montant qui pourrait être doublé si les produits issus de l'industrie agro-alimentaire venaient à être également concernés.

    Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu'en valeur, la Russie pèse pour moins d'un pourcent (0,84%) dans les exportations wallonnes, soit environ 337 millions d'euros en 2013, dont à peu près 7% pour les produits d'origine agricole.
    Les principaux produits alimentaires wallons exportés vers la Russie sont, par ordre d'importance, le lait et les produits dérivés du lait, les viandes, les produits de minoterie (farines), les préparations alimentaires et les fruits et légumes.

    Si, à l’échelon régional, la Wallonie ne devrait pas être trop impactée par le seul fait d’un embargo, à l’échelon individuel, selon les débouchés de certains, les pertes peuvent être importantes. Le risque le plus important est celui d’un effet collatéral d’une baisse de prix vu l’augmentation de l’offre sur le marché intérieur, ce qui touchera l’ensemble des producteurs. La perte du marché russe concerne l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne et va provoquer une inondation du marché pour certains produits. Cela va exercer une pression à la baisse sur les prix offerts aux producteurs.

    Les effets de l’embargo sur les prix du marché sont suivis avec attention par la Commission européenne et sont discutés avec les Etats Membres chaque semaine lors de comités spécifiques auxquels participent les experts de l’administration.

    Suite à cet embargo, la Commission européenne a pris diverses mesures :
    • Le lundi 18 août, la Commission a annoncé le déblocage d’une première enveloppe de 125 millions d'euros pour soutenir le secteur des fruits et légumes, via des mesures exceptionnelles portant sur des opérations de retraits du marché, ou l’indemnisation des producteurs pour des opérations de non-récolte et de récolte en vert.
    • Le 28 août, la Commission a annoncé des mesures d’aide d’urgence au secteur des produits laitiers (10 à 20 millions € selon des estimations provisoires). Il s’agit d’actions d’aide au stockage privé et de la prolongation de la période d’intervention publique pour certains produits. Ces mesures ont été activées le 6 septembre.
    • Enfin, le 3 septembre, la Commission a annoncé son intention d’augmenter les budgets européens destinés à la promotion extérieure.

    Au niveau wallon, des mesures ont été prises dans les jours qui ont suivi l’annonce de l’embargo. La stratégie wallonne de soutien aux producteurs se développe sur trois volets : une action politique vis-à-vis de l'Union européenne, le renforcement de la demande sur le marché intérieur belge et l'ouverture via l'AWEX à de nouveaux marchés.

    Avec mon homologue flamande la Ministre Joke Schauvliege et la Ministre fédérale Sabine Laruelle, j’ai adressé une lettre au Commissaire Ciolos afin de solliciter la tenue urgente d’un Conseil extraordinaire des Ministres de l’Agriculture dédié à ce sujet.
    Celui-ci s’est tenu le 5 septembre à Bruxelles. La Belgique y a plaidé pour :
    • des niveaux d’aide européens plus substantiels financés par le budget européen global et pas seulement par le budget agricole ;
    • la mise en place de nouvelles mesures de marché qui permettraient de soulager rapidement la pression sur les prix ;
    • une compensation générale de revenus pour tous les producteurs concernés et une mise à jour des prix de référence ;
    • l’extension des budgets européens pour la promotion ;
    • l’accélération des discussions afin de permettre l’ouverture vers de nouveaux marchés ;
    • l’analyse par la Commission de la possibilité de contester à l’OMC cet embargo russe.

    La Commission va analyser les différentes déclarations des Etats membres et, sur cette base, devrait faire des propositions de nouvelles actions.

    Avec les Ministres Schauvliege et Laruelle, nous avons par ailleurs adressé des courriers au Président de la Commission européenne, au Président du Conseil européen et au Commissaire européen de l’Agriculture pour obtenir un soutien fort aux agriculteurs impactés et pour demander que le budget dégagé n'affecte pas les montants européens dédiés à l'agriculture.

    Vu le calendrier des récoltes, la priorité wallonne a été de mettre en place les mesures prévues pour les producteurs de poires. Dès le 28 août, les modalités pratiques des aides ont été mises en ligne sur le portail agriculture de l’administration wallonne.

    Bien que non privilégiée par la Wallonie, la mesure de non-récolte figure dans l’arsenal des mesures prévues par la Commission. Le 4 septembre, le Gouvernement a adopté un arrêté permettant l’octroi d’une aide de 3.220 euros par hectare pour les producteurs de poires non membres d’une organisation de producteurs ayant fait le choix de ne pas récolter. Cette aide est totalement financée par les budgets européens et pourra être étendue à d’autres fruits et légumes.

    Pour les producteurs membres d’une organisation de producteurs, la Commission a décidé d’une aide double, cofinancée en partie par l’organisation.

    Afin d’accroitre la consommation locale et d’offrir un marché aux producteurs wallons, j’ai chargé l’APAQ-W d’une campagne de promotion (relance de la campagne « Agriculture de Wallonie », spots radios spécifiques poires et pommes, distributions de fruits lors d’événements,…).

    Une réflexion est également menée sur la possibilité d’augmenter l’utilisation des produits les plus touchés par l’embargo russe, à savoir les pommes et les poires, dans le cadre du Programme Fruits et Légumes à l’Ecole.

    Dès l’annonce de l’embargo, des contacts fréquents ont eu lieu entre mon Cabinet et tous les secteurs concernés.

    J’ai constitué une taskforce composée de représentants du Ministre-Président et du Ministre de l’Economie, des organisations agricoles wallonnes, des Fédérations des secteurs les plus touchés, du secteur de la transformation et de la distribution, des administrations wallonnes (DG03 et DG06), de l’APAQ-W et de l’AWEX. Son objectif est d’échanger l’information sur l’embargo et les mesures européennes en discussion, évaluer l’impact direct (perte de marchés à l’exportation) et l’impact indirect (perturbation du marché avec risque de chute des prix) et formuler des propositions de solution.

    Outre l’échange d’information et la préparation des mesures wallonnes en réponse à cette crise, les deux réunions de cette taskforce ont permis des contacts directs entre les acteurs et des actions spécifiques de la part de certains d’entre eux.