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Le rejet d'acide sulfurique dans la Meuse par la centrale nucléaire de Chooz

  • Session : se2014
  • Année : 2014
  • N° : 51 (se2014) 1

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  • Question écrite du 12/09/2014
    • de HAZEE Stéphane
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports, des Aéroports et du Bien-être animal

    Le 30 juillet dernier, le tribunal de police de Charleville-Mézières a reconnu Électricité de France (EDF) coupable du rejet d’une grande quantité d’acide sulfurique dans les eaux de la Meuse par la centrale nucléaire de Chooz. EDF a été condamnée à 2.500 euros d’amende par infraction, à des dommages et intérêts pour les associations demanderesses et à des frais de justice.

    L’impact potentiel sur notre environnement des incidents survenant sur le site de Chooz, véritablement enclavé en territoire belge, reste une problématique qui doit retenir notre plus grande attention.

    Pour rappel des faits, le 29 décembre 2011, l’exploitant EDF constatait un pH anormalement bas (acide) des eaux pluviales déversées dans la Meuse et détectait une fuite dans le circuit de traitement anti-tartre des tours auto réfrigérantes à l’origine de l’écoulement accidentel dans la Meuse de plusieurs milliers de litres d’acide sulfurique.

    La direction de la centrale de Chooz avait à l’époque dit qu’il s’agissait d’une « faible fuite » n’ayant eu « aucune incidence sur le pH de la Meuse » et qu’elle avait joué la transparence en arrêtant immédiatement le circuit et en alertant dès le lendemain l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) ainsi que la commission locale d’information.

    L’enquête de l’ASN concluait en février 2012 que la fuite avait débuté le 6 décembre et conduit à un rejet total d’acide évalué « entre 5.750 et 13.800 litres ». L’ASN évoquait des « négligences dans l’exploitation et la maintenance des équipements » et une pollution sans « conséquence majeure sur la qualité de l’eau » vu le débit de la Meuse (entre 200-700 m3/s).

    Après le classement sans suite d’une plainte déposée le 28/8/2012  pour infractions au code de l’environnement et pollution des eaux, le réseau « Sortir du Nucléaire », accompagné de France Nature Environnement et Nature et Avenir, relançait la procédure par une citation directe d’EDF devant les juridictions le 25/11/2013 qui a abouti au jugement de ce 30 juillet.

    Ces associations ont rappelé qu’il s’agissait d’un « incident grave » et de trois infractions précises (1), et que le rejet d’acide sulfurique a pu « causer des dommages à la faune et à la flore » notamment aux poissons et qu’il serait bon que le préjudice et la responsabilité soient reconnus et EDF condamnée pour créer une jurisprudence.

    Ce qui est ressorti d’une des audiences – celle qui s’est tenue le 2 juillet 2014 – ne manque pas de nous alarmer davantage : le directeur de la centrale n’hésitait pas à avancer que « tous les deux jours, on reçoit à Chooz un camion-citerne qui nous livre de 10 à 15m³ d’acide sulfurique utilisé pour traiter le tartre des tours réfrigérantes, puis cet acide est rejeté dans la Meuse, en toute légalité ».

    L’incident de 2011 et l’absence d’information officielle directe des autorités belges (Région et Province) de la part de la France en cette occasion et plus encore les déclarations récentes du directeur de la centrale relative au rejet fréquent d’acide me conduisent à interroger Monsieur le Ministre.

    Peut-il nous indiquer si son administration effectue régulièrement des mesures de contrôle et en particulier à la suite de ces déclarations ? Peut-il nous éclairer sur l’impact sur la faune et la flore aquatiques d’un rejet massif d'acide sulfurique ? Qu’en serait-il s’il s’agissait d’un rejet très fréquent comme celui évoqué lors de l’audience ?

    En deuxième lieu, il nous parait utile de voir ce qui se fait de notre côté de la frontière. Monsieur le Ministre peut-il nous rassurer sur ce qui est pratiqué en Wallonie ? Comment une telle problématique est-elle gérée à Tihange ? Comment ces déchets liquides sont-ils traités ?
    Faut-il craindre également un déversement de grandes quantités d’acide sulfurique en Meuse ?



    (1) rejet dans l’émissaire du circuit de traitement antitartre de la tour réfrigérante avant rejet dans la Meuse d’effluents au pH inférieur à 6, absence de mesure prise par EDF pour éviter des écoulements et rejets non prévus dans l’environnement..., absence de maintenance et d’entretien des canalisations de transport de fluides pouvant engendrer un incident ou de fluides toxiques, radioactifs, inflammables, corrosifs ou explosifs, ...
  • Réponse du 26/09/2014
    • de DI ANTONIO Carlo

    Pour ce qui concerne l’incident de Chooz, la station d’alerte de Hastière du réseau Aquapol qui effectue des mesures en continu, notamment du pH, n’a repéré aucune diminution anormale du pH sur la Meuse. La quantité d’acide rejetée n’a eu aucun impact sur la Meuse en Wallonie.

    Si la station Aquapol devait mettre en évidence une acidification soudaine suite à un déversement accidentel d’acide dans la Meuse, l'alerte serait donnée à la Direction extérieure du Département de la Police et des Contrôles (DPC) concerné. Cette dernière peut alors demander à l’Agence Prévention Sécurité (APS) de déclencher l'alerte Escaut-Meuse afin de prévenir les différents pays limitrophes concernés. Vu le système déjà en place, aucune surveillance particulière et supplémentaire n’a donc été mise en place suite à l’incident survenu à Chooz.

    Concernant l’impact sur la faune et flore aquatiques d’un rejet massif d’acide sulfurique, sachant que la norme pH définie pour garantir le bon fonctionnement de l’écosystème rivière se situe entre 6 et 9 et que la Meuse présente un PH variant entre 7,5 et 8,5. Certaines rivières comme les ruisseaux fagnards présentent même des pH de 5, sans que cela impacte les organismes adaptés aux eaux acides qui y vivent. En deçà de pH 5 ou au-delà de pH 9, la vie aquatique devient plus problématique.

    Quant à la centrale nucléaire de Tihange, les mesures prises découlent son permis d’environnement et des conditions d’exploitation de la centrale qui sont reprises dans un arrêté du 9 mai 2008.

    Ce permis fixe des conditions de déversement et de contrôle pour les eaux issues des différentes installations, au niveau de points internes à la centrale et au niveau des points de rejets finaux.

    Ainsi, le permis fixe une valeur maximale pour la concentration en sulfates et une plage pour la valeur du pH des eaux déversées (comprise entre 6,5 et 8,5). Des conditions de contrôle, dont notamment une mesure en continu de la valeur du pH ou la mesure de la concentration en sulfates des eaux sont également imposées.

    Le risque d’un déversement de grandes quantités d’acide sulfurique dans la Meuse a été analysé par la cellule R.A.M. (Risques d’accident majeur) lors de l’instruction de la demande de permis en 2008. Le scénario analysé a conclu que le risque d’un accident est maitrisé.

    En effet, les conditions d’exploiter imposent un stockage dans un bâtiment fermé, doté d’un encuvement dûment dimensionné et non connecté au réseau d’égouttage ; les aires de dépotage des camions sont munies de vannes d’arrêt d’urgence et sont raccordées à l’encuvement ; enfin des rondes sont effectuées trois fois par jour par les opérateurs.

    Dernière précision : les dispositions légales et réglementaires, mais également le permis imposent à l’exploitant d’informer le fonctionnaire chargé de la surveillance (DPC) de tout incident ou dépassement constaté par rapport aux valeurs limites d’émission.