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Les dégâts des décibels

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 10 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 26/09/2014
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    La première des conséquences possibles de la surpuissance sonore est la surdité (ou hypoacousie), les sons trop forts détruisent les cellules cillées de l'oreille interne. Les sons aigus sont les plus dangereux et les fréquences aigües de l'audition les premières touchées par la baisse d'acuité auditive.

    De plus en plus de jeunes souffrent malheureusement de perte auditive et d'acouphènes.

    Selon Bart Vinck, responsable d'une étude de l'Université de Gand sur l'ouïe des jeunes, nos adolescents auraient déjà des oreilles de quinquagénaires. L'audition des 6-18 ans a diminué en moyenne de 17 % en dix ans et les cas d'acouphènes ont augmenté de 12 %. Notre oreille n'a jamais été autant agressée qu'aujourd'hui. Que ce soit au cinéma, où certains ORL conseillent d'emporter ses bouchons ou en passant la tondeuse, des activités anodines nous confrontent déjà à des niveaux de bruit nocifs. Autre miracle de la technologie qui peut se révéler un véritable fléau, les iPod et baladeurs, dont les jeunes ne peuvent plus se passer. Ils concentrent deux problèmes : une intensité sonore élevée et de longues périodes d'écoute, qui ne permettent pas à l'oreille de récupérer.

    Selon certains ORL, " dans trente ans le budget "correction auditive" de la Sécurité sociale va exploser". Une seule solution : la prévention

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de cette situation ?

    Quelles sont les actions existant en termes de prévention à la Région wallonne?

    Monsieur le Ministre prévoit-il des actions spécifiques pour informer les consommateurs des risques encourus ?

    Quelles mesures préconise-t-il pour inciter les jeunes à réduire le volume de leurs baladeurs ?
  • Réponse du 14/10/2014
    • de PREVOT Maxime

    1. Déjà en 1991, le magazine « prescrire » [1] mettait en garde contre le potentiel dangereux de tout son d’un niveau plus élevé que celui de la conversation (environ 75 dB) dans la mesure où il persiste suffisamment longtemps. À tout âge, le bruit a le pouvoir de léser de manière irréversible les structures de l’oreille interne. L’atteinte peut-être brutale et totale comme, par exemple, lors d’une explosion. Mais l’exposition prolongée à des bruits d’intensité moindre peut entrainer une perte d’audition progressive dont la victime n’aura pas conscience initialement. L’effet nocif des expositions sonores croît avec leur intensité et leur durée.

    2. En février 2007, le Conseil Supérieur d’Hygiène (CSH, actuellement dénommé « Conseil Supérieur de la Santé » ou CSS) rendait un avis relatif à l’usage des diffuseurs portables de musique digital (MP3) et au risque de dommages auditifs [2]. Des études menées sur des appareils personnels fonctionnant sur base d'une technologie analogique ont déjà montré que leur utilisation peut provoquer des pertes auditives. Un certain nombre de facteurs laissent à penser que les appareils de type MP3 sont potentiellement plus dommageables pour l’ouïe que ceux de la génération précédente. En effet, tant la durée d’utilisation que l’intensité sonore sont déterminantes pour la survenue des dégâts éventuels. Or, étant donné la durée de vie plus longue de leurs batteries, leur faible encombrement et leur plus grande capacité de stockage de musique, les diffuseurs de musique de type MP3 peuvent être utilisés de façon plus fréquente et pendant de plus longues périodes que ne l'étaient les précédents diffuseurs de musique. Aussi, l'utilisation, largement répandue aujourd'hui, d'écouteurs de type « oreillettes » (placés dans l’oreille et non sur l’oreille), accroît encore de 7 à 9 décibels (dB) le niveau de son reçu par l'oreille.

    3. Concernant l'exposition au bruit dans le cadre de dancings et de concerts, le même avis du CSH montre qu’on peut régulièrement mesurer des niveaux sonores de loin supérieurs à la valeur seuil légale belge de 90 dBA durant ces événements. En effet, la réglementation applicable en Région wallonne pour la protection du public sur les lieux d’émissions musicales reste encore aujourd’hui l’arrêté royal du 24 février 1977 [3] fixant à 90 dB(A) la valeur maximale de niveau sonore pouvant être émis à l’intérieur d’un établissement. D’un point de vue de santé publique, le CSH recommandait vivement une implémentation stricte de cette norme légale de 90 dB(A).

    4. Dès le milieu des années 2000, la « Hearing Alliance of America » avait signalé que 15 % des collégiens présentaient un niveau de perte auditive égale ou supérieure à leurs parents. Cette perte est considérée comme étant causée essentiellement par l'écoute de musique à un volume élevé [4, 5]. La conclusion des auteurs est que malgré que les adolescents eux-mêmes et leurs parents soient responsables des précautions à prendre pour éviter les effets nocifs des expositions sonores, des actions de préventions doivent être prises par les autorités. À titre d’exemple, ils proposent d’imposer des normes plus strictes dans les établissements publics (1) ou obliger les fabricants à produire des produits plus sûrs, en fixant des limites de volume. Selon Fligor et al. [6], les appareils de type MP3 actuellement sur le marché peuvent atteindre des niveaux d’intensité de 90 à 120 dB(A). Par contre, certains appareils sont limités à 90 ou 100 dB(A). Toutefois, certains logiciels peuvent être téléchargés sur internet pour contourner cette limitation.



    « Quelles sont les actions existantes en termes de prévention à la Région wallonne ? »

    Le cadre légal wallon prévoit la possibilité d’agréer des services d’aides et de soins spécialisés en assuétudes. La Région peut ensuite les subventionner sur base annuelle pour leur permettre de mettre en place les missions prévues par le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé pour ce qui relève de la problématique des assuétudes.

    Ainsi les articles 641 et suivants du Code prévoient que tout service peut être agrée pour toutes ou parties des missions définies, dont notamment la Réduction des risques. La réduction des risques, comme le mentionne le texte, implique l’organisation d’activités visant à réduire les dommages liés à la consommation et à ce que le bénéficiaire dispose d’une qualité de vie et de santé conforme à ses choix.

    À la date d’aujourd’hui, 24 services sont agréés et 4 sont encore en demande d’agrément. Une partie d’entre eux seulement pratiquent la Réduction des risques.

    Ces derniers travaillent en collaboration étroite avec l’ASBL Modus Vivendi qui est elle-même soutenue par la Wallonie par le biais d’une subvention facultative pour le projet dénommé « Quality Nights » (labellisation des lieux festifs). Celui-ci se focalise sur la Réduction des risques en milieu festif qui prend en compte, entre autres choses, l’information et la sensibilisation aux nuisances sonores. À cet égard est organisé lors d’évènements festifs la mise à disposition de bouchons d’oreilles qui tout comme celle des préservatifs. À l’heure actuelle, 60 lieux ont été labélisés en Belgique dont une vingtaine Wallonie.

    Signalons toutefois que, dans le cadre de la problématique des assuétudes, la prise en charge des nuisances sonores ne se fait jamais dans le cadre d’un projet ne visant que cela, mais s’inscrit toujours dans un contexte global de réduction des risques.



    « Monsieur le Ministre prévoit-il des actions spécifiques pour informer les consommateurs des risques encourus ? »
    « Quelles mesures préconise-t-il pour inciter les jeunes à réduire le volume de leurs baladeurs ? »

    Si le domaine de la prévention relève maintenant de la Région wallonne, il était jusqu’ici à charge de la Communauté française.

    Dans le cadre spécifique de la thématique de la prévention contre le bruit, la Fédération Wallonie-Bruxelles a notamment financé au moins à deux reprises au cours de ces dernières années les initiatives de l'ASBL SURDIMOBIL. Cette ASBL vise à informer le grand public et plus particulièrement les secteurs industriels et le milieu festif sur les dangers liés au bruit. La subvention accordée par le Fédération en 2014 concernait plus particulièrement le "Projet Théodule", destiné à s’adresser directement au jeune public afin de le conscientiser au danger sonore

    Dans le cadre du transfert des compétences en cours, la Communauté française gère encore, jusque fin 2015, le traitement administratif des dossiers. Ce laps temps permettra à la Wallonie de s’approprier la matière afin de gérer au mieux la politique de prévention. La thématique qui nous occupe ici, sera bien évidemment prise en compte dans les stratégies à mener.



    (1) La Flandre a déjà imposé des normes plus strictes pour les établissements dans lesquels de la musique est diffusée.


    Références
    [1] La Revue Prescrire, 1991, tome 11 n° 111.
    [2] Publication du conseil supérieur d’hygiène N°8187. Avis relatif à l’usage des diffuseurs portables de musique digital (MP3) et au risque de dommages auditifs. 7 février 2007.
    [3] 24 FÉVRIER 1977. – Arrêté royal fixant les normes acoustiques pour la musique dans les établissements publics et privés (M.B. du 26/04/1977, p. 5371)
    [4] Fausti S et al. Hearing health and care: the need for improved hearing loss prevention and hearing conservation practices. J Rehabil Res Dev. 2005, 424(suppl 2):45–62.
    [5] Vogel I. et al. Strategies for the Prevention of MP3-Induced Hearing Loss Among Adolescents: Expert Opinions From a Delphi Study. Pediatrics 2009, 123 : 1257-1262.
    [6] Fligor B.J. & Cox L.C. Output levels of commercially available portable compact disc players and the potential risk to hearing. Ear & Hearing. 2004; 25(6): 513-27.