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La taxe sur les immeubles inoccupés

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 56 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 15/10/2014
    • de COLLIGNON Christophe
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    Comme Monsieur le Ministre le sait, la Cour de cassation a confirmé il a quelques semaines l'illégalité du règlement-taxe de la Ville de Charleroi sur les immeubles inoccupés. L'illégalité proviendrait du fait d'une exonération de cette taxe pour les immeubles privés appartenant aux organes publics, en ce compris les communes et les provinces, par exemple.

    La ville se voit ainsi contrainte de rembourser plusieurs milliers d'euros aux différents plaignants.

    Le règlement-taxe a depuis lors été modifié afin de mettre un terme à cette discrimination.

    D'autres communes sont-elles concernées? À combien s'élève l'impact sur les finances communales?
  • Réponse du 04/11/2015
    • de FURLAN Paul

    Comme le rappelle l'honorable membre, la Cour de cassation vient en effet de décider que la taxe sur les immeubles inoccupés perçue entre 2005 et 2010 par la ville de Charleroi était discriminatoire et illégale.

    La notification officielle de cet arrêt n’ayant pas encore été faite, mon administration a essayé d’obtenir une copie de cette décision auprès de la ville de Charleroi. Celle-ci n’a cependant pas souhaité répondre favorablement à la demande.

    De ce fait, c’est uniquement sur base des informations parues dans la presse qu’on en déduit que la Cour de cassation ne fait que confirmer la position que le tribunal de première instance et la Cour d'appel de Mons avaient déjà adoptée dans cette affaire.

    L’arrêt confirmerait donc que le règlement-taxe de la ville de Charleroi est illégal. Ce règlement vicié par l’exonération qui était prévue pour les immeubles appartenant à l’État, aux provinces, aux communautés, aux régions, aux communes et aux établissements publics est jugé discriminatoire et donc pris en violation du principe constitutionnel de l’égalité des citoyens devant l’impôt (172 de la Constitution).

    Quels enseignements peut-on tirer de cet arrêt ?

    La première chose est la nécessité – comme déjà rappelé à suffisance dans la circulaire budgétaire – de motiver les règlements quand un traitement différencié est fait entre différentes catégories de redevables. Il faut absolument que le juge puisse, en cas de litige, apprécier si le rapport entre la mesure adoptée (l’exonération ou le tarif préférentiel de la taxe) et l’objectif de la taxe est raisonnable.

    En l’occurrence, le juge n’a pas pu opérer cet examen parce que le règlement-taxe se bornait à viser la situation financière de la ville. De ce fait, le juge en a déduit que le seul objectif du règlement-taxe était de procurer un maximum de recettes à la ville et que l’exonération prévue nuisait à cet objectif.

    La deuxième chose est que le juge rappelle que les biens du domaine public et ceux du domaine privé de l’État (sensu lato) entièrement affectés à un service public ou à un service d’utilité générale ne sont pas soumis à l’impôt. De ce fait, il confirme la jurisprudence de la Cour de cassation établie dans son arrêt du 14 juin 1960 (Cass. 14 juin 1960, Pas.1960, I, p.1184).

    Le troisième enseignement est une nouvelle confirmation du changement de jurisprudence des Cours et tribunaux : autrefois ils se contentaient d’écarter la disposition litigieuse d’un règlement (Cass. 25 octobre 1985, Pas., 1986, I, p.221 ; J.D.F., 1987, p.23 note M. Baltus. Cass., 28 juin 2001, Pas., 2001, I, p. 1258) tandis que maintenant c’est le règlement dans son entièreté qui est écarté. En effet, ils considèrent désormais que les dispositions d’un règlement-taxe forment un ensemble qui ne peut être divisé lorsque ces dispositions se rapportent toutes à une taxe qui est inégalement établie, de sorte que le vice d’inconstitutionnalité qui affecte l’article de ce règlement prévoyant une exonération jugée discriminatoire rend le règlement nul dans son entièreté (Cass. 18 novembre 2005, R.G.S.F., 2005, n°5, p.338, note de H. LOUVEAUX ; F.J.F., 2006, p.662).

    Enfin, il convient de rappeler que suite à la décision du tribunal de première instance de Charleroi et à l’arrêt que la Cour d’appel avait rendu dans cette affaire le 27 avril 2012, les commentaires de la circulaire budgétaire ont aussitôt été modifiés. C’est ainsi que la circulaire budgétaire pour l’exercice 2013 faisait état de cette jurisprudence dans les commentaires relatifs à cette taxe, insérait un commentaire dédié aux exonérations des biens du domaine public et attirait l’attention des communes sur la nécessité de justifier toute discrimination dans le règlement-taxe (recommandation également reprise dans les commentaires généraux de la circulaire depuis la circulaire budgétaire pour l’exercice 2001).

    Ces commentaires étaient rédigés comme suit et apparaissent toujours en tant que tels dans la dernière circulaire budgétaire :
    « Cette position a été récemment réitérée par l’arrêt de la Cour d’appel de Mons du 27 avril 2012 mettant en cause la ville de Charleroi. La Cour rappelle que seuls les biens du domaine public et ceux du domaine privé de l’État entièrement affectés à un service public ou à un service d’utilité générale ne sont pas soumis à l’impôt. »

    Il est également à rappeler que depuis la circulaire budgétaire pour l’exercice 2008 l’attention des communes était attirée sur un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 11 mai 2007 (pris sur renvoi de la Cour de cassation) mettant en cause la commune de Schaerbeek et précurseur de la décision de la Cour de cassation. En effet, dans cet arrêt la Cour rappelle que, selon le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt, un régime fiscal différent peut être établi à l'égard de certaines catégories de contribuables à condition que ce régime soit objectivement et raisonnablement justifié. L'existence d'une pareille justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la taxe établie et aux liens de proportionnalité raisonnable entre les moyens utilisés et le but poursuivi.

    En l'espèce, la Cour d’appel relevait :
    « - que le but poursuivi par le règlement-taxe résulte de sa référence à la nécessité de pourvoir aux dépenses nécessaires au bon fonctionnement de la commune et à la lutte contre l'abandon et l'inoccupation des immeubles en incitant les propriétaires défaillants à exécuter des travaux de remise en état ;
    - qu’il n'apparaît pas objectif et proportionnellement raisonnable de la part de la commune de se priver de ressources en dispensant les sociétés de logements sociaux du paiement de la taxe lorsqu'elles laissent des bâtiments à l'abandon ;
    - que cette exonération a en outre un effet pervers puisqu'il incite les sociétés de logement à moins se soucier de l'avancement de leurs travaux de réhabilitation que d'autres constructeurs soumis à la taxe ;
    - que le règlement-taxe est donc discriminatoire sans que cette différence de traitement repose sur un critère objectif et raisonnable et soit justifiée eu égard au but poursuivi et aux effets de la mesure critiquée ».

    En ce qui concerne les communes qui disposeraient toujours d’une telle clause dans leur règlement, il n’est pas possible dans le délai imparti d’aller examiner chaque règlement-taxe adopté. Par ailleurs, il est impossible d’avoir une idée de l’impact financier que représenterait une telle exonération dans la mesure où cela relève du nombre et de la longueur de façade des bâtiments concernés. Ainsi, chaque commune est un cas d’espèce qu’il faudrait consulter individuellement.

    À titre purement informatif, il faut savoir que cette taxe est évaluée à 6 098 054 euros aux budgets initiaux 2014 et que les comptes 2013 révélaient un montant total des droits constatés nets de 5 668 500 euros.