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La condamnation de l'AWIPH par le tribunal civil d'Arlon

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 87 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 13/11/2014
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le 10 octobre dernier, le Tribunal de Première Instance d'Arlon, siégeant en référé, condamnait l'AWIPH à trouver un hébergement adéquat à un jeune homme polyhandicapé, sous peine d'astreinte de 300 euros par jour

    Monsieur le Ministre a-t-il pu prendre connaissance de cette ordonnance ? Quel en est le contenu précis et quelle est la nature de la condamnation ? Comment réagit-il ? Quelle lecture politique fait-il de la situation ?

    Cette condamnation est une première en Belgique semble-t-il.

    Cette condamnation remet-elle en cause le travail de l'AWIPH et les procédures qui y sont utilisées ?

    Monsieur le Ministre aurait-il une obligation de résultat à sa charge à présent, sachant qu’il ne peut contraindre les services agréés ou en autorisation de fonctionnement à accepter quelqu’un ?
    L’AWIPH a-t-elle l’intention de faire appel ?

    Cette situation individuelle remet en lumière la difficulté de trouver des solutions pour des situations de grande dépendance et/ou comme, semble-t-il, dans le cas présent, de double diagnostic. Ne conviendrait-il pas de développer l’unité de Manage dans ce dernier cas ?

    Le taux de réinsertion dans la vie normale de ces structures avoisine les 79 %. Cette solution semble préférable à l’hospitalisation en hôpital psychiatrique nettement moins adaptée à ces situations spécifiques. Qu’en pense Monsieur le Ministre ? Quelles initiatives a-t-il prises en ce sens ?

    Pour revenir de manière plus générale au manque de places pour les « cas lourds », qu’en est-il de l’état d’avancement du plan « grande dépendance » annoncé par le prédécesseur de Monsieur le Ministre ?
    Qu’en est-il de la pérennisation du système des cas prioritaires ?

    Combien de personnes sont aujourd’hui concernées ? Combien sont en attente de solution urgente ?

    Quelles sont les disponibilités budgétaires pour cette fin d’année ? Qu’en est-il pour l’année 2015 ? Quelle masse budgétaire représente cette politique globalement ?

    Il me revient que les services agréés arrivent au maximum de leur capacité, que des solutions alternatives devront être trouvées à moyen terme. Qu’en est-il exactement ?

    Quelles pistes de solutions Monsieur le Ministre a-t-il mises en place ?

    Enfin, une des pistes évoquées pour résoudre en partie des problèmes rencontrés était la constitution d’une liste unique de demandes formulées auprès des services agréés par l’AWIPH ou en autorisation de fonctionnement, de manière à éliminer les doublons et à avoir une image fidèle de demandes en attente. Où en est-on à cet égard ?
  • Réponse du 02/12/2014
    • de PREVOT Maxime

    Je me permets au préalable d'exposer le contexte de cette affaire.

    Un service résidentiel agréé et subventionné par l’Agence wallonne pour l’Intégration des Personnes handicapées héberge un jeune homme autiste depuis octobre 2008. Ce dernier bénéficie d’une décision favorable dans le cadre d’une admission dans un service résidentiel pour adultes jusqu’en 2018.

    Le 25 août 2014, ce service résidentiel a cité en référé l’AWIPH devant le Tribunal de première instance du Luxembourg, Division d’Arlon, afin de la « contraindre judiciairement à dégager une solution en trouvant un centre d’hébergement adapté à la situation extrêmement critique de « X » (1), et ce, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour de retard. ». L’administrateur provisoire du bénéficiaire a fait intervention volontaire à la cause également.

    L’AWIPH a soulevé à titre d’argument principal que les services qu’elle agrée sont souverains en matière d’admission en manière telle qu’elle ne peut effectuer de placements contraints. La décision prononcée par l’AWIPH en faveur du bénéficiaire consiste uniquement en une ouverture de droit lui permettant d’être pris en charge dans un service d’accueil ou d’hébergement. Cela ne signifie en aucun cas que l’AWIPH soit obligée de lui trouver une place dans un service, ni que ces services soient contraints de le prendre en charge. Tout au plus, l’Agence peut lui apporter un soutien dans ses démarches, via la cellule « cas prioritaires » notamment.

    L’AWIPH a également attiré l’attention du tribunal sur la jurisprudence du tribunal de première instance de Verviers. Par ordonnance du 7 avril 2009, ce dernier avait en effet statué dans une affaire identique jugeant que l’AWIPH était compétente pour agréer les services, mais que ceux-ci étaient souverains en matière d’admission, en manière telle qu’elle ne pouvait effectuer aucun placement contraint.

    Par ordonnance prononcée en référé le 10 octobre 2014, le tribunal de première instance du Luxembourg n’a cependant pas retenu l’argumentaire développé par l’AWIPH ni suivi la jurisprudence du Tribunal de première instance de Verviers.

    Le tribunal a en effet condamné l’AWIPH « à mettre tout en œuvre, conformément à son obligation, pour trouver à « X » (…) un centre d’hébergement aussi adapté que possible à son état » et « à payer à titre d’astreinte, à dater de six semaines après la signification de l’ordonnance, la somme de 300 euros par jour de retard mis à l’exécution de la condamnation, avec un maximum de 60.000 euros ».

    Le tribunal estime que les articles 273 et 274 du Code wallon de l’action et sociale et de la santé (volet décrétal) ainsi que le contrat de gestion confèrent à l’AWIPH un pouvoir de contrainte et une obligation de résultat.

    Pour une parfaite information, l’AWIPH a interjeté appel de l’ordonnance devant la Cour d’appel de Liège. L’audience de plaidoiries a été fixée au 9 décembre prochain.

    Par ailleurs, il est exact que ce cas particulier remet une fois de plus en lumière le manque de solutions adéquates pour les personnes de grande dépendance et, plus particulièrement, en ce qui concerne les personnes qui présentent des troubles très graves du comportement.

    Cette situation me préoccupe beaucoup.

    L’année 2014 n’étant pas terminée, je ne dispose pas encore de statistiques complètes de la cellule cas prioritaires de l’AWIPH la concernant. Néanmoins, à titre informatif, sachant que pour 2013 par exemple, 309 demandes de personnes dites de grande dépendance avaient été adressées à cette cellule, dont 174 avaient été identifiées comme urgentes. Parmi elles, on comptait 79 personnes avec autisme et 47 « doubles diagnostics ». 153 solutions ont pu être trouvées en 2013, notamment grâce au mécanisme des places nominatives.

    Depuis une dizaine d’années, ce sont souvent entre 150 et 190 demandes urgentes, portant sur de l’accueil ou de l’hébergement, et émanant de personnes lourdement handicapées, qui sont ainsi répertoriées et traitées annuellement.

    Mais l’Agence a constaté depuis quelque temps une complexification des situations qui rend encore plus difficile la recherche de solutions alors qu’il est exact que les services habituellement « partenaires » de ce type de situations sont de plus en plus saturés.

    Enfin, l'honorable membre évoque la liste unique. Je rappelle qu’elle n’a pas pour vocation de résoudre la question du manque de places, mais d’être un outil visant, d’une part, une gestion plus efficiente de l’offre et de la demande au bénéfice de tous (usagers, familles, services, Administration) et, d’autre part, d’obtenir des données statistiques pertinentes concernant les demandes réellement en attente. L’AWIPH a aujourd’hui entamé des démarches auprès de la Commission de la Vie privée afin qu’il soit validé et travaille, parallèlement, à son informatisation.



    (1) Par souci de confidentialité, l’identité du bénéficiaire n’est pas mentionnée.