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Le contrat de travail des sportifs rémunérés

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 50 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 20/11/2014
    • de PREVOT Patrick
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    La problématique, soulevée par la Fondation Samilia, qui lutte contre la traite des êtres humains, notamment celle des jeunes joueurs de football étrangers, est délicate, car ces jeunes sont victimes d'agents véreux, pris au piège d'un mirage auquel ils s'accrochent désespérément ou impliqués dans de véritables réseaux de trafic d'êtres humains. Ils sont présents sur notre territoire et vivent dans des conditions très précaires.

    Le sujet englobe différentes questions qui concernent plusieurs niveaux de pouvoir et qui relèvent de la notion du respect des droits humains, du sport et de l'éthique, de la protection des jeunes, du droit international et de la coopération internationale et également des droits des travailleurs.

    La législation relative au contrat de travail des sportifs rémunérés prévoit qu'un footballeur non ressortissant de l'Union européenne ne peut obtenir son permis de travail et donc son titre de séjour et sa licence professionnelle qu'à condition de percevoir un salaire minimum fixé chaque année par arrêté royal qui tourne autour de 72.000 euros par an. À quelques exceptions près, il semblerait qu'aucun club en Belgique ne peut payer ce montant à un jeune joueur, souvent d'origine africaine qui n'a pas encore fait ses preuves. Par conséquent, certains clubs engageraient ces joueurs comme hommes à tout faire dans les stades.

    Il va de soi qu'ils ne sont en réalité pas occupés comme tels, mais qu'ils jouent au football.

    Ce constat donne lieu à une réflexion nécessaire sur l'équilibre à trouver entre la réalité des situations et la condition de la rémunération élevée exigée par la loi.
    Interrogé récemment, le ministre Peeters estime que les Régions seraient désormais compétentes pour la réglementation, l'application, le contrôle et le maintien des normes relatives à l'occupation des travailleurs étrangers.

    Madame la Ministre pourrait-elle nous clarifier cette situation ? Quelle est sa position sur cette problématique ? Lorsqu'ils sont employés dans une autre fonction, sont-ils protégés médicalement ? Sont-ils encadrés correctement socialement et sportivement ? Sont-ils clairement identifiés et identifiables par rapport à un contrat qui lie un employeur et un salarié ?

    Quelle est la réglementation actuelle en vigueur aujourd'hui ?

    Comment Madame la Ministre compte-t-elle procéder pour accueillir cette nouvelle compétence ?

    Envisage-t-elle d'adapter le plafond à la réalité du terrain ? Et donc l'abaisser ? À quel montant ?

    Madame la Ministre compte-t-elle interpeller le ministre fédéral de l'Emploi, son collègue en charge des Sports, afin de créer des synergies pour examiner cette problématique de manière globale ?
    Compte-t-elle interpeller aussi le niveau européen pour envisager une réponse concertée sur cette situation ?
  • Réponse du 17/12/2014
    • de TILLIEUX Eliane

    La loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation de travailleurs étrangers (pour laquelle la Région wallonne a désormais le pouvoir réglementaire depuis le 1er juillet 2014 suite à la sixième réforme de l’État) prévoit un dispositif précis en matière d’immigration économique pour les entraineurs et sportifs rémunérés (qui est actuellement commune aux 3 Régions).

    L’article 9.11° de l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation des travailleurs étrangers prévoit des conditions assez strictes pour l’occupation d’entraineurs et sportifs hors UE via l’instrument de migration économique qu’est l’autorisation d’occupation liée et le permis de travail B lié.
    « Art. 9 Par dérogation à l'article 8, il n'est pas tenu compte de la situation du marché de l'emploi pour l'octroi de l'autorisation d'occupation lorsqu'il s'agit :
    (…)
    11° de sportifs professionnels et d'entraineurs, pour autant que, dans les deux cas, le montant de leur rémunération corresponde au moins à huit fois la rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 2, § 1er, de la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail du sportif rémunéré. »

    Le montant prévu à l’article 9.11° dudit arrêté est pour la saison sportive 2014-2015, du 1er juillet au 30 juin, de 8 fois 9.400 euros, soit 75.200 euros (arrêté royal du 7 mai 2014 fixant le montant minimal de la rémunération dont il faut bénéficier pour être considéré comme sportif rémunéré ; M.B. 20/06/2014).

    En 2013, 61 sportifs professionnels et 1 entraineur hors UE ont reçu un permis de travail de type B via ce dispositif.

    Ceux-ci sont occupés en clubs de football professionnels de première et deuxième divisions. De nombreux basketteurs également.

    Les 62 personnes concernées peuvent être réparties comme suit :



    Fonction :
    * 24 joueurs de basket (pour 6 clubs);
    * 37 joueurs de football (pour 7 clubs);
    * 1 entraineur de football (NB : l’entraineur israélien du Standard de Liège).

    Peuvent ainsi être autorisées au travail sans répondre aux conditions ci-dessus stipulées dont celle de la rémunération, de nombreuses personnes, parmi celles-ci:
    - les personnes dispensées de permis de travail, généralement sur base d’un séjour illimité (articles 2.3°, éventuellement 2.2 ou 2.5°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999). Ces personnes ont une liberté d’accès au marché de l’emploi belge, au même titre que les ressortissants belges et UE, et doivent être employées aux mêmes conditions de travail ;
    - les personnes en possession d’un permis de travail A, de durée illimitée et valable pour tout employeur et toute fonction (article 16 dudit arrêté). Ces personnes obtiennent cependant généralement rapidement un séjour illimité et sont alors dispensées de permis de travail (voir supra);
    - les personnes en possession d’un permis de travail de type C, de durée limitée et valable pour tout employeur et toute fonction (article 17 dudit arrêté). Celui-ci s’adresse à des personnes en séjour temporaire et apparaît comme un droit de travail lié au séjour. Il concerne essentiellement des personnes autorisées au séjour en tant qu’étudiant, demandeur d’asile ou en regroupement familial avec un étranger non-UE.

    La Direction de l’Emploi et des Permis de Travail n’est pas informée des occupations de personnes sous permis de travail A ou C, ou dispensées de permis de travail, comme les sportifs rémunérés.

    Rappelons par ailleurs que toute personne présente en Belgique, quel que soit son statut de séjour ou sa nationalité, est susceptible de se livrer à une activité sportive récréative, éventuellement dans le cadre d’une organisation sportive telle qu’un club de football. Les prestations de volontariat y réalisées y sont par ailleurs autorisées en vertu de la loi du 3 juillet 2005 (et modification par la loi du 22 mai 2014) pour les personnes en séjour légal et en demande d’asile. Les examens et conditions médicales sont prévus par les fédérations sportives concernées.

    Rappelons également que les problématiques évoquées quant au statut de sportif sont pour bonne partie indépendantes de la nationalité des personnes.

    La question de l’éventuelle exploitation illégale dans le cadre sportif n’est pas non plus totalement spécifique, relevant plus généralement de la traite des êtres humains.

    Pour ce qui est d’envisager d’abaisser les conditions d’accès au dispositif de migration économique pour sportifs professionnels étrangers hors UE, il convient de noter que si, d’une part, le pouvoir réglementaire en la matière est désormais régionalisé, il faut cependant tenir compte du fait que ces sportifs professionnels prestent pour près de la moitié de leur temps de jeu dans d’autres Régions (les championnats supérieurs restent nationaux), et qu’effectuer des modifications des conditions d’accès à ce statut sans concertation pourrait hypothéquer l’opposabilité de ce permis de travail auprès des autres Régions.

    Enfin, la question du contrôle des conditions de travail des personnes évoquées ne relève pas de la Région wallonne, mais du fédéral.