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Le gaspillage de la culture de pommes de terre

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 59 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 09/12/2014
    • de MAROY Olivier
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Infrastructures sportives, délégué à la Représentation à la Grande Région

    Un technicien de la FIWAP (Filière wallonne de la pomme de terre) rapportait récemment que cette année, nos agriculteurs vont produire trop de pommes de terre et que plusieurs centaines d’hectares seraient tout simplement laissés pour compte. Impossible de les revendre, de les exporter, ni de les utiliser dans des marchés secondaires pour le bétail ou la biométhanisation …

    Ces dernières années, la pomme de terre s’est très bien portée, raison pour laquelle un certain nombre d’agriculteurs ont décidé d’investir dans cette culture, ce qui n’est pas donné, car cela implique, outre les terres cultivables, des machines, mais aussi un espace de stockage spécifique. Cette culture est en réalité assez contraignante et difficile à suivre, c’est un métier en soi (celui du « patatier » selon le jargon).

    Il y a également un risque inhérent lié à cette activité, c’est que la pomme de terre ne se conserve pas aussi bien que d’autres cultures comme le blé. Malheureusement, cette année 2014 collectionne les mauvais indicateurs dans ce secteur : trop de production, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont planté entre 5 et 15 % de pomme de terre en plus, les hangars à pommes de terre sont pleins, résultat le prix s’effondre et devient supérieur au prix de l’arrachage. Du coup, les agriculteurs jettent à la poubelle…

    J’ai eu vent d’un agriculteur ayant investi beaucoup d’argent dans cette production, compte tenu des bons résultats des années précédentes dans le secteur, et qui connaît de sérieux revers. Je peux imaginer son désarroi. Il est aussi très dérangeant d’entendre que l’on jette purement et simplement des productions, alors que cela aurait pu être évité en amont, via une meilleure gestion des quotas.

    En fait, il n’existe pas de quotas pour la pomme de terre, comme c’est le cas pour le lait ou la betterave. Les quotas pour la betterave vont peut-être disparaître, mais c’est compréhensible dans la mesure où le produit dérivé, à savoir le sucre, se conserve assez bien.

    Je m’interroge donc sur les moyens mis en œuvre au sein de la Région wallonne pour éviter ce genre de gaspillage. La Région wallonne n’est-elle pas en contact avec les pays étrangers afin d’anticiper sur les quotas ? N’est-elle pas en mesure de fournir aux agriculteurs des indices afin d’éviter ce genre de débâcle ? Quels sont les paramètres actuels sur lesquels la Région wallonne peut intervenir pour aider les agriculteurs dans la prévision de leurs récoltes (pour la pomme de terre, mais aussi pour d’autres cultures le cas échéant) ?
  • Réponse du 24/12/2014
    • de COLLIN René

    Le marché de la pomme de terre n’a jamais fait l’objet d’une régulation européenne des marchés comme ce fut le cas pour le sucre, les céréales, le lait ou la viande bovine. Il n’y a donc ni quota, ni politique de régulation des prix.

    La production de pomme de terre répond à un cycle économique trisannuel. Si une première année, l’offre est insuffisante, la demande étant stable, les prix s’envolent. L’année suivante, la tenue des prix incite de nouveaux producteurs à planter plus et, l’offre augmentant, les prix diminuent très rapidement. En conséquence, la troisième année, ces producteurs réduisent leur plantation et les prix s’envolent à nouveau.

    C’est pour cette raison que les économistes agricoles calculent la rentabilité de la pomme de terre non sur une année, mais sur une période de 10 ans.

    Cette année, outre un accroissement de la superficie plantée en pommes de terre, les conditions climatiques favorables ont provoqué une augmentation des rendements de l’ordre de 20 %. L’ampleur de cette augmentation est totalement inattendue !

    Face à la conjugaison de l’accroissement des superficies et l’augmentation des rendements, ces producteurs n’ont pas le volume de stockage voulu.

    La tentation est grande de ne pas récolter une partie des superficies, faisant ainsi l’épargne des coûts d’arrachage et de transport. Cette solution est déconseillée et risquée. Si l’hiver n’est pas assez rude, des repousses seront constatées dans les cultures suivantes et occasionneront de nouveaux problèmes techniques et onéreux.

    Une solution alternative serait la valorisation de ces pommes de terre dans l’alimentation animale, particulièrement pour les vaches laitières et les porcs. Sur le marché hollandais, elles sont commercialisées entre 0,50 et 1 euro les 100 kilos. Cette solution permet de réduire les pertes sans toutefois les annuler. Encore faut-il trouver des producteurs laitiers ou porcins intéressés et pas trop éloignés.

    L’exportation vers les pays voisins est presque impossible. La zone de production au cœur de laquelle se trouve la Wallonie se trouve au centre de la zone de consommation. Que ce soit en France, en Allemagne ou aux Pays-Bas les superficies et les rendements ont augmenté de la même manière qu’en Belgique et la situation des marchés y est tout aussi défavorable.

    Afin de promouvoir, en Wallonie, nos pommes de terre, j’ai notamment soutenu la campagne « semaine de la frite » mise en place par l’APAQ-W, afin de sensibiliser l’ensemble des acteurs de la filière et les consommateurs à l’importance de travailler et de consommer des produits wallons.

    Je ne peux que conseiller au consommateur d’acheter leurs pommes de terre chez les producteurs qui pratiquent la vente directe. Ceux-ci pourront ainsi valoriser une partie de leur production plus favorablement et le consommateur pourra bénéficier de prix intéressants, mais aussi rémunérateurs pour les producteurs.