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Le développement rapide de la borréliose de Lyme

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2014
  • N° : 166 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 16/12/2014
    • de IMANE Hicham
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    L'Institut scientifique de santé publique a publié récemment le nombre de cas de borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme, constatés par ses soins en Belgique. Selon l'ISP, 1.770 nouveaux cas auraient été détectés en Belgique en 2013, contre moins de 1.200 en 2012. Des chiffres qui font froid dans le dos et sont déjà remis en question. Malheureusement pour nos concitoyens, les scientifiques contestant les chiffres déjà alarmants de l'ISP les estime trop prudents et estimerait plutôt à 15.000 le nombre annuel de nouveaux cas de la maladie de Lyme en Belgique !

    Si la querelle des chiffres est secondaire, elle attire néanmoins l'attention sur un réel problème de santé publique : la maladie de Lyme est trop souvent mal diagnostiquée. En effet, les tests ont lieu en deux phases, la première présentant de très nombreux « faux négatifs » et la seconde, demandée très rarement, reprenant elle aussi une large marge d'erreur.

    La maladie de Lyme, transmise par les tiques, est une maladie difficile à détecter, ses symptômes principaux semblant être ceux d'une grosse fatigue. Mais, non traitée, elle peut se développer pendant des mois ou des années et avoir des conséquences graves.

    Mes questions seront donc les suivantes :
    - Monsieur le Ministre dispose-t-il de chiffres sur la prévalence de cette maladie chez les Wallons;
    - comment pourrait-il remédier au trop faible taux de diagnostic de cette maladie ?

    La maladie de Lyme étant peu connue, ne serait-il pas pertinent de mieux informer nos concitoyens de ses symptômes et effets ainsi que des possibilités de traitement ?

           

  • Réponse du 24/12/2014
    • de PREVOT Maxime

    Par rapport aux chiffres dont nous disposons en Belgique, je me permets de rappeler que l'épidémiologie de la maladie de Lyme est établie par 3 sources de données différentes:
    * Le réseau de laboratoires vigies qui assurent le suivi des tendances depuis 1991 du diagnostic sérologique de la maladie et le centre national de référence des borrélioses qui assure également le suivi des tendances du diagnostic sérologique.
    * Le réseau de médecins vigies dont les données ont permis de réaliser 2 études prospectives de 2003 à 2004 et de 2008 à 2009 pour estimer le nombre de consultations pour morsure de tique et érythème migrant (un des symptômes évocateurs et qui doivent faire suspecter la maladie).
    * Les résumés cliniques minimums qui consistent en un enregistrement continu de données diagnostiques dans les hôpitaux et qui permettent de suivre le nombre d’hospitalisations pour cette maladie.

    Le but poursuivi par l’utilisation des données en provenance de ces trois sources de données est d’assurer un suivi des tendances de l’évolution des cas de la maladie, c'est-à-dire de mettre en évidence une recrudescence ou une diminution des cas. Ces sources ne permettent donc pas de connaitre le nombre exact de cas en Belgique et en Wallonie, mais il n’est cependant pas nécessaire de le connaître pour évaluer le risque au niveau de la santé publique et pour proposer des mesures préventives.

    Les 3 sources de données ont livré les résultats suivants :

    Pour 2013, le nombre de résultats positifs rapportés par le réseau des laboratoires vigies était de 1770, dont 408 en Wallonie (soit 23 % des cas pour lesquels le code postal était connu). À noter qu’il s’agit du lieu de résidence qui est rapporté, et non du lieu d’infection. En 2012, le nombre total de cas était moins élevé (n=1221), mais plus élevé en Wallonie : 430 (soit 36 % des cas pour lesquels le code postal était connu). La répartition par province est très différente pour ces deux années-là, avec une diminution importante de cas en Brabant wallon (de 149 à 24) et une augmentation au Luxembourg (172 à 252). Les variations doivent être interprétées avec prudence.

    Concernant le réseau de médecins vigies, le nombre de personnes consultant entre 2003 et 2004 en Belgique pour une morsure de tique asymptomatique était de ± 19/10.000 habitants et de ± 19/10.000 habitants entre 2008 et 2009. Entre 2003 et 2004, les consultations pour un érythème migrant s’élevaient à ± 8/10.000 habitants et entre 2008 et 2009 à 9/10.000 habitants.


    D’après les données des résumés cliniques minimums du SPF santé publique, chaque année, en moyenne un millier de personnes sont hospitalisées pour une maladie de Lyme en Belgique.

    Beaucoup d’informations erronées sont parues dans les médias ces derniers mois affirmant notamment que la maladie de Lyme pouvait provoquer la fibromyalgie, une fatigue chronique, un lupus, ou d’autres maladies chroniques comme par exemple l’autisme. Il n’existe aucune preuve scientifique à de telles allégations.



    Quant au taux de diagnostic de cette maladie

    Le diagnostic de la maladie de Lyme se base avant tout sur l’anamnèse et les symptômes cliniques compatibles avec la maladie et sur l'exposition possible à morsure de tiques et des promenades dans une forêt.

    Aux premiers stades de la maladie, 60-80 % des patients ont une présentation clinique assez suggestive pour initier le traitement. Un test de laboratoire est requis uniquement en cas de doute ou de présentation sévère.

    Le diagnostic de la maladie de Lyme est donc tout à fait abordable pour un médecin clinicien étant donné la bonne description des manifestations cliniques dans la littérature et les tests diagnostiques de laboratoire mis à leur disposition. Il n’y a pas de preuves que cette maladie soit sous-diagnostiquée.

    Cependant, suite à l’opinion émise en 2013 par certains scientifiques selon lesquels la maladie de Lyme serait un problème de santé publique majeur et que ce problème serait négligé par les autorités et la communauté médicale, le 28 avril 2014, un Risk Assessment Group (RAG) a été organisé concernant cette maladie. Face à une menace de santé publique, le RAG, qui rassemble différents experts, des médecins épidémiologistes de l’Institut de Santé publique (WIV-ISP) et des membres des entités fédérales et fédérées évaluent le risque pour la santé publique et recommandent une série de mesures en réponse à ce risque.
    Le RAG a entre autres conclu que :
    « L'agent responsable de la maladie de Lyme fut découvert au début des années 80, ce qui est plutôt récent. Néanmoins, la maladie a été décrite dès le 19e siècle et n’est pas nouvelle en Belgique. La récente attention à la maladie n’est pas due à un évènement inhabituel ou à une évolution inattendue, mais seulement aux croyances de certaines personnes qui propagent dans les médias que la maladie est négligée par les autorités sanitaires, mal connue par les praticiens de la santé et non reconnue comme origine de maladies chroniques. »

    L’impact sur la santé publique de la maladie de Lyme est jugé faible : « Les scientifiques connaissent les zones grises et sont capables de les intégrer afin d'évaluer le risque réel pour la santé publique qui reste faible pour le moment. Ils doivent continuer de suivre les nouvelles découvertes sur le sujet afin d’informer les décideurs et d’adapter les recommandations. »



    Quant à l’information des citoyens

    Il est important que les citoyens restent informés sur la maladie et aillent consulter leur médecin traitant en cas de morsure de tique ou de tout autre doute comme l’apparition d’un érythème et la notion de promenade en forêt dans les semaines qui précèdent. Diverses informations ont/sont déjà diffusé(es) sur la maladie :
    * La cellule de surveillance des maladies infectieuses de la Région wallonne a informé par newsletter, à deux reprises sur la maladie de Lyme (juillet 2013 et juillet 2014), les médecins inscrits sur le site des maladies infectieuses à déclaration obligatoire.
    * L’Institut de Santé publique a également mis une information sur son site internet à destination des professionnels et du grand public.
    * Des experts de la BAPCOC (Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee) se sont réunis en 2014 pour faire le point sur les mythes et la réalité sur cette maladie et un document devrait être prochainement distribué aux médecins généralistes notamment.
    * Le portail wallon environnement santé de la CPES a également publié un article sur le sujet.



    Conclusions

    Nous ne disposons pas de chiffres précis sur la prévalence de cette maladie chez les Wallons. Il n’est toutefois pas absolument nécessaire d’en avoir de plus précis pour évaluer le risque au niveau de la santé publique et pour proposer des mesures préventives. Une étude de prévalence est cependant prévue par l’ISP en 2015.

    Il n’y a pas de preuve scientifique d’un trop faible taux de diagnostic de cette maladie, mais il est essentiel de toujours interpréter une sérologie positive à la lumière du tableau clinique et de l'exposition potentielle du patient. Une consultation chez le médecin est nécessaire à la pose du diagnostic.
    Des informations sur les symptômes, les effets et le traitement de la maladie de Lyme existent déjà pour informer toujours mieux nos concitoyens.