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Les indicateurs complémentaires au PIB pour la Wallonie

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 43 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 11/02/2015
    • de TROTTA Graziana
    • à MAGNETTE Paul, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Afin de mieux rendre compte des multiples dimensions des réalités sociale, économique et environnementale de notre société, la Wallonie s'est engagée à définir et mettre en œuvre des indicateurs complémentaires au PIB, comme le font d'autres régions et pays.

    C'est ainsi que le 8 novembre 2012, le Gouvernement wallon a retenu cinq indicateurs complémentaires au PIB : l'Indice de situation sociale (ISS), l'Indice de bien-être (IBE), l'Empreinte écologique et biocapacité (EE), l'Indice de situation environnementale (ISE) et un indicateur sur le Capital économique.

    En mai 2013, le Gouvernement a adopté un arrêté de subvention pluriannuel afin de garantir le calcul, la publication et la diffusion de ces cinq indicateurs.

    En mai 2014, l'IWEPS à qui ont été confiés le développement et le calcul de ces indicateurs, présentait l'ISS, l'IBE et l'EE.

    Monsieur le Ministre-Président peut-il m'indiquer quelles sont les données produites à ce jour sur base de ces indicateurs ? Quelles observations a-t-on pu faire à partir de ces données ? Peut-on déjà en tirer des enseignements ?

    L'EE repose sur une méthodologie standardisée au niveau international et est déjà calculé dans diverses régions d'Europe. Pour ce qui le concerne, l'ISS doit permettre une comparaison avec, notamment, les ISS développés pour les régions françaises. Bien que les comparaisons s'avèrent parfois délicates, l'IWEPS a-t-il pu en réaliser sur base de l'ISS et de l'EE ? Dans l'affirmative, qu'en ressort-il ?

    Monsieur le Ministre-Président peut-il également m'indiquer si l'ISE et l'indicateur de Capital économique ont aujourd'hui été élaborés et si l'IWEPS dispose de données en la matière ?

    Enfin, quelles sont les prochaines étapes du développement et du calcul des indicateurs complémentaires du PIB en Wallonie ?




  • Réponse du 04/03/2015
    • de MAGNETTE Paul

    Le Gouvernement wallon a décidé, en novembre 2012, de se doter d’indicateurs complémentaires au PIB. Les raisons qui l’y ont poussé sont largement partagées à l’échelle internationale.

    Le produit intérieur brut (PIB) est l’instrument de mesure de l’activité économique le plus connu, s’appuyant sur les règles de la comptabilité nationale reconnues internationalement. Ceci étant, d’aucuns, méconnaissant son objet et sa nature, lui ont attribué à tort un statut d’indicateur de développement ou de progrès global d’une société. Le choix de se doter d’indicateurs complémentaires vise donc à concevoir des indicateurs susceptibles de refléter les priorités sociétales et politiques actuelles, comme la qualité de vie, la justice sociale ou le défi climatique et environnemental.

    Dans ce cadre le produit intérieur brut restera un outil essentiel à prendre en compte dans l’élaboration et le suivi des politiques publiques, mais les indicateurs complémentaires rendront davantage compte de l’amélioration de la qualité de la vie des citoyens.

    L’éventail d’indicateurs complémentaires sera progressivement mis en œuvre par l’IWEPS. Cette démarche, soutenue par le Gouvernement wallon s’inscrit dans un des domaines de la statistique contemporaine les plus dynamiques et innovants.

    Le projet a donné lieu à la constitution, au sein de l’Institut, d’un groupe de travail interdisciplinaire de huit chercheurs. Il veille à assurer une cohérence avec les initiatives développées aux niveaux international, national et régional sur le sujet, dans le sillage des recommandations de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure de la soutenabilité et du développement durable, d’une part, et des travaux du Conseil de l’Europe sur le bien-être et le progrès sociétal, d’autre part.

    Le projet est référencé sur le site Wikiprogress de l’OCDE, à savoir la plate-forme internationale de partage d’informations pour l’évaluation du progrès social, environnemental et économique
    (http://www.wikiprogress.org/index.php/Walloon_Project_to_Measure_Well-Being_in_Wallonia).

    À ce stade du développement du projet, trois indicateurs ont été calculés par l’IWEPS. Il s’agit de l’empreinte écologique et de biocapacité de la Wallonie, de l’indice des conditions de bien-être en Wallonie (ICBE) et de l’indice de situation sociale (ISS).

    L’honorable membre trouvera ci-dessous les grands éléments que nous pouvons actuellement retenir de ce premier exercice.


    * Indicateur 1 : empreinte écologique et biocapacité de la Wallonie

    Résultats (2003-2012) : L’étude de l’IWEPS montre que nous devons faire face à un déficit écologique. En revanche, les courbes de l’évolution temporelle montrent de très faibles fluctuations sur une période de onze ans, et ce, alors que les niveaux de consommation mondiaux ont fortement augmenté. On constate également que notre biocacpacité est en constante progression sur la période étudiée. L’empreinte carbone représente la part la plus importante de notre empreinte écologique (36 %), mais nous nous positionnons pourtant bien en deçà de la moyenne mondiale (55 % en 2008).

    Points d’amélioration de l’étude : L’IWEPS épingle la nécessité d’affiner l’intégration des flux (importations) de biocapacité. Ces flux ne sont pas encore suffisamment pris en considération dans l’étude actuelle, ce qui pourrait fausser les données. L’Institut améliorera encore son modèle afin de coller au plus près de la réalité.



    * Indicateur 2 : indice des conditions de bien-être en Wallonie (ICBE)

    Résultats : Globalement, l’ICBE se présente sous la forme d’une distribution de valeurs communales. L’analyse de ses résultats au niveau infrarégional a permis d’identifier des zones contrastées et relativement contigües :

    1. une zone d’ICBE moyen, au centre des provinces de Liège, Luxembourg et Namur ainsi que dans les franges frontalières de la France, de Rouvroy à Erquelinnes.
    2. une zone d’ICBE favorable, dans le nord du sillon industriel, mais aussi en bordure sud de celui-ci, ainsi que dans l’est de la province de Liège (Communauté germanophone plus Waimes mais moins Eupen) et l’est de la province de Luxembourg (moins Vielsalm, Gouvy, Houffalize et Martelange).
    3. une zone d’ICBE plus faible, dans le sillon industriel et à prédominance urbaine, de Verviers à Tournai et Mouscron, seulement interrompu par Huy-Andenne, Belœil-Péruwelz et Pecq-Estaimpuis.

    Points d’amélioration de l’étude : Il convient d’étendre la mesure du bien-être aux composantes non ou peu mesurées dans ce premier exercice. Par ailleurs, la définition du bien-être telle qu’elle découlait du travail accompli avec quinze communes pilotes, procédait d’une double approche, l’une par le bien-être, l’autre par le mal-être. Or, bien-être et mal-être ne s’expriment pas de manière symétrique. Il pourrait, dès lors, être intéressant de reprendre ces deux approches séparément puis de les réunir en termes d’écarts et d’interrelations. Des analyses plus approfondies devront également être programmées pour exploiter et analyser les données et agrégats accumulés. Enfin, il serait utile de se pencher sur la façon dont les évolutions temporelles pourraient être appréciées et quels outils devraient être développés pour y parvenir.



    * Indicateur 3 : Indice de situation sociale (ISS)

    Résultats : L’ISS wallon s’articule autour de dix dimensions généralement reconnues comme constituantes des conditions de vie et de la qualité de vie d’une population et représentatives de l'état de la situation sociale et des déséquilibres ou inégalités socio-économiques. De 2002 à 2005, l’ISS évolue de manière légèrement positive. Il diminue en 2006 puis se redresse en 2007. La crise de 2008 se marque ensuite, avec une chute d’un point de l'indice par rapport à la valeur de 2007. Il s’agit de la plus forte diminution sur l'ensemble de la période. En 2010, l'ISS amorce une tendance à la hausse et dépasse le niveau de 2007, niveau qu'il maintient au cours des années suivantes.

    Points d’amélioration de l’étude : La nécessité de choisir des variables pour construire les agrégats induit inévitablement des sauts qualitatifs et une réduction de la complexité (c’est le principe de toute modélisation). Une réflexion sur certaines variables pourrait être menée afin d’améliorer le modèle (principalement sur les volets « logement » et « relations sociales » ou sur les variables socio-économiques).

    Le Gouvernement wallon n’a pas décidé de se donner d’emblée des contraintes ou des objectifs liés à ces indicateurs. La fonction d’un indicateur n’est pas de définir a priori la politique. Elle est d’informer sur une réalité, avec les limites inhérentes à l’indicateur choisi. Ce n’est qu’ensuite qu’un gouvernement peut intégrer ces informations dans le développement de ses politiques.

    Par ailleurs, comme cela a été suffisamment répété, la constitution d’indicateurs complémentaires ne vise pas à remettre en cause le PIB. Il s’agit bien de concevoir des indicateurs complémentaires à celui-ci.

    Le produit intérieur brut reste et restera un outil essentiel à prendre en compte dans l’élaboration et le suivi de politiques publiques. Cependant, sa visibilité sans égal et son utilisation dans le pilotage et l’évaluation des politiques sont aujourd’hui contestées. Il est, dès lors nécessaire de l’améliorer en tant qu’instrument de mesure de l’activité macroéconomique et remédier à ses limites par d’autres indicateurs.

    D’où l’intérêt de concevoir des indicateurs complémentaires susceptibles de refléter les priorités sociétales et politiques actuelles, comme la qualité de vie, la justice sociale ou le défi climatique et environnemental, le tout en cherchant à permettre, chaque fois que possible, la comparaison internationale des données récoltées.

    Au-delà de ces éléments, le projet se poursuit au sein de l’IWEPS. Il s’agit d’un projet de longue haleine qui doit être mené avec toutes les prescriptions scientifiques nécessaires afin de fournir des informations pertinentes et utiles pour les analystes et les acteurs publics.