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L'accroissement de l'écart entre les riches et les pauvres

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 80 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 18/02/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    « L’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de croître. La crise financière n’y a rien changé. Et les politiques menées dans différents pays ont favorisé ces inégalités. L’an dernier, le 1 % le plus riche de l’humanité possédait 48 % du patrimoine mondial (insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout). En 2016, les richesses détenues par ce 1 % d’humanité franchiront le cap des 50 % du PIB planétaire. Aux États-Unis, le 1 % le plus riche a confisqué 95 % de la croissance postcrise financière depuis 2009, tandis que les 90 % les moins riches se sont appauvris. En Europe, les 10 % les plus riches ont vu leur part des revenus totaux augmenter. La richesse combinée des dix personnes les plus riches d’Europe dépasse le coût total des mesures de relance mises en œuvre en Union européenne (UE) entre 2008 et 2010 (217 milliards d’euros contre 200 milliards d’euros). Fiscalité de moins en moins redistributrice, car reposant en grande partie sur les seuls revenus du travail, mesures d’austérité, pressions fiscales sur les classes moyennes, réduction des budgets alloués aux politiques sociales. Ce fossé toujours plus grand n’est pas sans danger pour la démocratie. Cette répartition disproportionnée de la richesse pourrait générer à terme des tensions sociales, lesquelles pourraient conduire à un durcissement des politiques sécuritaires. Il est grand temps de rééquilibrer le partage du gâteau. » (Le Soir du 20 janvier 2015).

    Après avoir dressé le tableau sur le plan international, je souhaiterais savoir comment la situation se présente chez nous en Région wallonne.

    La Région wallonne est-elle compétente sur le plan fiscal pour instaurer un régime qui vise à plus d’équité fiscale (taxation des revenus, du capital, des richesses immobilières, …) ?
  • Réponse du 11/03/2015
    • de LACROIX Christophe

    Les régions disposent notamment des compétences suivantes :
    * Établissement du taux, de la base imposable et des exonérations pour le précompte immobilier, les droits de succession et les droits d'enregistrement, d'hypothèque, de partage et de donation.
    * Prélèvement des centimes additionnels sur une partie de l’impôt des personnes physiques.
    * Octroi de réductions d’impôt sur certaines dépenses fiscales.

    En ce qui concerne le précompte immobilier, il faut souligner qu’il s’agit d’un impôt sur le revenu que le propriétaire devrait « normalement » retirer de son immeuble. De même, les droits de succession et les droits d’enregistrement, etc., permettent à la Région wallonne de prélever des impôts à des moments précis de la vie des immeubles à l'occasion de certains événements (par exemple une transaction immobilière, un décès, etc.,). Par conséquent, une fiscalité immobilière excessive est susceptible de ne pas avoir les effets escomptés dans la mesure où il serait facile pour les détenteurs de fortune du patrimoine immobilier d’y échapper en faveur de la détention d’autres actifs qui eux ne seraient susceptibles d’être visés qu’au moment de la succession.

    L’impôt des personnes physiques favorise la discrimination des revenus en ce sens que ceux-ci sont soumis à des taux différents selon qu’ils proviennent du capital (25 % ou 15 %) ou qu’ils sont le produit du travail (taux progressif). Ces tarifs distincts voire l’absence d’impôt pour certains types d’opérations (par exemple les plus-values) font en sorte qu’actuellement seul le revenu du travail est soumis à la progressivité de l’impôt. En effet, même si notre tarif est progressif il n’en demeure pas moins que celui-ci s’applique à une base constituée essentiellement par les revenus du travail.

    Notre régime fiscal ne doit pas avoir pour vocation de décourager un des éléments les plus dynamiques de notre économie, à savoir le travail ! De même, les formes d’évasion fiscale que contient le Code des impôts sur le revenu doivent disparaître. À cet égard on peut citer l’exonération des plus-values qui se fait au détriment du développement de notre économie : à l’heure actuelle, il est plus rentable de réaliser des plus-values dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle !

    La réforme de 1962 se basait sur la théorie de Haig et Simons qui définirent ce qu’était à leurs yeux un bon impôt : « L’État se doit d’imposer chaque contribuable sur l’ensemble de ses revenus, sans regard pour l’origine et le type de ceux-ci, ni pour leur usage et leur destination ». Il s’agit là d’une option pour la théorie de la capacité contributive et l’identification de celle-ci à l’ensemble des revenus du contribuable, sans regard pour l’origine et le type de ceux-ci, ni pour leur usage et leur destination, qu’ils qualifient de « revenu global ».

    Même si le principe de globalisation des revenus est toujours repris dans la loi à l’heure actuelle, celle-ci contient de trop nombreuses exceptions à ce principe. Vu l’importance de ces exceptions, le régime fiscal belge tend de plus en plus à se rapprocher à nouveau du système cédulaire abandonné il y a 50 ans. Ceci peut dans une certaine mesure justifier le constat que l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de croître.

    Concernant la compétence en matière d’impôt sur le revenu, seul le législateur fédéral a, de façon illimitée, la possibilité de déterminer les revenus faisant partie de la base imposable ainsi que les déductions pouvant être appliquées aux revenus bruts, comme les frais professionnels, la déduction pour investissement, les frais faits pour acquérir des revenus immobiliers, etc.

    À partir du moment où le prélèvement des centimes additionnels est basé sur une partie de l’impôt des personnes physiques et que cet impôt est calculé sur une base imposable pour laquelle la Région wallonne n’a aucune compétence pour déterminer les revenus faisant partie de cette base imposable, on doit arriver à la conclusion que la Région ne dispose pas en la matière des « moyens » suffisants pour instaurer un régime fiscal plus équitable.

    Enfin, l’analyse de la faisabilité juridique et technique d’instaurer un impôt sur le patrimoine régional dans un cadre juridique européen et belge est complexe et c’est pour cette raison qu’il a été décidé de convoquer le Conseil de la Fiscalité et des Finances de Wallonie afin que celui-ci procède à une analyse complète de la situation de sorte à savoir si un tel impôt serait possible pour notre Région.