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Les salariés étrangers dans le secteur de la construction

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 148 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 13/03/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    Depuis 2007, le nombre de travailleurs étrangers salariés dans le secteur de la construction aurait quadruplé en Belgique. Ils sont actuellement de l'ordre de 100.000 salariés ONSS sur un total de 200.000 - sans tenir compte des indépendants.

    Selon le journal Le Soir, on observerait une proportion importante de travailleurs détachés en 2013 et 2014. Le chiffre estimé est de 25.000 personnes.

    Le détachement concerne principalement des ouvriers hollandais, polonais, allemands, français et luxembourgeois, mais aussi de la Roumanie et de la Hongrie ou du Portugal, de la Slovénie ou de la Bulgarie.

    Que nous enseigne ce constat ? Qu'il est impossible de trouver de main d'oeuvre (qualifiée) en Belgique ? Que notre système de formation et de qualification est un échec total parce qu'il est incapable de former des travailleurs belges pour des filières dans lesquelles il y a des débouchés?

    Sur le plan économique, ce constat nous apprend-il encore que nous tolérons depuis des années le détachement et avec celui-ci, le dumping social ? Ou encore la concurrence déloyale entre les entreprises ? Provoquant ainsi davantage de faillites ...

    Cela ne représente-t-il pas un risque pour les finances publiques de subventionner, à travers les aides au logement et à l'économie d'énergie, le dumping social ?
  • Réponse du 02/04/2015
    • de TILLIEUX Eliane

    Le secteur de la construction est particulièrement touché par le dumping social et ce phénomène a accentué les effets de la crise subie par ce secteur depuis quelques années.

    À titre informatif, depuis le 31 décembre 2010, soit en 4 ans, le secteur a perdu 7.230 emplois au niveau wallon, dont 4.294 dans le Hainaut et 1.454 dans la province de Liège. Rien que sur les deux dernières années, 2013 et 2014, ce sont près de 5.964 emplois perdus, dont 2.673 pour le Hainaut et 1.732 pour Liège. La part de la Wallonie dans les pertes d’emplois est, de plus, supérieure à son poids économique au plan national, puisque les pertes d’emplois enregistrées en Wallonie représentent respectivement 42 % du total national sur les quatre dernières années et 39 % sur les deux dernières.

    D’autres secteurs tels que le gardiennage, le nettoyage et le transport sont également particulièrement touchés par le phénomène du dumping social et de la concurrence déloyale entre entreprises qui en découle.

    Le constat relatif au recours de plus en plus intensif à de la main-d’oeuvre étrangère ne signifie toutefois pas qu’il est impossible de trouver de la main-d’œuvre qualifiée en Belgique ni que notre système de qualification et de formation est défaillant, il témoigne uniquement des situations de concurrence déloyale auxquelles doivent faire face nos entreprises. Ce constat ne repose que sur des facteurs économiques et ne remet pas en cause la qualité des prestations des entreprises belges.

    Quant à savoir si, sur le plan économique, nous tolérons le détachement et avec celui-ci le dumping social, il convient de répondre que la lutte contre le dumping social repose essentiellement sur l’application de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs telle que transposée en droit belge par la loi du 5 mars 2002.

    Il ne s’agit pas de s’opposer au détachement des travailleurs, ce qui reviendrait à remettre en cause la libre circulation des travailleurs, mais bien de mettre en œuvre les balises nécessaires pour garantir un détachement plus respectueux du droit social du pays où se déroule le marché, qui permettrait de limiter les effets pervers d’une concurrence déloyale entre entreprises et travailleurs européens.

    À ce niveau, sur le plan du droit européen, la réglementation relative au détachement des travailleurs et, par conséquent, sa transposition en droit belge présentent certaines lacunes. Celles-ci sont d’ailleurs apparues très vite, et notamment dans le secteur de la construction.

    En effet, si la directive impose des conditions salariales minimales, les cotisations sociales sont dues au pays d’origine du travailleur détaché, calculées au tarif du pays d’accueil, sur la base du salaire réellement perçu.

    Si quelques avancées sur le détachement des travailleurs, tel que le renforcement des contrôles et la responsabilité solidaire qui se retrouvent dans la nouvelle directive d’exécution destinée à améliorer et uniformiser la mise en œuvre, l'application et l'exécution des dispositions sur le détachement des travailleurs, adoptées par le Conseil des Ministres, en mai 2014, permettent d’accroître la protection des travailleurs détachés, des améliorations doivent encore être apportées.

    Une réforme profonde de la Directive européenne sur le détachement des travailleurs serait nécessaire pour endiguer totalement la concurrence déloyale dans les secteurs particulièrement atteints.

    En attendant pareille réforme, il convient, me semble-t-il, de mieux soutenir les services d’inspection, d’exploiter pleinement, au niveau national, les nouvelles règles européennes en matière de marchés publics afin de lutter contre le dumping social, en cas de recours à la sous-traitance, et de mieux encadrer les marchés publics lancés par les administrations publiques wallonnes.

    En effet, le Gouvernement wallon doit collaborer à la lutte contre le dumping social en activant les leviers dont il dispose dans le champ de ses compétences.

    Un de ces leviers porte sur un renforcement de l’encadrement des marchés publics lancés par les administrations publiques wallonnes afin que davantage d’entreprises, en particulier de PME, respectueuses du droit social et du bien-être de leurs travailleurs, soient en mesure d’entrer en concurrence et de remporter des marchés face à des entreprises pratiquant des prix « anormalement » bas du fait de salaires et de conditions de travail qui le sont tout autant.

    Dans le contexte de lutte contre le dumping social, le Gouvernement wallon doit initier une réflexion globale pour aller encore plus loin que la politique d’achat durable développée dans la circulaire relative à une politique d’achat durable pour les pouvoirs adjudicateurs régionaux wallons, qu’il a adoptée le 28 novembre 2013.

    Le Gouvernement wallon, en tant que pouvoir de tutelle ou en tant que pouvoir subsidiant doit inviter les pouvoirs adjudicateurs wallons à utiliser les dispositions légales et réglementaires actuelles relatives aux marchés publics pour lutter contre la concurrence déloyale.

    Parmi les dispositions étudiées actuellement, les pouvoirs adjudicateurs wallons pourraient être invités à prévoir les clauses suivantes dans les documents de leurs marchés :
    - favoriser le recours à l’appel d’offre dans les marchés publics lancés par les administrations publiques wallonnes, ce afin de désigner sur la base de critères de sélection et d’attribution, l'entrepreneur ayant prouvé pouvoir effectuer le travail correctement et légalement ;
    - imposer l’obligation d’agréation « Travaux publics » des sous-traitants dans tous les marchés publics wallons ;
    - imposer aux soumissionnaires de fournir la liste des sous-traitants ;
    - interdire aux sous-traitants de l’adjudicataire de sous-traiter en cascade ;
    - insérer dans les cahiers des charges publics wallons d’une clause prévoyant une connaissance suffisante de la langue applicable au marché ;
    - inclure dans les cahiers des charges une clause garantissant le respect d’une concurrence loyale entre soumissionnaires au moment de l’exécution des travaux et prévoyant, en cas de non-respect de cette obligation, une pénalité sanctionnant ce manquement, et qui serait dissuasive.
    - vérifier systématiquement les prix et l’examen de la régularité des offres au niveau des prix anormalement bas.


    La lutte contre le dumping social doit également s’opérer pour les travaux commandés par les particuliers. En effet, depuis la suppression de l’enregistrement des entrepreneurs, plus aucune mesure légale n’incite les particuliers à travailler avec un entrepreneur en règle au niveau de ses obligations fiscales et sociales. Seule la responsabilité solidaire pour les dettes fiscales en cas de travail au noir est toujours d’application.

    Le fait de conditionner l'octroi d'avantages et de subsides à la présentation d’une attestation selon laquelle l'entrepreneur satisfait à la réglementation sur l'accès à la profession (le cas échéant) et n'a pas de dettes sociales et/ou fiscales constituerait un moyen efficace de lutte contre la concurrence déloyale par le biais des particuliers.

    L’ensemble de ces propositions doit toutefois être approfondi et discuté avec le secteur de la construction.

    L’intérêt pour l’économie wallonne de maintenir une concertation transversale avec le secteur de la construction, a été particulièrement mise en évidence dans les résultats des travaux des « Assises des travaux publics et de la voirie » lancées en 2002 et, à cet effet, un Comité permanent de concertation de la construction, y compris les travaux publics et la voirie » a été créé en 2003. Composé paritairement de représentants du Gouvernement, du secteur de la construction et des organisations syndicales, depuis sa création et jusqu’à la fin de la législature précédente, le Comité s’est réuni à 22 reprises.

    Le lancement du cahier des charges unifié « Bâtiment 2022 », le marché stock de pierres environnementales ainsi que la réflexion sur les clauses environnementales et sociales reprises dans la circulaire relative à une politique d’achat durable pour les pouvoirs adjudicateurs régionaux wallons, adoptée le 28 novembre 2013 par le Gouvernement wallon, constituent les derniers chantiers du Comité.

    Pour la nouvelle législature, face au contexte économique actuel et la gravité de la crise économique subie par le secteur, le Gouvernement wallon, en date du 12 mars dernier, sur proposition du Ministre-Président, a décidé de relancer les activités du Comité permanent.

    La première réunion de ce Comité pour cette législature s’est tenue le 24 mars dernier et le premier point inscrit à l’ordre du jour de cette réunion portait sur le dumping social.

    Le Gouvernement wallon a chargé le Ministre-Président de faire rapport sur les activités du Comité permanent pour le 15 juin prochain.