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La privatisation du secteur des maisons de repos et son impact pour les résidents et le personnel

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 387 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 17/03/2015
    • de TROTTA Graziana
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Les organisations syndicales tirent la sonnette d'alarme par rapport à la privatisation du secteur des maisons de repos, et notamment sur ses conséquences pour les résidents et le personnel.

    En Wallonie, environ 50 % des lits dans les maisons de repos sont gérés par le secteur privé commercial. Un secteur qui connaît une croissance forte depuis quelques années, au détriment de structures plus petites.

    Il semblerait qu'en Wallonie, les différences de prix entre les maisons de repos privées, publiques ou gérées par des ASBL ne soient pas aussi grandes qu'en Flandre. La différence entre ces structures se situerait plutôt dans la qualité du service et dans le personnel d'encadrement.

    Les maisons de repos privées, qui comme toute entreprise privée vise la rentabilité, ont tendance à être plus regardantes sur les dépenses de confort non obligatoires, sur le coût et la qualité du matériel paramédical ou encore sur la rentabilisation maximale du personnel subventionné qui, par voie de conséquence, disposent de moins de temps à consacrer à chaque résident.

    Cette privatisation touche les travailleurs du secteur dont les conditions de travail se dégradent. Elle touche aussi les résidents qui, du coup, bénéficient de moins d'attention, moins d'encadrement, et subissent parfois une baisse de la qualité de soins, le tout heurtant l'objectif du « bien vieillir ».

    Plusieurs groupes privés actifs dans le secteur des maisons de repos sont implantés en Belgique et notamment en Wallonie. C'est le cas par exemple du groupe Orpea, qui a enregistré un chiffre d'affaires de 1,95 milliard en 2014 et table sur 2,3 milliards pour la fin 2015.

    En Belgique, Orpea enregistre un chiffre d'affaires d'environ 150 millions d'euros et a connu en 2013 un bénéfice net de 11,8 millions d’euros. Le groupe, en excellente santé financière, est une des plus grosses sociétés cotées en Bourse en France.

    Un tel chiffre d'affaires pose question dans la mesure où les maisons de repos privées peuvent bénéficier d'un financement public et que ce financement profite aux actionnaires privés.

    De plus en plus, le groupe Orpea est dénoncé par les organisations syndicales, notamment parce qu'un dialogue social semble particulièrement difficile, voire impossible, pour améliorer les conditions de travail du personnel. Elles craignent également une évolution négative pour les résidents, que ce soit au niveau des tarifs ou au niveau des services, et plus globalement un abandon du secteur des maisons de repos au privé par les pouvoirs publics.

    Que pense Monsieur le Ministre de cette évolution du secteur ?

    Que compte-t-il faire face à cette privatisation croissante ?

    Envisage-t-il des normes plus strictes en matière d'encadrement au sein des maisons de repos gérées par des sociétés commerciales, afin de garantir une qualité de vie optimale pour les résidents et de meilleures conditions de travail pour le personnel ?

    Quels sont les différents leviers d'action qu'il peut ou pourra activer pour contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des résidents en maisons de repos et à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs du secteur ?
  • Réponse du 25/03/2015
    • de PREVOT Maxime

    Le vieillissement de la population belge va augmenter considérablement le nombre de personnes âgées qui auront besoin de soins à domicile ou de soins en institutions résidentielles.

    On sait par ailleurs que la programmation des lits de maison de repos, qui est fixée par le protocole d’accord du 9 juin 1997 conclu entre le Gouvernement fédéral et les autorités visées aux articles 128, 130 et 135 de la Constitution concernant la politique de la santé à mener à l’égard des personnes âgées, est atteinte en Région wallonne ainsi qu’en Flandre et, que le taux d’occupation est de 98 %. Il est donc clair que le dernier moratoire de 1997 ne suffit plus pour répondre aux besoins, même dans le cadre du développement des politiques de soins à domicile.

    Le Service public fédéral Santé publique a demandé au KCE de développer un modèle de projection, en vue de déterminer le nombre de lits de maisons de repos (MRPA) et de maisons de repos et de soins (MRS) qui seront nécessaires pour les 10 à 15 prochaines années. Le partenariat avec le Bureau fédéral du Plan a permis de disposer du savoir-faire nécessaire pour ce type d’études. En conclusion, on peut y lire que la probabilité d’entrer en maison de repos augmente fortement avec l’âge, et est plus élevée pour les personnes qui vivent seules ou qui souffrent de limitations physiques et/ou mentales importantes.
    À l’heure actuelle, environ 125.000 personnes âgées de 65 ans et plus vivent en maison de repos en Belgique. Le modèle de projection estime qu’en 2025, 149.000 à 177.000 lits seront nécessaires, ce qui correspond à une augmentation annuelle de 1.600 à 3.500 lits.

    Dès lors, on peut estimer les besoins de lits supplémentaires nécessaires en Wallonie à l’horizon 2025 entre 6.000 et 9.000 unités.
    Toutefois, ce nombre est un nombre maximum. En réalité, les besoins dépendent en grande partie des politiques alternatives résidentielles et d’aide et de soins à domicile.

    Après 2025, la demande serait plus aiguë encore.
    La demande en structures résidentielles ne va pas s’arrêter de croître en 2025. Les 15 à 20 prochaines années doivent au contraire être considérées comme une période transitoire qui connaîtrait une croissance modérée de la demande. Après 2025, les premiers baby-boomers atteindront l’âge de 80 ans. Commencerait alors une période marquée par une hausse beaucoup plus accentuée des besoins en soins de longue durée.
    L'honorable membre aura bien compris que dans le contexte des réformes institutionnelles en cours, la Wallonie sera confrontée à un besoin de prise en charge des personnes âgées, certes plus tardif, mais qui nécessite le déploiement d’une panoplie de soins et de services coordonnés.
    Ce besoin, conjugué avec le souhait d’un maintien à domicile et la limitation des budgets publics, révèle un véritable défi.

    Pour rappel, la répartition des lits de maison de repos entre secteurs a été instituée pour garantir le libre choix de la personne âgée.
    La part du secteur privé commercial, qui représente encore aujourd’hui quelque 50 % du marché après 10 années d’application de cette répartition, reste d’ailleurs prépondérante même si elle a tendance depuis quelque temps à diminuer. Pour rappel, le secteur privé commercial gérait 55 % des lits de maison de repos en 1997. Difficile dès lors d’évoquer une marchandisation progressive du secteur !

    Toutefois, en tant que ministre de tutelle, je ne peux rester indifférent face à l’enjeu de l’allongement de la vie de nos aînés.
    C’est pourquoi, en concertation avec les acteurs du secteur, une réflexion devra avoir lieu sur les critères de programmation des lits par arrondissements et, le cas échéant, compléter la liste des 3 secteurs (public, associatif et commercial) par d’autres secteurs par exemple : partenariat public-associatif, commercial à finalité sociale, etc.

    En revanche, il est exact qu’à l’intérieur du secteur privé commercial, d’importantes modifications sont en cours ; principalement, la disparition progressive des sociétés gérées par des personnes physiques au profit de groupes plus importants.

    L’honorable membre le sait, le financement des maisons de repos fait partie des compétences transférées aux entités fédérées dans le cadre de la sixième Réforme de l’État. Si dans un premier temps (phase de transition), l’INAMI continue à contrôler les données fournies par les établissements et à assurer les paiements, il reviendra, dès 2017, aux partenaires sociaux et aux entités fédérées de décider des modalités de financement.

    Par ailleurs, parmi les priorités du Gouvernement wallon pour ce qui concerne la politique des aînés, figure l’évolution des besoins d’aide à domicile, l’analyse et les perspectives de financement afin de renforcer les aides à la vie quotidienne à domicile.

    Les premiers objectifs concernent :
    - l’augmentation du nombre de prestations de garde à domicile ;
    - l’approfondissement et la mise à jour de l’outil d’évaluation des besoins dans le cadre de l’augmentation des contingents d’aide à domicile.

    Pour ce qui concerne les normes à respecter, l'honorable membre doit savoir que l’Inspection des établissements d’accueil et d’hébergement pour ainés en Wallonie a fait l’objet d’une réforme. Non pas que l’objet même de l’Inspection soit réformé – les inspecteurs continuent et continueront comme par le passé à contrôler le respect de la norme –, mais bien que les outils utilisés et qui ont été créés en interne par les inspecteurs et leurs collègues de la Direction des Aînés serviront aussi au gestionnaire pour s’autoévaluer. Le futur rapport d’inspection, qui sera plus détaillé que le rapport actuel, permettra au gestionnaire de se situer par rapport à la norme, au travers des items qui y sont abordés, et de vérifier sur la base d’une grille connue à l’avance les points de la législation qui pourront être abordés au cours du contrôle d’inspection.

    Cette réforme a mis en évidence le lien entre le respect de la norme et la qualité, le premier donnant lieu à une investigation définissant le taux de respect du seuil minimal, socle commun à tous les établissements, la seconde consistant à identifier les pratiques qui, au-delà du seuil minimal que représente la norme ou hors de celle-ci, permettent d’améliorer la situation des résidents, mais aussi du personnel ou de l’organisation.
    Ce contexte s’est trouvé renforcé par les conclusions tirées du rapport relatif aux plaintes mettant en exergue la qualité des soins comme point de focus prioritaire, outre le respect de la norme d’encadrement.

    Enfin, concernant le personnel d’encadrement, un point du rapport bisannuel qui sera édité cette année par la Direction des Aînés et qui est relatif aux chiffres de 2014, portera sur les données relatives au personnel. Il sera dès lors possible de mettre en évidence une éventuelle disparité entre secteurs par rapport au respect des normes d’encadrement.