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La taxe communale sur les activités industrielles de logistique et de grande distribution

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 326 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 26/03/2015
    • de MOUYARD Gilles
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    Certaines communes ont levé, pour la durée de la présente législature communale, une taxe sur les activités industrielles, de logistique et de grande distribution.

    Sauf erreur de ma part, la circulaire relative à l’élaboration des budgets communaux ne fait pas état de cette taxe et précise par ailleurs les choses suivantes :

    - les conseils communaux sont invités à limiter les champs de leur fiscalité aux taxes reprises à la nomenclature figurant dans le document;
    - dans le cadre de la paix fiscale, sauf cas spécifiques approuvés par le Gouvernement wallon, les taxes non reprises dans la nomenclature de la circulaire ne peuvent être instaurées (sauf si en vigueur au 1er janvier 1998).

    Monsieur le Ministre peut-il nous confirmer que certaines communes ont bien levé cette taxe ?

    Peut-il me transmettre la liste des communes concernées ?

    Des recommandations en matière de taux ont-elles été transmises à ces communes ?

    Monsieur le Ministre peut-il par ailleurs me confirmer que cette taxe a fait l’objet de dérogation de la part du Gouvernement ainsi que le prévoit la circulaire ?

    Enfin, ne pense-t-il pas que cette taxe est contraire aux principes du Plan Marshall et à la dynamique souhaitée par le Gouvernement wallon ?
  • Réponse du 06/05/2015 | Annexe [PDF]
    • de FURLAN Paul

    La taxe dont fait référence l'honorable membre était en fait celle qui avait été élaborée pour succéder à la taxe industrielle compensatoire, laquelle avait été mise à mal par la jurisprudence du Conseil d'État.

    Pour bien comprendre ce dossier, il convient d’en faire l’historique comme suit.

    Au lendemain de la dernière péréquation cadastrale (en 1980 sur base des loyers de 1975), un certain nombre de communes ont, contrairement à la majorité, vu leur revenu cadastral total diminuer, entrainant une perte financière. Il s’agissait de communes au sein desquelles les bâtiments industriels revêtaient une grande importance et dont la valeur locative avait diminué entre 1955 et 1975, en raison principalement de la crise de l’industrie lourde apparue dès les années 60.

    En compensation, il avait été autorisé à 10 communes en Wallonie (les plus touchées par le phénomène) à lever une taxe industrielle compensatoire à charge des biens industriels. Cette taxe se calculait, pour des raisons pratiques, notamment sur base du revenu cadastral.

    En rendant le 23 septembre 2010 son arrêt n°207.637 mettant en cause ArcelorMittal contre la Province du Hainaut et la Région wallonne, le Conseil d'État a considéré que la taxe industrielle compensatoire (TIC) était illégale, car interdite par l’article 464,1° du Code des Impôts sur les revenus 1992. Selon lui, la TIC était une taxe similaire à un impôt sur le revenu, car elle était fondée sur la base ou le montant de cet impôt (en l’occurrence sur le revenu cadastral qui sert de base à un impôt sur le revenu).

    Selon le Conseil d'État le fait de prendre pour base une valeur vénale qui est égale au revenu cadastral affecté d’un coefficient, revenait à prendre pour base le revenu cadastral. Ainsi donc, non seulement le revenu cadastral ne pouvait servir de fait générateur à une taxe locale, mais en plus, il ne pouvait former la base de calcul d’une taxe locale (arrêts du Conseil d'État n° 117.154 du 18 mars 2003, KEMME c/ commune de LANAKEN et n°135.708 du 5 octobre 2004, SA NIVADMIN c/ ville de NIVELLES).

    Ce faisant la haute juridiction administrative opérait un revirement de jurisprudence puisque, auparavant, cette taxe était jugée licite, car elle était considérée comme une taxe analogue à la patente. Le Conseil d'État estimait alors que la taxe industrielle compensatoire n’était pas un impôt sur les revenus ni une taxe similaire à l’un des quatre impôts énumérés à l’article 464,1° du Code des Impôts sur les revenus 1992, que c’était une taxe directe qui frappait les industries sans tenir compte des bénéfices qu’elles réalisaient (arrêts du Conseil d'État n° 26.239 et 26.240 du 5 mars 1986, SA Usines Gustave BOËL).

    En conclusion, jusqu’à cet arrêt du 23 septembre 2010, la jurisprudence du Conseil d'État (via son arrêt n°117.154 du 18 mars 2003) interdisait uniquement aux taxes industrielles compensatoires de prendre pour base d’imposition directement le revenu cadastral des biens immeubles, car cette base se rapportait directement aux revenus générés par les biens immeubles et était déjà visée par l’impôt des personnes physiques en tant que revenus immobiliers.

    Un nouveau pas venait donc d’être franchi par cet arrêt du 23 septembre 2010 puisque désormais, la taxe industrielle compensatoire – comme toute autre taxe communale ou provinciale – ne peut plus prendre pour base de calcul la valeur des biens immeubles reconstituée au départ de leur revenu cadastral.

    Face à cette situation et après avoir consultés les 10 communes concernées par cette taxe, j’ai chargé un groupe de travail de réformer cette taxe, groupe de travail composé des représentants de mon cabinet et de la DGO5 lesquels étaient conseillés par un avocat spécialisé en la matière. Sur base des conclusions de ses travaux, j’ai jugé préférable de renoncer à toute référence au revenu cadastral et à la valeur vénale et d’abandonner la taxe de quotité au profit d’une taxe de répartition.

    Si ce travail de sécurisation juridique de la taxe a complexifié le système de taxation - puisque pour la première application, il s’agira de déterminer la valeur de construction, de reconstruction ou d’acquisition - il n’en reste pas moins que l’indexation de cette valeur facilitera les choses pour les exercices ultérieurs.

    Un modèle de règlement-taxe qui traduit cette réforme a été rédigé en concertation avec lesdites communes.

    La réforme de cette taxe passait aussi par une réelle harmonisation des textes de règlements. C’est ainsi que ces communes ont été invitées, dans le respect de l’autonomie communale, à adopter le règlement qui leur a été présenté.

    Toutefois, on a constaté que les juridictions civiles ne suivaient pas unanimement la jurisprudence établie par le Conseil d'État dans son arrêt du 23 septembre 2010. Elles ont d’ailleurs pu s’appuyer sur l’arrêt 19/2012 du 16 février 2012 de la Cour constitutionnelle laquelle décidait que « L’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, combiné avec l’article 36 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution s’il est interprété en ce sens qu’il n’est pas réputé interdire aux communes de lever une taxe, notamment à l’égard des spectacles et divertissements, sur les recettes brutes générées par les droits d’entrée ou sur les revenus bruts. »

    Au vu de cette jurisprudence divergente, j’ai permis aux communes concernées d’adapter ce modèle sur les éléments suivants :
    - la détermination de la base de l’impôt par référence à la nature cadastrale ou à la catégorie du permis d’environnement nécessaire pour exercer l’activité dans l’établissement concerné ;
    - l’intégration – ou non – dans la base imposable des activités de la grande distribution ;
    - dans l’hypothèse de la mise en œuvre de la procédure de la taxation d’office, la possibilité de faire référence au revenu cadastral (dans l’attente de la fixation de la valeur de reconstruction) ;
    - compte tenu des nombreuses incertitudes sur la jurisprudence en la matière, la possibilité de voter les règlements qui s’appuieraient sur l’ancien modèle est maintenue. Ce type de règlement sera encore approuvé par les autorités de tutelle, mais la commune assume les risques de recours encourus si elle opte pour le maintien de l’ancien modèle de taxation ;
    - la fixation de la période de validité du règlement-taxe : celle-ci pourra être supérieure à la durée de la législature ;
    -la possibilité de déroger au modèle de règlement établi par le groupe de travail est possible. Cependant, toute proposition dérogatoire devra être présentée - préalablement à l’adoption du règlement-taxe - aux services de tutelle qui, après analyse, pourront apprécier sa conformité à l’intérêt général.

    Les choses ont enfin été définitivement réglées par la loi du 19 avril 2014 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992, en ce qui concerne l'établissement de taxes additionnelles sur des impôts régionaux (M.B. 16.05.2014) laquelle prévoit en son article 6 :
    « Par dérogation à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus, les communes dont le taux moyen d'augmentation du revenu cadastral des biens industriels consécutif de la dernière péréquation cadastrale, exprimé en pourcentage, en date du 1°' janvier de l'exercice d'imposition relatif à l'entrée en vigueur de la péréquation susvisée, est inférieur de plus de 10 p.c. au taux moyen d'augmentation du revenu cadastral, exprimé en pourcentage, de l'ensemble des biens situés sur le territoire de la commune, peuvent continuer à établir, exclusivement en ce qui concerne les biens industriels, une taxe sur tout ou partie des éléments composant le revenu cadastral des biens immeubles bâtis et non bâtis et du matériel et de l'outillage pour autant que le premier règlement communal qui a introduit une telle taxe est entré en vigueur au plus tard le 31 décembre 2013. »

    En conclusion, actuellement sur les 10 qui avaient été autorisées à lever une taxe industrielle compensatoire suite à la circulaire du Ministre Dehousse du 23 avril 1980, seules 7 communes ont toujours une taxe industrielle compensatoire « vieux système » (Brugelette l’ayant abandonnée suite à la disparition de la Sucrerie qui était installée sur son territoire) et 2 ont adopté le nouveau modèle de taxation.

    L'honorable membre trouvera en annexe le tableau identifiant ces communes et la période de validité de leur règlement-taxe.